La compagnie d’assurance doit établir des documents relatifs à la conclusion de contrats, aux identifications et aux clarifications particulières effectuées selon les art. 4 à 14, de manière à ce que des tiers experts en la matière, en particulier l’Autorité de surveillance, puissent:
- se faire une idée objective de la façon dont la compagnie d’assurance respecte les obligations prévues par la LBA et le Règlement de l’OAR-ASA;
- contrôler la vérification de l’identité du cocontractant et l’identification de l’ayant droit économique.
Remarques préliminaires
L’art. 7 LBA instaure une obligation d’établir des documents. Cela permet de contrôler que les obligations de diligence légales et réglementaires ont été respectées. L’obligation de vérifier l’identité du cocontractant selon les art. 3 ss LBA et l’obligation particulière de clarification au sens de l’art. 6 LBA perdraient considérablement de leur substance si, parallèlement, l’intermédiaire financier n’était pas tenu de consigner par écrit le résultat de ses différents examens et de conserver les documents ainsi établis (Message 1996, commentaire ad art. 7 P LBA). Pour pouvoir être valablement comparées à d’autres informations ultérieures, les informations recueillies ou les constatations faites à l’époque doivent être disponibles dans leur forme originale (De Capitani, op. cit., Komm. zu Art. 7 GwG N 8). Un archivage électronique est aussi autorisé à cet égard.
L’obligation d’établir et de conserver des documents débute avec les négociations en vue d’établir une relation d’affaires, c’est-à-dire, dans l’assurance sur la vie, avec l’arrivée de la proposition signée auprès de la compagnie d’assurance. Ce n’est qu’ainsi que des soupçons fondés de blanchiment d’argent selon l’art. 9, al. 1, let. b LBA peuvent être annoncés au Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS) tout en étant enregistrés dans le dossier (cf. à ce sujet le Message du 15 juin 2007 sur la mise en œuvre des recommandations révisées du Groupe d’action financière (GAFI), ch. 1.3.6 "Obligation de communiquer en cas de rupture des négociations visant à établir une relation d’affaires" (art. 9, al. 1, let. b LBA) (FF 07.064, p. 5936)). Si un contact avec un client ne débouche pas sur une conclusion de contrat, ni sur l’ouverture d’une relation d’affaires, et qu’en outre aucune proposition signée n’a été remise à la compagnie d’assurance, il n’y a pas obligation d’établir et de conserver des documents. Si, pour des raisons de prudence, aucune proposition n’a été signée et transmise, la compagnie d’assurance est libre de faire usage, le cas échéant, du droit de communication et d’informer l’autorité compétente de ses perceptions conformément à l’art. 305ter, al. 2 CP. Cependant, si la proposition signée est parvenue au siège principal de la compagnie d’assurance ou si un versement a été effectué sur un compte de primes ou un dépôt de primes, et qu’un doute survient entre le moment où la proposition signée parvient à l’assureur et l’acceptation de celle-ci (conclusion du contrat et ouverture de la relation d’affaires), une obligation de communiquer selon l’art. 9, al. 1, let. b LBA naît en cas de soupçon fondé.
L’obligation d’établir des documents concerne les contrats d’assurance conclus, mais aussi les clarifications exigées par la LBA telles que:
- Vérification de l’identité du cocontractant et son renouvellement éventuel (art. 3 et 5 LBA et art. 3–8 et 12 du règlement);
- Identification de l’ayant droit économique (art. 4 LBA et art. 9 et 10 du règlement), ainsi que les renouvellements éventuels de celle-ci, selon art. 5 LBA et 12 du règlement
- Identification du bénéficiaire selon art. 11 du règlement;
- Clarifications particulières selon art. 6 LBA et 14 du règlement.
(Voir aussi Graber, GwG, Art. 7 Rz 4).
Il ne peut être répondu de manière concluante à la question de savoir si un intermédiaire financier est tenu de documenter en détail les indications reçues du cocontractant ou s’il suffit de rédiger pour le dossier une note globale sur les clarifications. Ce qui est déterminant, c’est que le déroulement des relations d’affaires puisse être reconstitué. Il est opportun que le cocontractant puisse, pour étayer ses déclarations, présenter des pièces justificatives d’où il ressort incontestablement qu’un acte juridique a été passé et que ce dernier justifie en fin de compte l’arrivée de fonds. En outre, la compagnie d’assurance peut se procurer sur Internet des informations pour compléter les déclarations du cocontractant, ceci pour autant que ce dernier dispose de sa propre page d’accueil (Homepage). De telles indications ne sont toutefois pas officielles ni vérifiables (Detlev M. Basse, Know your customer/client [exposé lors du séminaire OAR-FSA/FSN du 24 septembre 2002] note 42).
Les documents établis doivent permettre à des tiers autorisés "de se faire en tout temps une idée objective" sur la manière dont la compagnie d’assurance observe les prescriptions légales et les dispositions du règlement, et comment les contrats ont été traités et surveillés. C’est pour cette raison que toutes les informations concernant le cocontractant et, le cas échéant, l’ayant droit économique, doivent être soigneusement consignées par écrit et conservées (Message 1996, commentaire ad art. 7, al. 1 P LBA). Les tiers autorisés à consulter les documents sont la FINMA, le Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent, l’organisme d’autorégulation de l’ASA, ainsi que les autorités de poursuite pénale (autre avis concernant les autorités de poursuite pénale: Wyss, op. cit., Komm. zu Art. GwG 7 Ziff. 8).
Cinq jours ouvrables sont raisonnables pour la remise des documents aux tiers autorisés à en prendre connaissance (voir aussi Wyss, op. cit., Komm. zu Art. 7 GwG Ziff. 7).
Ad art. 16:
Les documents importants pour le contrat doivent être établis de manière à permettre la reconstitution de la conclusion du contrat et de chacune des transactions effectuées. Ceci présuppose que les documents soient complets, exacts et justes, et regroupés de manière systématique.
Il faut pouvoir reconstituer notamment :
- toutes les conclusions de contrat et transactions, documents à l’appui (paper trail);
- la mise en œuvre de la vérification de l’identité du cocontractant sur la base de justificatifs et de notes;
- l’identification de l’ayant droit économique;
- la clarification de l’arrière-plan d’une relation d’affaires inhabituelle ou de transactions inhabituelles.
Les documents servent notamment à protéger la compagnie d’assurance. Il peut être ainsi vérifié que les prescriptions des art. 305bis et 305ter, al. 1 CP ont été respectées (Message 1996, commentaire ad art. 7, al. 1 P LBA).
La compagnie d’assurance remplit l’obligation légale d’établir des documents si elle tient un dossier à jour et complet pour chaque cocontractant.
Les opérations suivantes doivent notamment faire l’objet d’une documentation:
- la vérification de l’identité du cocontractant (art. 3 à 8 du règlement);
- l’identification de l’ayant droit économique/du détenteur du contrôle (art. 9 et 10 du règlement), c’est-à-dire la déclaration écrite du cocontractant. La présomption que le cocontractant est économiquement habilité ressort de la proposition d’assurance et doit dorénavant être documentée de façon appropriée, autrement dit, au point qu’elle soit "dénuée de tout doute" s’il n’est pas possible d’obtenir une déclaration écrite au sujet de l’ayant droit économique. A cet égard, une marque distincte dans un processus électronique de préparation d’une affaire suffit.
- l’identification du bénéficiaire (art. 11 du règlement)
- le renouvellement de la vérification de l’identité ou de l’identification (art. 12 du règlement)
- la clarification de l’arrière-plan économique (art. 14 du règlement)
Sur demande, la compagnie d’assurance doit être en mesure de dire avec précision si une personne est en relation contractuelle avec elle et s’il y a eu obligation de vérifier l’identité du cocontractant. Il doit également ressortir du dossier qui est l’ayant droit économique au cas où il y a eu une obligation d’éclaircissement à ce sujet et à qui la prestation d’assurance a été versée. Les documents concernant une relation d’affaires qui n’a pu être établie en raison de doutes non écartés sont à conserver eux aussi. Afin de pouvoir fournir ces renseignements "en tout temps", la compagnie d’assurance doit prendre toutes les mesures d’organisation nécessaires (Message 1996, commentaire ad art. 7, al. 2 P LBA). Il est recommandé de classer les pièces relatives au contrat (dossier) de manière que l’on puisse, sur l’indication du nom du client, mettre la main dessus en l’espace d’un jour ouvrable.