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Chapitre 2

Obligations de diligence des compagnies d’assurance

Section 1

Vérification de l'identité du cocontractant

Art. 3

Montant déterminant et moment


1   La compagnie d’assurance doit vérifier l’identité du cocontractant:

  1. lors de la souscription d’un contrat d’assurance-vie avec composante d’épargne (y compris les contrats de capitalisation), si les primes excèdent le montant de 15’000 CHF par contrat en cinq ans;
  2. lors d’un versement excédant 15’000 CHF effectué sur un compte de primes afférent à une assurance-vie avec composante d’épargne s’il n’a pas encore été procédé à une identification;
  3. lors de la vente ou de la distribution de parts de fonds de placement de capitaux collectifs selon la loi sur les placements collectifs de capitaux (LPCC; RS 951.31), pour autant que la souscription dépasse le montant de 15’000 CHF;
  4. lors de la conclusion de contrats hypothécaires dans le cadre de l’exécution à titre professionnel d’opérations de crédit selon l’ordonnance sur l’activité d’un intermédiaire financier exercée (OIF, RS 955.071, dès 1 janvier 2016 OBA, RS 955.01).

2   L’identité du cocontractant doit toujours être vérifiée lorsqu’il y a des indices de blanchiment d’argent au sens de l’art. 3, al. 4 LBA.

3   S’agissant de contrats d’assurance-vie, la vérification de l’identité doit avoir lieu au moment de la remise de la police. Dans les affaires hypothécaires, la vérification de l’identité doit être achevée avant le versement de valeurs patrimoniales.

Ad al. 1:

La personne dont l’identité doit être vérifiée est la personne qui signe la proposition du contrat d’assurance, donc le futur preneur d’assurance. Elle seule compte comme cocontractant au sens du règlement. Si un contrat d’assurance-vie est établi par deux ou plusieurs preneurs d’assurance, l’identité de toutes les personnes doit être vérifiée. Ni son représentant, ni la personne assurée, ni celle désignée comme bénéficiaire ne sont présumés cocontractant ou preneur d’assurance.

Il y a obligation de vérifier l’identité du cocontractant à la conclusion d’un contrat d’assurance-vie avec composante d’épargne si la prime unique ou les primes périodiques excèdent le montant de 15’000 CHF par contrat au cours de 5 ans. En d’autres termes, le preneur d’assurance s’engage ainsi à verser des primes pour un montant de plus de 15’000 CHF par contrat en 5 ans. Compte tenu des prescriptions internationales en vigueur, le seuil est fixé depuis janvier 2020 à 15’000 CHF (précédemment 25’000 CHF). Le seuil correspond à celui des banques pour les opérations de caisse (art. 2, al. 2, let. j CDB). C’est le flux monétaire effectif après éventuels réductions ou suppléments de primes qui est ici déterminant (système net, impôts inclus), c’est-à-dire en principe la prime due selon la police, y compris les impôts, à laquelle le cocontractant s’est engagé. Comment ou qui la paie (paiera) ne joue ici aucun rôle. Si l’on soupçonne que l’obligation de l’identification a été esquivée par la conclusion de plusieurs contrats d’assurance ou de comptes de primes (cf. également chif. 8) comportant des primes inférieures à la limite plancher (smurfing), il faut quand même procéder à l’identification. Tel est notamment le cas si, en considération de l’ensemble des circonstances, il n’y a pas de raisons manifestes justifiant objectivement la conclusion de plusieurs contrats d’assurance sur la vie ou de comptes de primes.

Par contrat d’assurance-vie avec composante d’épargne, on entend aussi bien les assurances de capital que les assurances de rentes (autrement dit avec et sans restitution des primes ainsi que les assurances décès vie entière). La notion "opérations de capitalisation" recouvre les opérations régies dans l’Annexe 1 sous point A6 de l’ordonnance sur la surveillance des entreprises d’assurance privées (OS). Comme celles-ci présentent une composante épargne, elles tombent également dans le champ d’application du règlement. Les contrats d’assurance de la prévoyance individuelle liée (pilier 3a) au sens de l’art. 1 OPP 3 et les assurances de risque pur ne tombent pas dans le champ d’application de l’OAR-ASA selon l’art. 1, al. 2 du règlement, même si, avec le temps, les assurances de risque présentent une réserve mathématique (actuarielle). Les contrats passés entre les institutions de prévoyance professionnelle et leurs assurés ainsi que les contrats d’assurance collective à des fins de prévoyance professionnelle conclus entre une compagnie d’assurance sur la vie et une institution de prévoyance professionnelle ne sont pas non des assurances sur la vie avec composante d’épargne au sens du règlement (voir commentaire ad 1, al. 2 du règlement).

Les assurances sur la vie liées à des parts de fonds sont, en ce qui concerne les obligations de diligence, assimilées aux assurances-vie conventionnelles avec composante d’épargne. Ainsi, selon l’art. 3, al. 1, let. a et b R OAR-ASA, obligation est faite de vérifier l’identité du cocontractant si la prime unique ou les primes périodiques excèdent le montant de 15’000 CHF par contrat en cinq ans.

En cas de modification ou de mutation du contrat impliquant une augmentation des primes annuelles, il y a obligation de vérifier l’identité du cocontractant si, du fait de la modification, les primes excèdent pour la première fois le montant limite. Font exception à cette règle les adaptations automatiques liées à un indice, etc. C’est la nouvelle prime totale qui est déterminante et non le montant de l’augmentation. Si le paiement de la prime augmentée intervient en vertu d’une garantie d’assurabilité convenue dans le contrat d’assurance, il n’y a pas lieu de procéder à la vérification de l’identité du preneur d’assurance si celle-ci n’a pas été effectuée lors de la conclusion du contrat, parce que antérieure au 1er avril 1999 (entrée en vigueur du premier Règlement OAR-ASA). Si la conclusion du contrat est postérieure au 1er avril 1999 et si l’identité du preneur d’assurance n’a pas été vérifiée jusqu’ici, la vérification doit être effectuée lors de l’augmentation des primes payées.

Si des prestations versées à l’échéance de contrats d’assurance sur la vie sont réinvesties, aucune nouvelle vérification d’identité ne doit être effectuée, si l’identification a eu lieu à l’occasion de la première relation contractuelle et que des documents ont été établis selon les dispositions alors en vigueur. Si tel n’est pas le cas, l’identité du cocontractant doit être vérifiée lors d’un réinvestissement dépassant le montant limite.

Si des propositions d’assurance parviennent par l’intermédiaire de tiers qui ne sont pas des collaborateurs de la compagnie d’assurance (intermédiaires indépendants) et si ces derniers n’ont pas été chargés de procéder à la vérification de l’identité selon l’art. 18 R OAR-ASA (délégation des obligations de diligence), la compagnie doit procéder elle-même à la vérification de l’identité du cocontractant.

Sous la notion de "compte de primes" se rangent également des comptes qui sont ouverts avant l’établissement de la police ou après l’échéance du contrat d’assurance, à des fins de virement des valeurs patrimoniales.

Dans l’exploitation de placements collectifs, il n’existe à l’appui des prescriptions de l’OBA-FINMA une obligation de vérification de l’identité du cocontractant que dans la mesure où la souscription excède le montant de 15‘000 CHF.

Lors de l’octroi d’un crédit hypothécaire, le cocontractant est le preneur de crédit (débiteur du prêt garanti par l’hypothèque; débiteur du prêt). C’est généralement aussi le propriétaire de l’immeuble grevé. Si un contrat de crédit hypothécaire est passé par deux preneurs de crédit ou davantage, tous les partenaires doivent faire l’objet d’une vérification d’identité. A cet égard, tous les preneurs du crédit hypothécaire ne doivent pas être nécessairement propriétaires de l’immeuble grevé. Il est même envisageable qu’il s’agisse d’un pur gage de tiers. Si le propriétaire/tiers qui a constitué le gage n’est pas en même temps le débiteur du prêt, il n’y a pas lieu de procéder à la vérification de l’identité du propriétaire/tiers qui a constitué le gage, car il n’est pas partie au contrat. L’identification doit toujours être effectuée indépendamment d’une valeur seuil lors de d’octroi d’un crédit hypothécaire.

En cas de prolongation d’un crédit hypothécaire existant, il ne faut procéder à une nouvelle vérification de l’identité qu’à condition que celle-ci n’ait pas déjà eu lieu préalablement.

Ad al. 2:

Lorsqu’il y a des indices de blanchiment d’argent, l’identité du cocontractant doit toujours être vérifiée selon les prescriptions légales, même si la prime unique ou les primes périodiques n’atteignent pas le montant limite ou si, le cas échéant, on est dans un cas d’exemption formelle d’identification (art. 3 al. 4 LBA).

Si par exemple, avant que la proposition signée ne parvienne à la compagnie (c’est-à-dire avant que les négociations pour l’établissement d’une relation d’affaires ne débutent), un collaborateur du service externe refuse de lui-même une affaire en raison de faits insolites ou d’indices de blanchiment d’argent, il n’existe pas encore d’obligation de vérifier l’identité selon l’art. 3, al. 2 R-OAR-ASA. Cette approche correspond à l’obligation de communiquer selon l’art. 9 LBA. En effet, si déjà après un premier contact sans engagement avec un client, le collaborateur du service externe renonce à transmettre une proposition écrite à la compagnie, l’obligation de communiquer selon art. 9 LBA ne s’applique pas (cf. à ce sujet le commentaire ad art. 19 R-OAR-ASA).

De même, il n’y a pas obligation de vérifier l’identité du cocontractant lorsque la compagnie d’assurance refuse la proposition signée pour la conclusion d’une assurance sur la vie au stade des négociations en raison de faits insolites ou d’indices de blanchiment d’argent à l’occasion de l’examen de la proposition. Cependant, il existe évidemment, le cas échéant, une obligation de communiquer selon l’art. 9, al. 1, let. b LBA si l’assureur rompt les négociations en vue d’établir une relation d’affaires en raison d’un soupçon fondé (cf. à ce sujet art. 19 R OAR-ASA).

Par la notion d’«indices de blanchiment d’argent» au sens de l’art 3, al. 2 du règlement, il ne faut pas entendre les soupçons fondés selon l’art. 9, al.1 LBA. Dans cette mesure, la notion d’«indices de blanchiment» va moins loin que les «soupçons fondés». Il y a déjà obligation de vérifier l’identité en cas d’indices de blanchiment d’argent dans un contrat en cours quand un contrôle de plausibilité fait ressortir des faits insolites.

En présence de doutes ou de soupçons quant à l’origine légale des fonds, la compagnie d’assurance doit décider si elle veut procéder après coup à une vérification de l’identité du cocontractant. Toutefois, cette identification en présence d’indices de possible blanchiment d’argent au sens de l’art. 3, al. 2 du règlement n’implique encore aucune décision relative à une communication ultérieure au Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS). Elle doit seulement garantir qu’une communication au sens de l’art. 19 du règlement pourrait, le cas échéant, être faite ultérieurement si des soupçons selon l’art. 9 LBA devaient s’avérer fondés. Toutefois, la vérification de l’identité ne constitue pas une condition pour une communication, mais la facilite, vu que, dans le cadre de leurs enquêtes, les autorités examinent aussi à fond l’observation des obligations de diligence par l’intermédiaire financier.

Des indices de faits insolites, et de ce fait des indices de blanchiment d’argent en général peuvent apparaître alors qu’un contrat est en cours, lorsque, par exemple

  • Le cocontractant voudrait payer en espèces un montant de plus de 15’000 CHF.
  • Le contexte économique ou les connaissances et expériences relatives au client ne sont pas ou plus compatibles avec le contrat.
  • Des prestations de service ou des produits spéciaux sont exigés (des produits wrapper notamment).
  • La conception du contrat donne à penser qu’un objectif criminel doit être atteint.
  • Le genre et le lieu de l’activité commerciale du cocontractant et/ou de l’ayant droit économique soulèvent des questions.
  • Le but de la conclusion du contrat n’est pas reconnaissable ou paraît simplement insensé du point de vue économique (conclusion de plusieurs assurances sur la vie génératrices de capital avec une couverture de risque identique et de brève durée ainsi qu’un financement par primes uniques juste en dessous de la limite nécessitant une vérification de l’identité).
  • Une procuration est donnée à une personne qui, manifestement, n’a pas une relation suffisamment étroite avec le cocontractant.
  • Instruction est donnée de verser en espèces la somme assurée au bénéficiaire.
  • Le cocontractant a des besoins de discrétion qui vont au-delà des normes usuelles dans la branche, ou il n’y a pas de contact personnel.
  • Le cocontractant exige en plus de la police d’assurance une déclaration de garantie.
  • Une relation d’affaires est engagée avec des entités patrimoniales auxquelles aucune personne n’a économiquement droit, ou dans le cadre de relations d’affaires avec des organisations corporatives, des trusts ou des sociétés de domicile.
  • Une relation d’affaires ou une transaction est engagée en relation avec des personnes physiques ou morales ou des ayants droit économiques dont la nationalité, le domicile ou le siège se situent dans des pays dont les mesures pour la lutte contre le blanchiment d’argent ne correspondent pas aux principes fondamentaux de la LBA.
  • Il y a des indices selon lesquels le cocontractant ou l’ayant droit économique pourrait faire partie d’une organisation terroriste ou criminelle ou avoir des relations avec des personnes qui font partie de telles organisations, les soutiennent ou leur sont proches.
  • La conclusion du contrat apparaît de toute manière insolite, à moins que sa légalité ne soit manifeste.

(Voir aussi les développements ad art. 13bis et 13ter du règlement)

En cas de relations commerciales avec des trusts, il faut identifier le trustee en tant que cocontractant. Le trust lui-même ne peut pas être cocontractant. Le trustee doit être identifié soit conformément aux prescriptions s’appliquant aux personnes physiques, soit selon les dispositions applicables aux personnes morales ou aux sociétés de personnes.

Ad al. 3

La réglementation de l’al. 3 représente d’une part la codification de la pratique actuelle dans le domaine de l’assurance-vie, selon laquelle la vérification de l’identité du cocontractant doit être achevée au plus tard à l’envoi de la police.

Dans le domaine hypothécaire, par analogie au secteur bancaire (CDB) et dans l’optique des risques possibles LBA, ce n’est pas la conclusion du contrat qui est déterminante pour la vérification de l’identité, mais le moment où le flux monétaire peut avoir lieu. Les documents servant à la vérification de l’identité du cocontractant doivent donc être au plus tard en possession de la compagnie d’assurance avant le paiement du prêt et non pas avant l’établissement des offres de contrat. Ceci permet de ne procéder à la vérification de l’identité qu’après l’établissement d’une offre de contrat contraignante.

Dans le domaine des placements collectifs, la vérification de l’identité du cocontractant doit être achevée avant l’échange de prestations (acceptation des fonds – enregistrement des placements collectifs dans le dépôt du client).