Arrêt du Tribunal fédéral 2C_241/2016 du 7 avril 2017

Procédure fiscale conduite à l'étranger

  • 13. Juni 2017
  • Bearbeitet durch: Susanne Raas
  • Beitragsart: Grundsatzurteil
  • Rechtsgebiete: Internationale Amtshilfe
  • Zitiervorschlag: Susanne Raas, Arrêt du Tribunal fédéral 2C_241/2016 du 7 avril 2017, ASA online Grundsatzurteile
Arrêt du Tribunal fédéral 2C_241/2016 du 7 avril 2017 en la cause A. et B. SA contre Administration fédérale des contributions. Question juridique de principe.

Contenu

  • 1. Regeste
  • 2. Faits (résumé)
  • 3. Extrait des considérants

1.

Regeste ^

Dans une procédure d’assistance administrative internationale, l’Etat requis ne peut avoir pour rôle d’examiner, au-delà du contrôle de la plausibilité, le bien-fondé de la procédure fiscale conduite à l’étranger ni à s’interroger sur d’éventuels obstacles procéduraux qui, en application du droit interne de l’Etat requérant, empêcheraient l’utilisation des renseignements obtenus. Il appartient aux contribuables de faire valoir leurs moyens procéduraux devant les autorités judiciaires de l’Etat requérant. Il faut toutefois réserver sur le principe – la problématique ne concernant a priori pas les Etats d’Europe de l’Ouest, à l’égard desquels il n’y a en principe pas de doute à avoir quant au respect des droits de l’homme – la situation dans laquelle la procédure à l’étranger violerait des principes fondamentaux ou comporterait d’autres vices graves (consid. 5.4). Le principe de confiance implique qu’un Etat est présumé agir de bonne foi. En cas de doute sérieux, le principe de la confiance ne s’oppose certes pas à ce qu’un éclaircissement soit demandé à l’Etat requérant s’agissant de la pertinence vraisemblable des renseignements requis. La présomption de la bonne foi ne peut cependant être renversée que sur la base d’éléments établis et concrets (consid. 5.5).
In una procedura di assistenza amministrativa internazionale, lo Stato richiesto non può avere quale ruolo quello desaminare, al di là del controllo della plausibilità, la validità della procedura fiscale condotta allestero, né quello dinterrogarsi circa eventuali ostacoli procedurali che, in applicazione del diritto interno dello Stato richiedente, impedirebbero lutilizzo delle informazioni ottenute. Spetta ai contribuenti fare valere i loro diritti procedurali dinanzi alle autorità giudiziarie dello Stato richiedente. Rimane tuttavia di principio riservata – la problematica non concernendo a priori gli Stati dellEuropa dellOvest, nei confronti dei quali non sussiste alcun dubbio circa il rispetto dei diritti delluomo – la situazione nella quale la procedura allestero violerebbe i principi fondamentali o comporterebbe dei gravi vizi (consid. 5.4). Il principio della fiducia implica che uno Stato è presunto agire in buona fede. Certo, in caso di seri dubbi, il principio della fiducia non si oppone a che un chiarimento venga richiesto allo Stato richiedente circa la rilevanza verosimile delle informazioni richieste. La presunzione della buona fede non può tuttavia essere rovesciata che sulla base di fatti constatati e concreti (consid. 5.5).
In einem Verfahren der internationalen Amtshilfe hat der ersuchte Staat, abgesehen von einer Plausibilitätskontrolle, weder die Grundlage des im Ausland geführten Steuerverfahrens noch hat er nach möglichen prozeduralen Hindernissen zu fragen, die bei der Anwendung des internen Rechts des ersuchenden Staates einer Verwendung der erlangten Informationen entgegenstehen könnten. Es liegt an den Steuerpflichtigen, ihre Verfahrensrechte vor den Justizbehörden des ersuchten Staats geltend zu machen. Vorbehalten sind Situationen, in denen das Verfahren im Ausland grundsätzliche Prinzipien verletzt oder andere schwere Mängel aufweist – wobei dies bei westeuropäischen Staaten a priori nicht der Fall ist, bei denen in der Regel keine Zweifel an der Respektierung der Menschenrechte bestehen (E. 5.4). Das Vertrauensprinzip bedeutet, dass vermutet wird, ein Staat handle nach Treu und Glauben. Bei ernsthaften Zweifeln verhindert dieses Prinzip jedoch nicht, dass vom ersuchenden Staat Klarstellungen zur voraussichtlichen Erheblichkeit der ersuchten Informationen verlangt werden. Die Vermutung des Handelns nach Treu und Glauben kann allerdings nur auf Grundlage von erstellten und konkreten Tatsachen umgestossen werden (E. 5.5).

2.

Faits (résumé) ^

Le 12 septembre 2014, la Direction générale des finances publiques françaises (ci-après : l’autorité requérante) a adressé à l’Administration fédérale des contributions (ci-après : l’Administration fédérale) une demande d’assistance administrative concernant A., en matière d’impôt sur le revenu des périodes fiscales 2010 à 2013 et d’impôt sur la fortune des années 2010 à 2014. L’autorité requérante y indiquait qu’elle procédait au contrôle de la situation fiscale de A.

Par décision finale du 23 décembre 2014, l’Administration fédérale a accordé l’assistance administrative à la France.
Le 30 janvier 2015, A. et B. SA ont interjeté recours contre la décision du 23 décembre 2014 auprès du Tribunal administratif fédéral, en demandant son annulation.
Par arrêt du 22 février 2016, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours. Les juges précédents ont, entre autres, constaté que la demande d’assistance administrative remplissait l’ensemble des conditions formelles et matérielles applicables. En particulier, c’était à tort que A. et la B. SA remettaient en cause la bonne foi de l’autorité requérante au motif qu’aucune (nouvelle) décision de taxation complémentaire (dénommée « proposition de rectification ») ne pouvait, selon eux, être rendue à l’avenir en France à l’encontre de A.
A. et la B. SA ont interjeté un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre cette décision.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure de sa recevabilité.

3.

Extrait des considérants ^

5.

5.1. Selon l’art. 28 par. 1 1e phrase CDI CH-FR [Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscales ; RS 0.672.934.91], les autorités compétentes des Etats contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou pour ladministration ou lapplication de la législation interne relative aux impôts de toute nature (...). Le ch. XI par. 3 du Protocole additionnel prévoit la liste des informations que doit contenir une demande. Selon la jurisprudence, cette liste est conçue de telle manière que si l’Etat requérant s’y conforme, il est en principe censé fournir des informations qui doivent suffire à démontrer la pertinence vraisemblable de sa demande (ATF 142 II 161 consid. 2.1.4 p. 168).

5.2. La condition de la pertinence vraisemblable des renseignements requis est la clé de voûte de l’échange de renseignements. Selon la jurisprudence, elle a pour but d’assurer un échange de renseignements le plus large possible, mais ne permet pas aux Etats d’aller à la pêche aux renseignements ou de demander des renseignements dont il est peu probable qu’ils soient pertinents pour élucider les affaires d’un contribuable déterminé. Elle est réputée réalisée si, au moment où la demande est formulée, il existe une possibilité raisonnable que les renseignements demandés se révéleront pertinents. En revanche, peu importe qu’une fois fournis, il s’avère que l’information demandée soit finalement non pertinente. Il n’incombe pas à l’Etat requis de refuser une demande ou de transmettre les informations parce que cet Etat serait d’avis qu’elles manqueraient de pertinence pour l’enquête ou le contrôle sous-jacents (ATF 142 II 161 consid. 2.1.1 p. 165 s.).

Le rôle de l’Etat requis, s’agissant de la pertinence vraisemblable des renseignements objets de la demande, se limite à vérifier si les documents demandés par l’Etat requérant ont un rapport avec l’état de fait présenté dans la demande et s’ils sont potentiellement propres à être utilisés dans la procédure étrangère. A cet égard, l’autorité requise doit examiner si les documents demandés se rapportent bien aux faits qui figurent dans la requête et ne peut refuser de transmettre que les documents dont il apparaît avec certitude qu’ils ne sont pas déterminants. Ce serait méconnaître le sens et le but de l’assistance administrative que d’exiger de l’Etat requérant qu’il présente une demande dépourvue de lacune et de contradiction, car la demande d’assistance implique par nature certains aspects obscurs que les informations demandées à l’Etat requis doivent éclaircir (ATF 142 II 161 consid. 2.1.1 p. 165 s. ; 139 II 404 consid. 7.2.2 p. 424).

5.3. Ces principes ont en particulier été développés en lien avec la problématique de la double imposition, dans deux arrêts concernant des demandes d’assistance administrative françaises qui visaient à obtenir des renseignements sur des comptes bancaires détenus en Suisse par des contribuables que l’Etat requérant considérait comme ses résidents fiscaux. Ces derniers contestaient être résidents fiscaux français, en faisant valoir, pour l’un, une résidence fiscale en Suisse et, pour l’autre, une résidence fiscale dans un Etat tiers. Le Tribunal fédéral a en substance retenu qu’il incombait aux intéressés de faire valoir leurs arguments et de produire les pièces corroborant leur position sur ce point devant les autorités de l’Etat requérant (ATF 142 II 161 consid. 2.2 p. 170 s. [contribuable assujetti à l’impôt de manière illimitée en Suisse] ; 218 consid. 3.6 et 3.7 p. 229 s. [contribuable alléguant être résident fiscal d’un Etat tiers]).

5.4. Le même raisonnement doit s’imposer lorsque le contribuable oppose à la demande d’assistance administrative des dispositions procédurales du droit interne de l’Etat requérant. Dans le contexte de l’assistance administrative en matière fiscale fondée sur la vraisemblance, l’Etat requis n’a pas à vérifier l’application du droit interne procédural de l’Etat requérant pour décider de la pertinence d’une demande d’assistance. Il suffit que les renseignements soient potentiellement propres à être utilisés dans la procédure étrangère. En revanche, comme le relève pertinemment l’intimée, l’Etat requis ne peut avoir pour rôle d’examiner, au-delà du contrôle de la plausibilité, le bien-fondé de la procédure fiscale conduite à l’étranger ni à s’interroger sur d’éventuels obstacles procéduraux qui, en application du droit interne de l’Etat requérant, empêcheraient l’utilisation des renseignements obtenus. Une telle approche ne serait pas soutenable dans le contexte de la coopération internationale et au vu des spécificités de chaque procédure nationale. L’Etat requis ne disposerait du reste pas des éléments nécessaires pour vérifier l’exactitude des allégations des contribuables visés s’agissant du respect des règles procédurales de l’Etat requérant. On ne peut que confirmer la position du Tribunal administratif fédéral selon laquelle il appartient aux contribuables de faire valoir leurs moyens procéduraux devant les autorités judiciaires de l’Etat requérant (cf. arrêt 2C_893/2015 du 16 février 2017 consid. 6.3 destiné à la publication ; ATF 142 II 218 consid. 3.7 p. 230). Il faut toutefois réserver sur le principe – la problématique ne concernant a priori pas les Etats d’Europe de l’Ouest, à l’égard desquels il n’y a en principe pas de doute à avoir quant au respect des droits de l’homme – la situation dans laquelle la procédure à l’étranger violerait des principes fondamentaux ou comporterait d’autres vices graves (cf. art. 84 al. 2 LTF en lien avec l’art. 84a LTF et la jurisprudence rendue en matière d’extradition quant au risque de traitement contraire à la CEDH ou au Pacte ONU II, notamment ATF 135 I 191 consid. 2 p. 193 ss. ; 134 IV 156 consid. 6 p. 162 ss. ; 129 II 268 consid. 6 p. 270 ss., cf., en lien avec l’assistance administrative, arrêt 2C_325/2017 du 3 avril 2017 consid. 5).

5.5. A cela s’ajoute que le principe de la bonne foi, qui s’applique de manière générale dans les relations internationales et partant également dans le domaine de l’assistance administrative internationale en matière fiscale (art. 31 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités ; ATF 142 II 218 consid. 3.3 p. 228), implique notamment qu’un Etat est présumé agir de bonne foi. Dans le contexte de l’assistance administrative en matière fiscale, cette présomption signifie que l’Etat requis ne saurait en principe mettre en doute les allégations de l’Etat requérant. S’il ne fait en particulier pas obstacle au droit de l’Etat requis de vérifier que les renseignements demandés sont bien vraisemblablement pertinents pour servir le but fiscal recherché par l’Etat requérant, il lui impose néanmoins de se fier en principe aux indications que lui fournit celui-ci, sauf à adopter une attitude de défiance et de remise en cause de la bonne foi (ATF 142 II 161 consid. 2.1.3 p. 167 s. et consid. 2.4 p. 172 ; 218 consid. 3.3 p. 228 s. ; arrêts 2C_1000/2015 du 17 mars 2017 consid. 6.3 destiné à la publication ; 2C_904/2015 du 8 décembre 2016 consid. 6.3). Certes, en cas de doute sérieux, le principe de la confiance ne s’oppose pas à ce qu’un éclaircissement soit demandé à l’Etat requérant s’agissant de la pertinence vraisemblable des renseignements requis (arrêt 2C_893/2015 du 16 février 2017 consid. 8.7.1 destiné à la publication). La présomption de la bonne foi ne peut cependant être renversée que sur la base d’éléments établis et concrets (cf. arrêts précités 2C_893/2015 consid. 8.7.4 et 2C_325/2017 consid. 4.2).

5.6 […]
Indépendamment du fait que les recourants se limitent à décrire de manière vague les motifs pour lesquels aucune révision de la taxation ne pourrait intervenir, entrer en matière sur cette question reviendrait, pour la Suisse, à s’immiscer dans le droit interne de l’Etat requérant et à juger à sa place de la possibilité laissée par le droit de procédure français de revenir sur une procédure de contrôle fiscal qui serait par hypothèse close. Le contrôle de la pertinence vraisemblable des indications fournies par l’Etat requérant ne saurait s’étendre à un tel examen. Comme rappelé ci-dessus, une telle démarche serait contraire à la répartition des rôles des Etats dans le contexte de l’assistance administrative en matière fiscale. Si les recourants sont d’avis qu’aucune révision de taxation ne peut intervenir, il leur incombera de faire valoir ces moyens devant les autorités compétentes françaises.