Arrêts du Tribunal fédéral 2C_772/2021 et 2C_773/2021 du 8 novembre 2022

Convention de double imposition (CDI) Suisse – France

  • Bearbeitet durch: Rafi Feller
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  • Field of Law: Internationale-Amtshilfe
  • Citation: Rafi Feller, Arrêts du Tribunal fédéral 2C_772/2021 et 2C_773/2021 du 8 novembre 2022, ASA online Grundsatzurteile
Arrêts du Tribunal fédéral 2C_772/2021 et 2C_773/2021 du 8 novembre 2022 (publication aux ATF prévue) dans la cause opposant A.SA, B.B. (successeure de C.B.) contre l’Administration fédérale des contributions. Notification par voie édictale de la décision finale et habilitation à recourir contre la décision finale (objet).
Recours contre les arrêts du Tribunal administratif fédéral A-5639/2020 et A-5646/2021.

Contenu

  • 1. Regeste
  • 2. Faits (résumé)
  • 3. Extrait des considérants

1.

Regeste ^

La dernière adresse connue de feu C.B. était en France. Il a été informé de l’existence de la procédure par la voie édictale. L’Administration fédérale pouvait s’en tenir aux informations transmises sur le domicile (cf. consid. 9.4.2). Feu C.B. n’a pas communiqué à l’Administration fédérale de représentant en Suisse habilité à recevoir des notifications, et la notification directe avec la France n’était d’emblée pas possible dans la présente procédure d’assistance administrative (cf. consid. 9.4.3). Dans ces circonstances, l’Administration fédérale était fondée à lui notifier une décision finale par publication dans la Feuille fédérale, en application de l’art. 17 al. 3 LAAF. Le Tribunal administratif fédéral n’a pas violé l’art. 17 LAAF ni l’art. 29 al. 2 Cst. (consid. 9.4.4).

L’Administration fédérale a notifié la décision finale à feu C.B. le 12 mai 2020 par voie édictale. Faute de recours de sa part, cette décision est devenue définitive à la mi-juin 2020. Par conséquent, feu C.B. ne pouvait pas recourir contre les mêmes décisions finales, datées respectivement des 7 et 9 octobre 2021, notifiées à A. SA (consid. 9.5.1.–9.5.5).

Die letzte bekannte Adresse des verstorbenen C.B. war in Frankreich. Er wurde durch öffentliche Bekanntmachung über die Existenz des Verfahrens informiert. Er hat der Bundesverwaltung keine zur Zustellung bevollmächtigte Person in der Schweiz angegeben, und eine direkte Zustellung in Frankreich war im vorliegenden Amtshilfeverfahren von vornherein nicht möglich (vgl. E. 9.4.3). Zudem durfte sich die Bundesverwaltung an die übermittelten Informationen über das Domizil halten und musste nicht den Vertreter eines anderen Beschwerdeführers kontaktieren, um zu wissen, ob er auch den verstorbenen C.B. vertrat (vgl. E. 9.4.2). Unter diesen Umständen war die Bundesverwaltung berechtigt, diesem in Anwendung von Art. 17 Abs. 3 StAhiG eine Schlussverfügung durch Veröffentlichung im Bundesblatt zuzustellen. Das Bundesverwaltungsgericht hat weder Art. 17 StAhiG noch Art. 29 Abs. 2 BV verletzt (E. 9.4.4).

Die Bundesverwaltung eröffnete dem verstorbenen C.B. die Schlussverfügung am 12. Mai 2020 durch öffentliche Bekanntmachung. Da er keine Beschwerde erhob, wurde diese Verfügung Mitte Juni 2020 rechtskräftig. Folglich konnte der verstorbene C.B. dieselben Schlussverfügungen vom 7. und 9. Oktober 2021, die der A. AG zugestellt wurden, nicht anfechten (E. 9.5.1. – 9.5.5).

2.

Faits (résumé) ^

A.

A.a. Le 11 mai 2016, la Direction générale des finances publiques française (ci-après: l’autorité requérante) a déposé une demande d’assistance administrative en matière fiscale auprès de l’Administration fédérale des contributions (…).

(…)

A.b. La Banque a transmis à l’Administration fédérale les informations demandées entre juin 2016 et juillet 2017, conformément à l’ordonnance de production du 10 juin 2016.

(…)

Parmi les documents transmis figuraient des renseignements concernant deux comptes bancaires ouverts au nom de A.SA, une société enregistrée au Panama, et dont C.B. était l’ayant droit économique (…). La dernière adresse connue de la Banque pour C.B. était en France (art. 105 al. 2 LTF).

(…)

A.e. (…) Le 12 mai 2020, l’Administration fédérale a rendu une décision finale à l’attention des personnes habilitées à recourir qui, comme C.B., n’avaient pas communiqué à l’Administration fédérale une adresse actuelle en Suisse ou le nom d’un représentant en Suisse autorisé à recevoir des notifications. Cette décision finale indique notamment ce qui suit:

12. 
Notification de la décision finale
La présente décision est notifiée aux parties par publication dans la Feuille fédérale (...).
Les autres personnes concernées ou habilitées à recourir dans le cadre de la présente procédure qui ont désigné un mandataire en Suisse, un représentant en Suisse autorisé à recevoir des notifications ou une adresse actuelle en Suisse se verront notifier une décision finale distincte par écrit. Cela concerne la/les personne (s) suivante (s) :
– A.SA.

Le dispositif de cette décision est libellé comme suit (art. 105 al. 2 LTF) :

L’Administration fédérale décide:
1. d’accorder aux autorités compétentes françaises (...) l’assistance administrative concernant:
– A.SA, dernière adresse connue: (...) Panama
– C.B., né (e) en 1931, dernière adresse connue: C.B., France.
(...)
5. de notifier la présente décision par publication anonyme dans la Feuille fédérale à:
– C.B. (...).

Comme le précise le chiffre 3 de cette décision, cette publication valait notification de toutes les décisions finales rendues le même jour à l’égard des personnes qui, à l’instar de C.B., n’avaient pas communiqué à l’Administration fédérale une adresse de notification en Suisse.

(…)

C.B. n’a pas recouru contre la décision finale du 12 mai 2020.

B.

Les 7 et 9 octobre 2020, après avoir informé A.SA en liquidation de la teneur des renseignements qu’elle entendait transmettre à l’autorité requérante et recueilli ses observations, l’Administration fédérale a rendu deux décisions finales octroyant l’assistance administrative à l’autorité requérante en la cause « A.SA en liquidation » . Ces décisions finales portaient chacune sur un compte bancaire dont cette société était la titulaire ( « account holder » ) et C.B. l’ayant droit économique ( « beneficial owner ») (art. 105 al. 2 LTF). Sous chiffre 12 de ces décisions, l’Administration fédérale a indiqué ce qui suit (art. 105 al. 2 LTF) :

12. Notification de la décision finale
La présente décision est notifiée par écrit aux parties (...).
Les autres personnes concernées ou habilitées à recourir dans le cadre de la présente procédure qui n’ont pas désigné un mandataire en Suisse, un représentant en Suisse autorisé à recevoir des notifications ou une adresse actuelle en Suisse dans le délai imparti, une décision finale distincte leur a été notifiée par publication dans la Feuille fédérale du 12 mai 2020 (...). Cela concerne la personne suivante:
– C.B., né en 1931.

(…)

Contre chacune des décisions finales des 7 et 9 octobre 2020 de l’Administration fédérale, A.SA et C.B. ont formé un recours commun auprès du Tribunal administratif fédéral, concluant, principalement, à leur annulation.

Le Tribunal administratif fédéral a statué par arrêts du 15 septembre 2021 (arrêts A-5639/2020 et A-5646/2020). Dans chacun d’eux, qui concernait un compte bancaire différent, il a rejeté le recours en tant qu’il était formé par A.SA et l’a déclaré irrecevable en tant qu’il était formé par C.B. Sur ce dernier point, le Tribunal administratif fédéral a jugé, en substance, que C.B. ne pouvait pas recourir contre les décisions des 7 et 9 octobre 2020, car elles ne concernaient que A.SA et que, comme il n’avait pas recouru contre la décision finale du 12 mai 2020, cette dernière était entrée en force, de sorte qu’il ne pouvait plus s’opposer à l’assistance administrative le concernant.

C.

A.SA et C.B. ont formé ensemble un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre ces arrêts. Le recours contre l’arrêt A-5639/2020 a été enregistré sous le n° 2C_772/2021 et celui formé contre l’arrêt A-5646/2020 sous le n° 2C_773/2021. Sous suite de frais et dépens, les recourantes demandent au Tribunal fédéral de les annuler et de dire qu’aucune information relative à A.SA ou à C.B. et au compte xxxx-xxxxxxxx, respectivement au compte yyyy-yyyyyyyy, ouverts dans les livres de la Banque, ne doit être transmise aux autorités françaises.

Le Tribunal administratif fédéral et l’Administration fédérale ont conclu au rejet des recours. A.SA et C.B. se sont déterminés et ont maintenu leur position.

D.

A la suite du décès de C.B. intervenu le 26 janvier 2022, la procédure a été suspendue jusqu’à ce que son unique héritière, B.B., lui succède dans la présente procédure.

3.

Extrait des considérants ^

1.

(…)

2.

Contre les décisions en matière d’assistance administrative internationale en matière fiscale, le recours en matière de droit public n’est recevable que lorsqu’une question juridique de principe se pose ou lorsqu’il s’agit pour d’autres motifs d’un cas particulièrement important au sens de l’art. 84 al. 2 LTF (cf. art. 83 let. h et 84a LTF).

2.1. – 2.2. (…)

2.3. (…) La manière dont l’Administration fédérale doit informer l’ayant droit économique d’un compte bancaire concerné par une demande d’assistance administrative, qui ne s’est pas annoncé auprès de l’Administration fédérale et qui se prétend résident suisse, concerne l’application de l’art. 14 de la loi fédérale du 28 septembre 2012 sur l’assistance administrative internationale en matière fiscale (LAAF; RS 651.1), qui régit l’information de l’existence d’une procédure d’assistance administrative aux personnes concernées, sous un angle qui n’a encore jamais été traité par le Tribunal fédéral. En outre, le point de savoir si le Tribunal administratif fédéral est fondé à déclarer irrecevable le recours qu’une personne qui n’a pas recouru contre une décision finale notifiée par voie édictale forme contre une décision finale qui a été notifiée à une autre personne liée au même compte bancaire génère une incertitude caractérisée sur une question qui touche à des principes fondamentaux de procédure et au droit d’être entendu. La situation du cas d’espèce est par ailleurs susceptible de se reproduire fréquemment, en particulier dans le contexte de la demande du 11 mai 2016. Cette demande, qui a porté sur près de 40’000 comptes bancaires, a fait l’objet d’une procédure d’exécution spécifique par l’Administration fédérale, qui a impliqué la notification de décisions finales distinctes et à des dates différentes à des personnes liées à un même compte bancaire.

Le recours est donc recevable sous l’angle de l’art. 84a LTF.

2.4 – 7. (…)

8.

A l’encontre des arrêts attaqués, les recourantes font d’abord valoir que le Tribunal administratif fédéral a violé le droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) de feu C.B., ainsi que l’art. 14 LAAF, en jugeant que l’Administration fédérale pouvait valablement recourir à la voie édictale, tant pour l’informer de l’ouverture de la procédure d’assistance administrative que pour lui notifier une décision finale. Elles font aussi valoir que le Tribunal administratif fédéral a violé le droit d’être entendu de feu C.B. en refusant de lui reconnaître la qualité pour recourir contre les décisions finales des 7 et 9 octobre 2020.

Il convient par conséquent de commencer par vérifier si, sous l’angle du droit d’être entendu, l’Administration fédérale pouvait recourir à la voie édictale tout d’abord pour informer feu C.B. de l’existence de la procédure d’assistance administrative (ci-après consid. 9.3) et, par la suite, pour lui notifier une décision finale (ci-après consid. 9.4). Si tel est le cas, il faudra alors se demander si le fait que C.B. n’ait pas recouru contre la décision finale notifiée par voie édictale justifiait de déclarer irrecevables les recours formés par celui-ci contre les décisions finales des 7 et 9 octobre 2020 notifiées à A. SA (ci-après consid. 9.5).

9.

9.1. Au préalable, il faut préciser que, dès lors que les griefs de violation du droit d’être entendu sont invoqués en lien avec les notifications par voie édictale, seule la recourante 2, qui a succédé à feu C.B. dans la procédure (supra let. D), peut les faire valoir. En effet, la recourante 1 n’est pas légitimée, car elle n’est pas concernée personnellement (cf. arrêts 2C_1037/2019 du 27 août 2020 consid. 6.2 non publié in ATF 147 II 116, mais in StE 2021 A 32 Nr. 44; 2C_918/2020 du 28 décembre 2021 consid. 4.5.1).

9.2. La LAAF contient des dispositions qui régissent l’information des personnes concernées par une demande d’assistance administrative (art. 14 LAAF), la notification d’une décision finale octroyant l’assistance administrative (art. 17 LAAF) et la délimitation des personnes qui ont qualité pour recourir contre une décision finale (art. 19 al. 2 LAAF). Ces dispositions concrétisent le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. Par conséquent, si une personne habilitée à recourir n’est pas informée de la procédure ou d’une décision finale, parce que l’autorité compétente n’a pas procédé à une notification adéquate, il y a violation de son droit d’être entendu (cf. ATF 146 I 172 consid. 7; 145 II 119 consid. 4.2). Il en va de même si le Tribunal administratif fédéral prive à tort une personne du droit de recourir contre une décision finale. Cette privation peut en outre être constitutive d’une violation du droit d’accès à un juge, garanti à l’art. 29a Cst. (cf. ATF 144 I 181 consid. 5.3.2.1; 143 I 336 consid. 4.1). Comme les recourantes ne font pas valoir de violation de l’art. 29a Cst. (cf. supra consid. 4.1), seule la violation du droit d’être entendu peut être envisagée.

9.3. L’information des personnes habilitées à recourir est régie à l’art. 14 LAAF en ces termes:

1 L’AFC informe la personne concernée des parties essentielles de la demande.
2 Elle informe de la procédure d’assistance administrative les autres personnes dont elle peut supposer, sur la base du dossier, qu’elles sont habilitées à recourir en vertu de l’art. 19, al. 2.
3 Lorsqu’une personne visée à l’al. 1 ou 2 (personne habilitée à recourir) est domiciliée à l’étranger, l’AFC invite le détenteur des renseignements à faire désigner par cette personne un représentant en Suisse autorisé à recevoir des notifications. Elle lui fixe un délai pour ce faire.
4 L’AFC peut informer directement la personne habilitée à recourir domiciliée à l’étranger, pour autant que:
a. la notification par voie postale de documents à destination du pays concerné soit admise, ou que
b. l’autorité requérante y consente expressément dans le cas particulier.
5 Lorsqu’une personne habilitée à recourir ne peut être contactée, l’AFC l’informe de la procédure d’assistance administrative par l’intermédiaire de l’autorité requérante ou par publication dans la Feuille fédérale. Elle invite la personne habilitée à recourir à désigner en Suisse un représentant autorisé à recevoir des notifications. Elle lui fixe un délai de dix jours pour ce faire.

9.3.1. La disposition prévoit un mode d’information spécifique aux al. 3 et 4 pour les personnes concernées qui sont domiciliées à l’étranger. Dans ce cas, l’art. 14 al. 3 LAAF prévoit que l’Administration fédérale doit inviter le détenteur des renseignements à faire désigner par cette personne un représentant en Suisse autorisé à recevoir des notifications. Si le détenteur de renseignements ne contacte pas la personne habilitée à recourir, ce à quoi l’Administration fédérale ne peut le contraindre (ATF 145 II 119 consid. 6.2), cette dernière doit faire usage d’un autre mode de notification selon l’art. 14 al. 4 et 5 LAAF (ATF 145 II 119 consid. 7). Ces dispositions prévoient l’information directe par l’Administration fédérale, à certaines conditions (cf. al. 4), l’information par l’intermédiaire de l’autorité requérante ou l’information par publication dans la Feuille fédérale (cf. al. 5). La notification au sens de l’al. 5 est subsidiaire par rapport à l’information directe prévue à l’al. 4 (ATF 145 II 119 consid. 7.2 in fine). Si l’information directe n’est pas envisageable, on se trouve dans une situation où la personne habilitée à recourir ne peut être contactée. Dans ce cas, l’art. 14 al. 5 LAAF prévoit la notification par le biais de l’autorité requérante ou par publication dans la Feuille fédérale, sans instaurer de rapport de subsidiarité entre ces deux modes. Il appartient alors à l’Administration fédérale d’opter pour l’alternative la plus adaptée aux circonstances (cf. ATF 145 II 119 consid. 7.2.2). Lorsqu’il est difficile, voire impossible, de localiser le domicile d’une personne habilitée à recourir, on ne voit manifestement pas qu’une publication dans la Feuille fédérale pour informer celle-ci de l’existence d’une procédure puisse apparaître comme un mode de notification inadéquat (ATF 145 II 119 consid. 7.3).

9.3.2. Dans les arrêts attaqués, le Tribunal administratif fédéral a jugé que l’on ne pouvait pas reprocher à l’Administration fédérale de n’avoir pas essayé de contacter directement feu C.B. et de l’avoir informé de l’existence de la procédure par publication dans la Feuille fédérale du 26 juillet 2016.

9.3.3. Comme l’a relevé à juste titre le Tribunal administratif fédéral, l’Administration fédérale ne connaissait pas le nom des personnes concernées par la demande du 11 mai 2016 lorsqu’elle l’a reçue, puisque cette demande les identifiait non pas au moyen de leur nom et de leur adresse, mais par des numéros de comptes. Une notification en application de l’art. 14 al. 4 LAAF était donc exclue. En outre, en l’absence de nom, la localisation de ces personnes était impossible, de sorte que l’on se trouve dans une situation où l’Administration fédérale était fondée à les informer de l’ouverture de la procédure par publication dans la Feuille fédérale, en application de l’art. 14 al. 5 LAAF (supra consid. 9.3.1 in fine).

Par conséquent, le Tribunal administratif fédéral n’a pas violé l’art. 14 LAAF ni partant l’art. 29 al. 2 Cst. que cette disposition concrétise (cf. supra consid. 9.2) en retenant que l’on ne pouvait pas reprocher à l’Administration fédérale de ne pas avoir cherché à contacter feu C.B. directement pour l’informer de l’existence de la procédure, avant de l’en informer par publication dans la Feuille fédérale.

9.4. La recourante 2 (cf. supra consid. 9.1) reproche ensuite au Tribunal administratif fédéral d’avoir violé le droit d’être entendu de feu C.B. en retenant que l’Administration fédérale était fondée à notifier à ce dernier une décision finale par voie édictale le 12 mai 2020. Elle soutient que l’Administration fédérale aurait pu aisément localiser feu C.B., puisqu’il était alors résident et contribuable suisse, ou alors contacter le représentant de A.SA pour savoir s’il le représentait aussi dans la procédure.

9.4.1. La notification d’une décision finale de l’Administration fédérale octroyant l’assistance administrative est régie à l’art. 17 LAAF en ces termes:

1 L’AFC notifie à chaque personne habilitée à recourir une décision finale dans laquelle elle justifie l’octroi de l’assistance administrative et précise l’étendue des renseignements à transmettre.
(...)
3 L’AFC notifie la décision finale à une personne habilitée à recourir domiciliée à l’étranger par l’intermédiaire du représentant autorisé à recevoir des notifications ou directement, dans la mesure où la notification par voie postale de documents à destination du pays concerné est admise. À défaut, elle notifie la décision par publication dans la Feuille fédérale.

9.4.2. L’information relative au domicile des personnes habilitées à recourir figure soit dans la demande d’assistance administrative (si celle-ci identifie la personne visée par son nom et son adresse), soit dans la documentation que le détenteur de renseignements transmet à l’Administration fédérale, comme cela s’est passé dans le cas d’espèce (supra let. A.b). Dans un cas comme dans l’autre, la LAAF n’impose à l’Administration fédérale aucun devoir de vérification ou d’investigation concernant ces informations, afin notamment de déterminer si, parmi les personnes liées à un domicile à l’étranger, certaines ne se seraient pas désormais domiciliées en Suisse. L’Administration fédérale peut s’en tenir aux informations qui lui sont transmises et procéder à la notification d’une décision finale en conséquence.

En outre, lorsqu’une personne habilitée à recourir a désigné un représentant habilité à recevoir des notifications en Suisse, la LAAF n’impose pas non plus à l’Administration fédérale de contacter ce représentant pour lui demander s’il ne représenterait pas d’autres personnes habilitées à recourir dans la même procédure, mais qui ne se seraient pas annoncées. Par conséquent, si seul le titulaire d’un compte bancaire a désigné un représentant en Suisse habilité à recevoir des notifications, l’Administration fédérale n’a pas à s’enquérir auprès de ce dernier pour savoir s’il ne représenterait pas aussi le ou les ayants droit économiques dudit compte.

9.4.3. L’art. 17 al. 3 LAAF prévoit un mode d’information spécifique pour les personnes dont le domicile est à l’étranger. La notification intervient alors soit par l’intermédiaire du représentant autorisé à recevoir des notifications (ce qui suppose que la personne concernée en ait indiqué un), soit directement, si la notification postale de documents à destination du pays concerné est admise. Selon la lettre de l’art. 17 al. 3 2e phrase LAAF ( « à défaut »), ce n’est qu’à titre subsidiaire que la notification de la décision finale intervient par publication dans la Feuille fédérale. Dans ce cas, la décision finale est réputée avoir été notifiée le jour de la publication (fiction de notification), de sorte que le délai de recours commence à courir le lendemain (art. 20 al. 1 PA; Charlotte Schoder, in StAhiG, Praxiskommentar zum Bundesgesetz über die internationale Amtshilfe in Steuersachen, 2014, n° 231 ad art. 17 StAhiG). Pour les personnes liées à un domicile en France et qui n’ont pas indiqué d’adresse de notification en Suisse, la notification directe au sens de l’art. 17 al. 3 2e phrase LAAF est en principe possible en vertu de l’art. 17 par. 3 de la Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, entrée en vigueur pour la Suisse le 1er janvier 2017 et qui lie aussi la France (RS 0.652.1, communément désignée comme la « MAC » [Convention on Mutual Administrative Assistance in Tax Matters]). Toutefois, cette convention ne couvre les périodes d’imposition qu’à partir du 1er janvier 2018 (cf. art. 28 par. 6 MAC et l’arrêt 2C_160/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3.6, in RF 75/2020 p. 168). Par ailleurs, la Suisse et la France ont ratifié la Convention européenne du 24 novembre 1977 sur la notification à l’étranger des documents en matière administrative, qui est entrée en vigueur pour la Suisse le 1er octobre 2019 (RS 0.172.030.5), mais cette Convention n’est pas applicable à la matière fiscale (cf. l’art. 1 par. 2 de ladite convention et l’arrêt 2C_160/2019 du 5 novembre 2019 précité consid. 3.5). Enfin, si l’art. 28bis CDI CH-FR prévoit qu’un Etat peut faire procéder directement par voie postale à la notification d’un document à une personne se trouvant sur le territoire de l’autre Etat, cette disposition a été prévue à la demande de la France, en lien avec l’assistance à la notification de créances fiscales (commandements de payer relatifs à des créances publiques françaises; arrêt 2C_160/2019 du 5 novembre 2019 précité consid. 3.3 et les références) et ne s’applique donc pas à la notification d’actes relatifs à une procédure d’assistance administrative (cf. aussi déjà dans le même sens l’ATF 145 II 119 consid. 3.2, qui avait toutefois laissé cette question ouverte, la notification concernant en l’espèce une entité enregistrée dans un Etat tiers).

9.4.4. En l’occurrence, il ressort de la documentation que la Banque a transmise à l’Administration fédérale que la dernière adresse connue de feu C.B. était en France (art. 105 al. 2 LTF; supra let. A.b). Par ailleurs, feu C.B., informé par la voie édictale de l’existence de la procédure, n’a pas communiqué à l’Administration fédérale de représentant en Suisse habilité à recevoir des notifications. Quant à la notification directe avec la France, elle n’était d’emblée pas possible (supra consid. 9.4.3). En outre, c’est en vain que la recourante 2 soutient que l’Administration fédérale aurait pu aisément s’apercevoir que feu C.B. vivait en Suisse et lui notifier par conséquent directement une décision finale à son domicile suisse, ou qu’elle aurait pu contacter le mandataire de la recourante 1 pour savoir s’il ne représentait pas aussi feu C.B. dans la procédure (sur ces points supra consid. 9.4.2). Dans ces circonstances, l’Administration fédérale était fondée à notifier à celui-ci une décision finale par publication dans la Feuille fédérale, en application de l’art. 17 al. 3 LAAF. Il découle de ce qui précède que le Tribunal administratif fédéral n’a pas violé l’art. 17 LAAF ni, partant, l’art. 29 al. 2 Cst., que cette disposition concrétise (supra consid. 9.2) en retenant que l’Administration fédérale avait valablement notifié à ce dernier une décision finale par publication dans la Feuille fédérale du 12 mai 2020.

9.5. La recourante 2 (cf. supra consid. 9.1) reproche encore au Tribunal administratif fédéral d’avoir violé le droit d’être entendu de feu C.B. en déclarant irrecevables ses recours contre les décisions finales des 7 et 9 octobre 2020 que l’Administration fédérale a notifiées à la recourante 1.

9.5.1. Selon un principe général du droit, si une personne ne recourt pas contre une décision qui lui est régulièrement notifiée, cette décision devient définitive et ne peut plus faire l’objet d’un recours ordinaire (décision bénéficiant de la force de chose décidée). Un recours formé contre une telle décision est par conséquent irrecevable. Selon la jurisprudence, une nouvelle notification d’une même décision ne fait pas courir un nouveau délai de recours, lorsque le délai de recours précédent avait été correctement indiqué et qu’il est écoulé depuis lors (ATF 118 V 190 consid. 3a; arrêt 2C_705/2021 du 7 février 2022 consid. 6.3). Il en va a fortiori de même lorsqu’une personne qui fait l’objet d’une décision définitive recourt contre la même décision qui serait notifiée ultérieurement à une autre personne. Lui permettre de recourir contre cette seconde décision reviendrait à faire fi du caractère définitif de la décision qui lui a déjà été notifiée, ainsi que des délais de recours applicables, ce qui ne serait pas compatible avec le principe de sécurité juridique (cf. arrêt 2C_1049/2020 du 20 décembre 2021 consid. 7, spécialement 7.7, in StE 2022 B 96.22 Nr. 6, dans lequel le Tribunal fédéral a confirmé qu’une personne qui omet de participer à une procédure en tant que partie n’a pas de droit à être invitée ultérieurement à y participer). L’irrecevabilité du recours doit être prononcée indépendamment du point de savoir si c’est volontairement ou non que la personne n’a pas recouru contre la décision qui lui a été régulièrement notifiée antérieurement (arrêt 2C_1049/2020 précité consid. 7.5). L’irrecevabilité ne viole par ailleurs pas le droit d’être entendu de cette personne, dès lors qu’elle a eu l’occasion de recourir contre la décision antérieure (cf. aussi arrêt 2C_1049/2020 précité consid. 7.5).

9.5.2. Dans le domaine de l’assistance administrative internationale en matière fiscale, il n’est pas rare que plusieurs personnes aient qualité pour recourir dans une procédure. Tel est par exemple le cas lorsque l’autorité requérante cherche à obtenir le nom des titulaires d’un compte bancaire, ainsi que celui de ses ayants droits économiques. Ces personnes sont en effet des personnes concernées au sens de l’art. 3 let. a LAAF et ont qualité pour recourir au sens de l’art. 19 al. 2 LAAF (cf. ATF 146 I 172 consid. 7.1.1). L’Administration fédérale doit en principe notifier une décision finale à chaque personne habilitée à recourir (cf. art. 17 al. 1 LAAF). Or, ces personnes ne sont pas forcément soumises aux mêmes règles de notification de l’art. 17 LAAF, et la LAAF n’impose pas à l’Administration fédérale de procéder aux différentes notifications en même temps. Il peut donc arriver que l’Administration fédérale procède à plusieurs notifications de la même décision finale à des moments différents, avec un délai de recours qui échoit par conséquent de manière échelonnée. Pour les motifs qui viennent d’être exposés (consid. 9.5.1), une personne qui ne recourt pas dans les délais contre la décision finale qui lui a été notifiée de manière régulière ne peut pas recourir contre la même décision finale notifiée ultérieurement à une autre personne.

9.5.3. Dans le contexte spécifique de la demande d’assistance administrative du 11 mai 2016, qui a concerné environ 40’000 comptes bancaires liés à des personnes enregistrées par la Banque sous un code domicile « France », l’Administration fédérale a, conformément à l’art. 14 al. 5 LAAF (supra let. A. b et consid. 9.3.3), informé les personnes concernées de l’existence de la procédure par publication dans la Feuille fédérale du 26 juillet 2016, en leur demandant de lui communiquer, si elles souhaitaient prendre part à la procédure, une adresse en Suisse ou de désigner un représentant en Suisse autorisé à recevoir des notifications dans un délai de 20 jours, sans quoi une décision finale leur serait notifiée par publication dans la Feuille fédérale. Puis, l’Administration fédérale a d’abord notifié une décision finale aux personnes concernées qui ne lui avaient pas communiqué une adresse de notification en Suisse (publication dans la Feuille fédérale du 12 mai 2020), et a ensuite notifié une décision finale à celles qui s’étaient annoncées auprès d’elle, à l’adresse qu’elles lui avaient indiquée. Concrètement, cela signifie que, lorsque seul le titulaire d’un compte bancaire s’est annoncé à l’Administration fédérale en indiquant le nom d’un représentant, alors que l’ayant droit économique de ce même compte ne s’est pas annoncé ni partant n’a fourni d’adresse de notification en Suisse, l’Administration fédérale a d’abord rendu la décision finale à l’égard de ce dernier, qu’elle lui a notifiée par publication dans la Feuille fédérale du 12 mai 2020, avant de rendre la même décision finale à l’égard du titulaire du compte, qu’elle a notifiée à l’adresse qu’il lui avait indiquée. C’est ce qui s’est produit en l’espèce.

Ce procédé ne prête pas le flanc à la critique. Certes, l’Administration fédérale aurait tout aussi bien pu commencer par notifier une décision finale aux personnes lui ayant indiqué une adresse de notification en Suisse, puis notifier ensuite une décision finale par voie édictale à toutes celles qui ne l’avaient pas fait. Cependant, aucune règle procédurale n’impose un ordre de priorité. Or, la voie qu’a choisie l’Administration fédérale n’est pas contraire à la LAAF et elle a permis de respecter le droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) des personnes concernées, puisqu’elles ont été valablement informées de l’ouverture de la procédure et qu’elles se sont vus valablement notifier une décision finale par publication dans la Feuille fédérale, contre laquelle elles ont eu l’occasion de recourir (cf. supra consid. 9.5.1). A cela s’ajoute que l’on peut raisonnablement partir du principe qu’une partie des personnes qui ne se sont pas annoncées l’ont fait alors même qu’elles n’ignoraient pas l’existence de la procédure. Tel a pu être le cas lorsque, à la suite de l’annonce de l’ouverture de la procédure d’assistance administrative par publication dans la Feuille fédérale du 26 juillet 2016, seule la société de domicile titulaire d’un compte bancaire concerné s’est annoncée à l’Administration fédérale et a indiqué une adresse de notification en Suisse, et non pas son ayant droit économique. Dans une telle situation, les personnes qui ont volontairement choisi de ne pas s’annoncer ne peuvent se plaindre des conséquences procédurales que leur propre choix a entraînées.

9.5.4. En l’occurrence, l’Administration fédérale a rendu une décision finale impliquant la transmission à la France de renseignements concernant les comptes bancaires dont feu C.B. était l’ayant droit économique et la Société la titulaire. Elle a notifié cette décision finale à feu C.B. le 12 mai 2020. Faute de recours de sa part, cette décision est devenue définitive à la mi-juin 2020. Par conséquent, feu C.B. ne pouvait pas recourir contre les mêmes décisions finales, datées respectivement des 7 et 9 octobre 2021, que l’Administration fédérale a notifiées à la Société titulaire dudit compte.

9.5.5. C’est donc à bon droit et sans violer le droit d’être entendu de feu C.B. que le Tribunal administratif fédéral a déclaré irrecevables les recours formés par feu C.B. contre les décisions finales des 7 et 9 octobre 2020.

10.

(…)

11.

Ce qui précède conduit au rejet des recours.

(…)