Arrêt du Tribunal administratif fédéral A-6962/2018 du 27 décembre 2021

Echange spontané de renseignements sur les rulings

  • Traité par: Lysandre Papadopoulos
  • Catégories d'articles: Arrêt de principe
  • Domaines juridiques: Assistance administrative internationale
  • Proposition de citation: Lysandre Papadopoulos, Arrêt du Tribunal administratif fédéral A-6962/2018 du 27 décembre 2021, ASA Online : Arrêt de principe
Arrêt du Tribunal administratif fédéral A-6962/2018 du 27 décembre 2021 en la cause A.________, B.________ et C.________ contre Administration fédérale des contributions.

Contenu

  • 1. Regeste
  • 2. Faits
  • 3. Extrait des considérants

1.

Regeste ^

L’art. 7 MAC définit l’échange spontané de renseignements et l’art. 4 par. 1 MAC conditionne l’échange à la pertinence vraisemblable des informations. Ils constituent les principes directeurs de la procédure d’assistance administrative en matière d’échange spontané de renseignements. La LAAF et l’OAAF ne font que régler la mise en œuvre de cette procédure. Il n’apparaît pas que cette législation, qui est de nature procédurale, soit dans l’abstrait en conflit avec les principes directeurs définis aux art. 7 et 4 MAC (consid. 5.5).
La liste des renseignements à transmettre selon l’art. 11, al. 1, let. b à l, 2 et 3 OAAF, par renvoi de l’art. 13 al. 1 OAAF, constitue l’expression du principe de la pertinence vraisemblable sous la forme d’une lex specialis. La pertinence vraisemblable des informations listées par cette disposition peut être présumée. Cette présomption est réfragable (consid. 5.5).
L’identité des entités étroitement liées résidentes dans d’autres pays que l’Etat récipiendaire représente, à ce stade, un renseignement qui n’est pas vraisemblablement pertinente pour la taxation de l’entité résidente dans cet Etat. La présomption réfragable posée par l’art. 11 al. 1 let. b à l, 2 et 3 OAAF est renversée (consid. 5.15).
Art. 7 MAC definiert den spontanen Informationsaustausch und Art. 4 Abs. 1 MAC macht den Austausch von der voraussichtlichen Erheblichkeit der Informationen abhängig. Sie stellen die Leitprinzipien des Amtshilfeverfahrens im Bereich des spontanen Informationsaustauschs dar. Das StAhiG und die StAhiV regeln lediglich die Umsetzung dieses Verfahrens. Aus diesem Grund ist nicht ersichtlich, dass diese Gesetzgebung, die verfahrensrechtlicher Natur ist, abstrakt mit den in Art. 7 und 4 MAC festgelegten Leitprinzipien in Konflikt steht (E. 5.5).
Die Liste der zu übermittelnden Informationen nach Art. 11 Abs. 1 Bst. b bis l, 2 und 3 StAhiV durch Verweis auf Art. 13 Abs. 1 StAhiV ist Ausdruck des Grundsatzes der voraussichtlichen Erheblichkeit in Form eines lex specialis. Die voraussichtliche Erheblichkeit der in dieser Bestimmung aufgelisteten Informationen kann vermutet werden. Diese Vermutung ist widerlegbar (E. 5.5).
Die Identität eng verbundener Körperschaften, die in anderen Ländern als dem Reziprozitätsstaat ansässig sind, stellt in diesem Stadium eine Information dar, die für die Besteuerung der in diesem Staat ansässigen Einheit wahrscheinlich nicht relevant ist. Die Vermutung von Art. 11 Abs. 1 lit. b bis l, 2 und 3 StAhiV ist damit widerlegt (E. 5.15).

2.

Faits ^

A.
Par courriers des 24 août et 9 octobre 2018 aux sociétés A._______, B._______ et C._______, l’AFC a indiqué que des renseignements portant sur des décisions anticipées en matière fiscales (« rulings ») lui avaient été transmises par l’administration fiscale cantonale et qu’après examen, lesdits renseignements devraient faire l’objet d’un échange spontané. L’AFC a ainsi indiqué les informations qu’elle prévoyait de transmettre aux autorités fiscales compétentes de Jersey, de France, du Luxembourg et du Royaume-Uni et informé les sociétés susmentionnées du fait qu’elles pouvaient, dans un délai de 10 jours, consentir à la transmission des données ou prendre position par écrit.
B.
Par courriers des 13 septembre et 23 octobre 2018 à l’AFC, A._______, B._______ et C._______ ont demandé le fractionnement des informations par Etat destinataire, de manière à ce que pour chaque Etat seules les informations concernant les entités proches (« related party ») domiciliées dans cet Etat soient transmises. A._______ a également demandé la suppression du nom d’une employée mentionnée dans les informations afin de préserver son anonymat.
C.
Par courriers des 17 et 29 octobre 2018 aux trois sociétés susmentionnées, l’AFC a indiqué qu’au vu de l’exigence de transparence contenue dans l’Action 5 du projet BEPS (« base erosion and profit shifting ») de l’OCDE, un triage des informations ne pouvait pas être effectué et que les informations à transmettre ne seraient pas fractionnées selon leur pertinence pour l’Etat destinataire. Pour cette raison, l’AFC a indiqué qu’elle ne pouvait accéder que partiellement aux demandes des intéressées, lesquelles pouvaient, dans un délai de 10 jours, consentir à la transmission des données ou prendre position par écrit.
D.
Par décisions finales des 6 et 15 novembre 2018 notifiées aux sociétés concernées, l’AFC a octroyé l’assistance administrative spontanée aux autorités compétentes de Jersey, de France, du Luxembourg et du Royaume-Uni pour tous les renseignements transmis par l’administration fiscale cantonale.
E.
Par actes des 7 et 17 décembre 2018, A._______ (ci-après : la recourante 1), B._______ (ci-après : la recourante 2) et C._______ (ci-après : la recourante 3, toutes ensemble : les recourantes), agissant par l’intermédiaire de leur mandataire Maître Frédéric Neukomm, ont interjeté des recours par devant le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le TAF ou le Tribunal) à l’encontre des décisions finales de l’AFC des 6 et 15 novembre 2018. Par ces recours, les recourantes ont conclu, sous suite de frais et dépens, quant à la forme, à la recevabilité des recours ; quant au fond et préalablement, à l’annulation des décisions finales de l’AFC ; principalement et statuant à nouveau, à la réforme des décisions finales de l’AFC par le retrait des informations figurant sur les formulaires relatifs aux décisions anticipées en matière fiscale, annexées aux décisions finales, faisant référence aux personnes étroitement liées avec lesquelles les sociétés concernées effectuaient des transactions et qui n’étaient pas résidentes du pays destinataire de l’échange ; subsidiairement au renvoi de la cause à l’AFC pour nouvelle décision ; et en tout état à débouter l’intimée de toutes autres ou contraires conclusions.
F.
Par décision incidente du 22 janvier 2019, le Tribunal de céans a ordonné la jonction des causes A-6962/2018, A-7163/2018 et A-7165/2018 sous le numéro A-6962/2018.
G.
Dans sa réponse du 19 février 2019 adressée au Tribunal, l’AFC a conclu sous suite de frais et dépens, au rejet des recours des 7 et 17 décembre 2018.
H.
Pour autant que de besoin, les autres faits et les arguments des parties seront repris dans les considérants en droit ci-après.

3.

Extrait des considérants ^

[…]
3.
L’assistance administrative spontanée avec Jersey, la France, le Luxembourg et le Royaume-Uni est actuellement régie par la Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, telle qu’amendée par le Protocole de 2010, fait à Paris le 27 mai 2010, entrée en vigueur pour la Suisse le 1er janvier 2017 (ci-après : MAC ou la Convention, RS 0.652.1).
3.1 Selon l’art. 28 par. 6 MAC, les dispositions de la présente Convention, telle qu’amendée par le Protocole de 2010, s’appliquent à l’assistance administrative couvrant les périodes d’imposition qui débutent le 1er janvier, ou après le 1er janvier de l’année qui suit celle durant laquelle la Convention, telle qu’amendée par le Protocole de 2010, entrera en vigueur à l’égard d’une Partie ou, en l’absence de période d’imposition, elles s’appliquent à l’assistance administrative portant sur des obligations fiscales prenant naissance le 1er janvier, ou après le 1er janvier de l’année qui suit celle durant laquelle la Convention, telle qu’amendée par le Protocole de 2010, entrera en vigueur à l’égard d’une Partie.
3.2 Par ailleurs, selon l’art. 16 al. 1 OAAF, les dispositions relatives à l’échange spontané de renseignements s’appliquent également aux décisions anticipées en matière fiscale qui ont été prononcées entre le 1er janvier 2010 et l’entrée en vigueur de la présente ordonnance et qui se rapportent à des années fiscales auxquelles s’applique la norme de droit international en vertu de laquelle la Suisse est tenue de procéder à l’échange spontané de renseignements. Selon la doctrine, des renseignements sur d’anciens rulings ne pourraient ainsi être échangés par la Suisse, pour autant qu’ils déploient encore des effets au 1er janvier 2018 (Nelly Iglesias, Echange spontané de rulings entre Etats – Analyse du nouveau standard fiscal international sous l’angle du droit suisse, Expert Focus 1–2 2016, p. 40).
3.3 En l’espèce, la présente affaire porte sur un échange spontané de renseignements de trois décisions anticipées en matière fiscale. Ces décisions anticipées sont valides entre le (...) 2016 et le (...) 2020 ((...) A._______), le (...) 2018 et le (...) 2022 ((...) B._______) et le (...) 2017 et le (...) 2021 ((...) C._______). Dans la mesure où lesdites décisions déploient encore des effets au (...) 2018 (art. 28 par. 6 MAC ; 16 al. 1 OAAF ; Nelly Iglesias, op. cit., p. 40), il y a lieu de retenir que les dispositions relatives à l’échange spontané de renseignements prévues dans la MAC, la LAAF et l’OAAF sont applicables à la présente cause.
4.
L’article 7 MAC définit l’échange spontané de renseignements entre les membres parties à la Convention. Au niveau national, les principes de l’échange spontané sont définis à l’art. 22a LAAF. L’OAAF régit l’exécution de cette forme d’assistance administrative.
4.1 Selon l’art. 8 OAAF, sont réputés décisions anticipées en matière fiscale les renseignements, les confirmations ou les garanties fournis par une administration fiscale à un contribuable, portant sur les conséquences fiscales d’un fait présenté par le contribuable et que le contribuable peut invoquer. L’art. 9 al. 1 OAAF énumère les cas où il existe une obligation d’échanger spontanément des renseignements en cas de décisions anticipées en matière fiscale. Ainsi, il y a notamment lieu de procéder à l’échange spontané de renseignements lorsqu’une décision anticipée en matière fiscale : a) concerne des faits visés à l’art. 28, al. 2 à 4, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID), ou a pour objet une réduction de l’impôt grevant des revenus de droits immatériels et de droits analogues ou une répartition fiscale internationale en rapport avec des sociétés principales ; b) dans un contexte transfrontalier, a pour objet les prix de transfert entre des personnes étroitement liées ou une méthode concernant les prix de transfert qui a été définie par les autorités suisses compétentes sans l’entremise des autorités compétentes d’autres Etats. L’art. 9 al. 2 OAAF définit la notion de personnes étroitement liées.
4.2 A titre préliminaire, le Tribunal relève que les décisions finales de l’AFC des 6 et 15 novembre 2018 retiennent simplement qu’au « vu des informations transmises à l’AFC par l’administration fiscale compétente, la/les société(s) enregistrée(s) comme entité(s) concernée(s) remplit/remplissent les critères de l’article 10 OAAF » (p.5) et qu’ainsi « un échange de renseignements doit en l’espèce avoir lieu avec l’autorité/les autorités compétente(s) de JE, FR, GB [GB, JE, LU/JE respectivement] » (p. 5). L’AFC conclut ainsi que « les conditions d’application de l’article 7 de la Convention, en lien avec les articles 8 et 9 OAAF, sont remplies et que l’assistance administrative spontanée doit être accordée » (p. 5) sans aborder les conditions spécifiques posées par les bases légales citées au cas d’espèce.
4.3 In casu, il apparait que les informations à transmettre à l’égard de la recourante 1 résume le ruling conclu avec cette dernière de la manière suivante :
L’activité de A._______ se limite à fournir les services administratifs et les services du family office aux entités du groupe. Pour ces activités, application de la méthode « cost+8.5% », sous réserve du détachement d’une employée, qui justifie une marge de 5%, compte tenu du fait que A._______ ne fait que tenir la fiche de paie de cette employée.
Il apparaît ainsi que la décision anticipée a pour objet, dans un contexte international, les prix de transfert entre des personnes étroitement liées ou une méthode concernant les prix de transfert qui a été définie par les autorités suisses compétentes sans l’entremise des autorités compétentes d’autres Etats (art. 9 al. 1 let. b OAAF). Par ailleurs, conformément à l’art. 9 al. 2 OAAF, les informations à transmettre listent les personnes étroitement liées avec lesquelles la recourante 1 effectue des transactions couvertes par le ruling.
4.4 Quant aux informations à transmettre relatives aux recourantes 2 et 3, celles-ci précisent ce qui suit :
Régime holding au niveau cantonal et communal au sens de l’art. 22 LPIM applicable aux sociétés dont le but principal consiste à gérer durablement des participations et qui n’ont pas d’activité commerciale. La société est exemptée de l’impôt sur le bénéfice, sauf sur tous les rendements immobiliers (...) et sur les plus-values réalisées sur des immeubles sis dans le canton.
Il apparaît ainsi que les deux décisions anticipées concernent des faits visés à l’art. 28, al. 2 à 4 LHID ou ont pour objet une réduction de l’impôt grevant des revenus de droits immatériels et de droits analogues ou une répartition fiscale internationale en rapport avec des sociétés principales (art. 9 al. 1 let. a OAAF). Par ailleurs, conformément à l’art. 9 al. 2 OAAF, les informations à transmettre listent les personnes étroitement liées avec lesquelles les recourantes 2 et 3 effectuent des transactions couvertes par les rulings.
4.5 Selon l’art. 10 al. 1 OAAF, lorsqu’une décision anticipée remplit au moins l’une des conditions de l’art. 9, al. 1 OAAF, il faut procéder à un échange spontané de renseignements avec les autorités compétentes de l’Etat du siège de la société qui détient le contrôle direct et avec les autorités compétentes de l’Etat du siège de la société-mère du groupe. Selon l’art. 10 al. 2 OAAF, dans les cas visés ci-après, il faut en outre procéder à l’échange spontané de renseignements avec les Etats suivants : a) pour autant qu’il existe une décision anticipée en matière fiscale selon l’art. 9 al. 1 let. a : avec les Etats du siège des personnes étroitement liées avec lesquels le contribuable effectue des transactions imposables en vertu de ladite décision ou des transactions entraînant pour le contribuable des revenus de personnes étroitement liées soumis à l’impôt en vertu de ladite décision ; b) pour autant qu’il existe une décision anticipée en matière fiscale selon l’art. 9 al. 1 let. b ou c : avec les Etats des personnes étroitement liées avec lesquels le contribuable effectue des transactions dont les conséquences fiscales font l’objet de ladite décision.
4.6 En l’espèce, dans la mesure où les décisions anticipées susmentionnées remplissent au moins l’une des conditions de l’art. 9 al. 1 OAAF, il y a lieu de procéder à un échange spontané de renseignements avec les autorités compétentes suivantes. Pour la recourante 1 avec les autorités compétentes de l’Etat du siège de la société qui détient le contrôle direct, avec les autorités compétentes de l’Etat du siège de la société-mère du groupe et avec les Etats des personnes étroitement liées avec lesquels le contribuable effectue des transactions dont les conséquences fiscales font l’objet de ladite décision (art. 10 al. 1 et al. 2 let. b OAAF), soit avec les autorités compétente(s) de JE, FR, GB respectivement. Pour les recourantes 2 et 3 avec les autorités compétentes de l’Etat du siège de la société qui détient le contrôle direct, avec les autorités compétentes de l’Etat du siège de la société-mère du groupe et avec les Etats du siège des personnes étroitement liées avec lesquels le contribuable effectue des transactions imposables en vertu de ladite décision ou des transactions entraînant pour le contribuable des revenus de personnes étroitement liées soumis à l’impôt en vertu de ladite décision (art. 10 al. 1 et al. 2 let. a OAAF), soit avec les autorités compétentes de GB, JE, LU/JE respectivement.
5.
Selon l’art. 4 par. 1 MAC, les parties de la Convention échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour l’administration ou l’application de leurs législations internes relatives aux impôts visés par la présente Convention (voir aussi arrêt du TAF A-7302/2018 du 26 mai 2020 consid. 4.1.2).
5.1 Par ailleurs, selon le Message relatif à l’approbation de la Convention du Conseil de l’Europe et de l’OCDE concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale et à sa mise en oeuvre (modification de la loi sur l’assistance administrative fiscale, FF 2015 5121 5138, ci-après : Message MAC), la condition de la « pertinence vraisemblable » est conforme à la norme internationale d’assistance administrative en matière fiscale (Message MAC p. 5138 ; arrêt du TAF A-7302/2018 du 26 mai 2020 consid. 4.1.2). On exclut ainsi les mesures servant uniquement à la recherche de preuves (pêche aux renseignements ou « fishing expeditions ») ou l’échange de renseignements non pertinents pour l’imposition d’un contribuable donné ou d’un groupe déterminé de personnes. Le principe énoncé au par. 1 est précisé aux art. 4 à 9 [MAC] (arrêt du TAF A-7302/2018 du 26 mai 2020 consid. 4.1.2). En effet, pour garantir le fonctionnement de l’échange spontané de renseignements, il faut que les informations puissent être qualifiées de pertinentes (Message MAC p. 5143). Le Message précise en outre que l’art. 4, al. 3, de la LAAF a été reformulé de telle sorte que la disposition trouve à s’appliquer tant à l’échange de renseignements sur demande qu’à l’échange spontané de renseignements. La disposition exprime désormais plus clairement qu’aucune information concernant un tiers ne peut être transmise si celle-ci ne semble pas vraisemblablement pertinente pour l’évaluation de la situation fiscale de la personne concernée (Message MAC p. 5134).
5.2 Selon l’art. 13 al. 1 OAAF, en présence d’une décision anticipée en matière fiscale, la division compétente de l’AFC transmet les renseignements obtenus visés à l’art. 11 al. 1 let. b à l, 2 et 3 OAAF, aux Etats destinataires dans les trois mois suivant leur obtention. Ce délai est prolongé si des motifs prévus aux art. 22b à 22d LAAF l’exigent.
5.3 Selon l’art. 11 al. 1 OAAF, en présence d’une décision anticipée en matière fiscale, les renseignements suivants doivent être transmis à la division compétente de l’AFC : a) une copie de la décision anticipée en matière fiscale ; b) la date à laquelle la décision anticipée en matière fiscale a été rendue ; c) les données permettant d’identifier le contribuable, y compris son adresse ; d) le numéro d’identification fiscale du contribuable et le nom du groupe d’entreprise auquel il appartient ; e) les années fiscales pour lesquelles la décision anticipée en matière fiscale est valable ; f) les conditions figurant à l’art. 9 al. 1, remplies par la décision anticipée en matière fiscale ; g) un bref résumé du contenu de la décision anticipée en matière fiscale, si possible, en français ou en anglais, sinon en allemand ou en italien ; h) les données relatives au siège de la société qui détient le contrôle direct et de la société-mère, y compris l’adresse ; i) pour autant qu’il s’agisse d’une décision anticipée en matière fiscale selon l’art. 9 al. 1, let. a : les données relatives aux personnes étroitement liées ou aux établissements stables avec lesquelles le contribuable effectue des transactions imposables en vertu de ladite décision ou des transactions entraînant pour le contribuable des revenus provenant de personnes étroitement liées ou d’établissements stables soumis à l’impôt en vertu de ladite décision, y compris leur nom et leur adresse ; j) pour autant qu’il s’agisse d’une décision anticipée en matière fiscale selon l’art. 9 al. 1 let. b ou c : les données relatives aux personnes étroitement liées ou aux établissements stables avec lesquels le contribuable effectue les transactions qui font l’objet de la décision anticipée en matière fiscale, y compris leur nom et leur adresse ; k) pour autant qu’il s’agisse d’une décision anticipée en matière fiscale selon l’art. 9 al. 1 let. d : les données relatives à l’établissement stable étranger ou à la personne étrangère dont l’activité en Suisse fonde un établissement stable, y compris son nom et son adresse ; l) pour autant qu’il s’agisse d’une décision anticipée en matière fiscale selon l’art. 9 al. 1 let. e : les données relatives aux personnes ou aux établissements stables étroitement liés qui effectuent directement ou indirectement des versements en faveur des contribuables et au destinataire final de ces versements, y compris leur nom et leur adresse ; m) une liste des Etats destinataires en vertu de l’art. 10 ; n) d’autres informations dont la division compétente de l’AFC pourrait avoir besoin pour évaluer s’il doit procéder à l’échange spontané de renseignements.
5.4 Les recourantes se plaignent que l’échange spontanée par l’AFC des informations relatives à l’identité des entités étroitement liées avec lesquelles les recourantes effectuent des transactions couvertes par les décisions anticipées en matière fiscale, à des Etats où lesdites entités ne seraient pas résidentes, violerait le principe de la pertinence vraisemblable. En effet, l’identité des entités étroitement liées non résidentes dans un Etat destinataire ne serait pas pertinente pour la taxation de l’entité résidente dans cet Etat. A cet égard, l’AFC aurait interprété à tort l’art. 11 al. 1 let. i OAAF, respectivement let. j, comme signifiant qu’il conviendrait de communiquer à chaque Etat destinataire la liste de toutes les entités filiales des recourantes 2 et 3 et la liste de toutes les entités qui ont recours aux services de la recourante 1, respectivement, même si ces entités ne sont pas résidentes dans l’Etat en question. Par ailleurs, selon les recourantes cette interprétation aurait pour effet de rendre redondant l’art. 11 al. 1 let. m OAAF qui prévoit la transmission d’une liste des Etats destinataires. Pour ces raisons, les recourantes requièrent le triage et le fractionnement des renseignements à transmettre selon leur pertinence pour l’Etat destinataire, en ce sens que seul l’identité de l’entité étroitement liée résidente dans cet Etat devrait lui être transmise. L’identité des entités étroitement liées résidentes dans des Etats tiers devraient ainsi être caviardées.
5.5 A titre préliminaire, il apparaît que l’art. 7 MAC qui définit l’échange spontané de renseignements et l’art. 4 par. 1 MAC qui conditionne l’échange à la pertinence vraisemblable des informations, constituent les principes directeurs de la procédure d’assistance administrative en matière d’échange spontané de renseignements. A cet égard, le Tribunal note que la LAAF et l’OAAF ne font que régler la mise en oeuvre de dite procédure. Pour cette raison, il n’apparaît pas que cette législation, qui est de nature procédurale (cf. arrêt du TF 2C_880/2020 du 15 juin 2021 consid. 4.1 ss), soit dans l’abstrait en conflit avec les principes directeurs définis aux art. 7 et 4 MAC. Au contraire, il apparaît que la liste des renseignements à transmettre selon l’art. 11, al. 1, let. b à l, 2 et 3 OAAF, par renvoi de l’art. 13 al. 1 OAAF, constitue l’expression du principe de la pertinence vraisemblable sous la forme d’une lex specialis. Pour cette raison, la pertinence vraisemblable des informations listées par cette disposition peut être présumée. Cependant, il apparaît également qu’une telle présomption, si elle devait être qualifiée d’irréfragable, rendrait redondant l’art. 11 al. 1 let. m OAAF, lequel prévoit la transmission d’une liste des Etats destinataires. A contario, si ladite présomption était qualifiée de réfragable, l’art. 11 al. 1 let. m OAAF ne serait plus redondant : l’on peut par exemple imaginer une constellation où, à la suite du renversement la présomption précitée, l’identité d’une personne étroitement liée dans un Etat tiers serait caviardée, ce qui rendrait ainsi la mention dudit Etat dentinaire selon l’art. 11 al. 1 let. m OAAF non redondante. Pour ces raisons, qualifier la pertinence vraisemblable des informations mentionnées à l’art. 11, al. 1 let. b à l, 2 et 3 OAAF de présomption réfragable, constitue une solution juridique satisfaisante. En effet, celle-ci tient compte d’une part de la systématique légale et de la nature procédurale de l’assistance administrative, et d’autre part de la cohérence interne de l’art. 11, al. 1 let. b à l, 2 et 3 OAAF.
5.6 En l’espèce, dans la mesure où la décision anticipée en matière fiscale concernant la recourante 1 a pour objet, dans un contexte international, les prix de transfert entre des personnes étroitement liées ou une méthode concernant les prix de transfert qui a été définie par les autorités suisses compétentes sans l’entremise des autorités compétentes d’autres Etats (art. 9 al. 1 let. b OAAF), les données relatives aux personnes étroitement liées ou aux établissements stables avec lesquels le contribuable effectue les transactions qui font l’objet de la décision anticipée en matière fiscale, y compris leur nom et leur adresse, devraient être transmises (art. 11 al. 1 let. j OAAF).
5.7 Quant aux recourantes 2 et 3 dans la mesure où les deux décisions anticipées concernent des faits visés à l’art. 28, al. 2 à 4 LIHD, ou ont pour objet une réduction de l’impôt grevant des revenus de droits immatériels et de droits analogues ou une répartition fiscale internationale en rapport avec des sociétés principales (art. 9 al. 1 let. a OAAF), les données relatives aux personnes étroitement liées ou aux établissements stables avec lesquelles le contribuable effectue des transactions imposables en vertu de ladite décision ou des transactions entraînant pour le contribuable des revenus provenant de personnes étroitement liées ou d’établissements stables soumis à l’impôt en vertu de ladite décision, y compris leur nom et leur adresse, devraient être transmises (art. 11 al. 1 let. i OAAF).
5.8 Il convient à présent de déterminer si les recourantes ont renversé la présomption réfragable selon laquelle les renseignements relatifs à l’identité des entités étroitement liées dans les Etats tiers sont vraisemblablement pertinents pour chaque Etat destinataire des informations.
5.9 Selon la jurisprudence, la norme de la pertinence vraisemblable – clé de voûte de l’échange de renseignements (arrêts du TF 2C_695/2017 du 29 octobre 2018 consid. 2.6 ; 2C_1162/2016 du 4 octobre 2017 consid. 6.3 ; arrêt du TAF A-4819/2016 du 4 avril 2018 consid. 2.3.1) – a pour but d’assurer un échange de renseignements le plus large possible peu importe qu’il s’agisse d’assistance sur demande ou spontanée (arrêt du TAF A-941/2019) du 13 octobre 2021 consid. 5.1.1). Ainsi, l’exigence de la pertinence vraisemblable ne représente donc pas un obstacle très important à la demande d’assistance administrative (ATF 143 II 185 consid. 3.3.2 ; 142 II 161 consid. 2.1.1 ; 139 II 404 consid. 7.2.2).
5.10 Selon les Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2017 (publié le 17 juillet 2017, consulté en ligne le 16 septembre 2021 sur https://www.oecd.org/fr/fiscalite/prix-de-transfert/principes-de-l-ocde-applicables-en-matiere-de-prix-de-transfert-a-l-intention-des-entreprises-multinationales-et-des-administrations-20769723.htm ; ci-après : les Principes OCDE), il existe différentes méthode pour déterminer si les conditions qui régissent les relations commerciales ou financières entre entreprises associées sont conformes au principe de pleine concurrence (Principes OCDE §2.1 ss p. 105 ss).
5.11 A cet égard, la sélection d’une méthode de prix de transfert vise toujours à trouver la méthode la plus appropriée dans un cas spécifique. A cette fin, le processus de sélection doit tenir compte des forces et des faiblesses des méthodes reconnues par l’OCDE ; de la cohérence de la méthode envisagée avec la nature de la transaction contrôlée examinée, déterminée notamment par une analyse fonctionnelle ; de la disponibilité d’informations fiables (notamment sur des comparables indépendants) nécessaires pour appliquer la méthode sélectionnée et/ou d’autres méthodes ; du degré de comparabilité des transactions contrôlées et des transactions indépendantes, y compris la fiabilité des ajustements de comparabilité pouvant être nécessaires pour éliminer les différences entre elles. Il n’existe pas de méthode qui soit utilisable en toute circonstance et il n’est pas nécessaire de démontrer la non-applicabilité de telle ou telle méthode aux circonstances du cas d’espèce (Principes OCDE §2.1 ss p. 105 ss). Il n’est pas possible d’établir des règles précises pouvant s’appliquer dans chaque cas. Par ailleurs, toute méthode devrait pouvoir être utilisée lorsqu’elle est acceptable pour les membres du groupe multinational parties à la transaction ou aux transactions considérées ainsi que pour les administrations fiscales des pays dont relèvent ces membres (Principes OCDE §2.11 ss p. 108 ss).
5.12 En l’espèce, selon la recourante 1 à titre d’illustration celle-ci pourrait être amenée à fournir des prestations de services à une de ses entités étroitement liées en France. Puisque ces prestations de services transfrontalières seraient facturées selon la méthode de prix de transfert convenue dans la décision anticipée (coûts majorés de 8,5%), il se justifierait d’échanger avec la France exclusivement les données relatives à la décision qui constate le prix des prestations concernées. Les relations d’affaires et les prestations fournies par la recourante 1 à d’autres entités étroitement liées dans des pays tiers n’affecteraient pas les prix des prestations facturées à l’entité française et encore moins l’imposition de cette société en France. Cette analyse l’appliquerait par analogie à l’échange spontané avec chaque Etat concerné.
5.13 Quant à la recourante 2, celle-ci allègue, à titre d’illustration qu’elle pourrait recevoir un dividende de sa société fille sise à Jersey. Cette distribution de dividende n’est typiquement pas fiscalisée dans cet Etat et exemptée en Suisse auprès de la recourante 2 en vertu du régime holding au niveau de l’impôt sur le bénéfice cantonal et communal et l’imposition est réduite au niveau fédéral selon le mécanisme de réduction pour participations. Il se justifierait ainsi d’échanger avec Jersey exclusivement les données relatives au type de ruling et à la recourante 2. En revanche, l’identité des autres entités étroitement liées établies dans des pays tiers n’affectent pas le traitement fiscal en général et en particulier l’imposition de la distribution de dividende de l’entité à Jersey. Cette analyse l’appliquerait par analogie à l’échange spontané avec chaque Etat concerné.
5.14 Enfin la recourante 3 expose un raisonnement identique à la recourante 2 avec les Etats respectivement en cause dans la décision anticipée.
5.15 Il n’appartient pas au TAF d’établir le contenu du droit étranger ni la méthode utilisée par les Etats récipiendaires pour déterminer l’assiette fiscale de leur contribuable. Cependant, le Tribunal note que les exemples allégués par les recourantes présentés ci-dessus (consid. 5.12 à 5.14) permettent d’admettre que l’interprétation de la portée du principe de pertinence vraisemblable doit être comprise comme imposant de ne transmettre à chaque Etat concerné que l’identité de la société étroitement liée résidente de cet Etat. Par ailleurs, le Tribunal relève que dans l’éventualité où un Etat récipiendaire souhaiterait obtenir des informations au sujet de l’identité d’une entité étroitement liée résidente dans un pays tiers, il appartient à cet Etat de s’adresser directement à l’Etat tiers – dont la liste figure dans les renseignements à transmettre – au moyen de l’assistance administrative sur demande. Dès lors, le Tribunal retient que l’identité des entités étroitement liées résidentes dans d’autres pays que l’Etat récipiendaire représente, à ce stade, un renseignement qui n’est pas vraisemblablement pertinente pour la taxation de l’entité résidente dans cet Etat. Partant, la présomption réfragable posée par l’art. 11 al. 1 let. b à l, 2 et 3 OAAF est renversée. Pour cette raison, il a lieu d’ordonner le caviardage des entités étroitement liées qui ne sont pas résidentes dans un Etat lors de la transmission de renseignements à cet Etat et d’admettre les recours sur ce point.
6.
Au surplus, le Tribunal relève que les recourantes – et leurs entités étroitement liées – sont protégées par le principe de spécialité. En effet, selon l’art. 22 par. 1 MAC, les renseignements obtenus par une partie en application de la présente Convention sont tenus secrets et protégés dans les mêmes conditions que celles prévues pour les renseignements obtenus en application de la législation de cette partie et, en tant que de besoin pour assurer le niveau nécessaire de protection des données à caractère personnel, conformément aux garanties qui peuvent être spécifiées par la partie fournissant les renseignements comme étant requises au titre de sa législation. Selon le par. 2 de cette disposition, ces renseignements ne sont communiqués en tout cas qu’aux personnes ou autorités (y compris les tribunaux et les organes administratifs ou de surveillance) concernées par l’établissement, la perception ou le recouvrement des impôts de cette partie, par les procédures ou les poursuites pénales concernant ces impôts, ou par les décisions sur les recours se rapportant à ces impôts ou par le contrôle de ce qui précède. Seules lesdites personnes ou autorités peuvent utiliser ces renseignements et uniquement aux fins indiquées ci-dessus. Elles peuvent, nonobstant les dispositions du par. 1, en faire état au cours d’audiences publiques de tribunaux ou dans des jugements concernant lesdits impôts. Par ailleurs, selon l’art. 22 par. 3 MAC, nonobstant les dispositions des par. 1, 2 et 3, les renseignements obtenus par une partie peuvent être utilisés à d’autres fins lorsque l’utilisation de tels renseignements à de telles fins est possible selon la législation de la partie qui fournit les renseignements et que l’autorité compétente de cette partie consent à une telle utilisation. Les renseignements fournis par une partie à une autre partie peuvent être transmis par celle-ci à une troisième partie, sous réserve de l’autorisation préalable de l’autorité compétente de la première partie.
[…]
(Admission des recours dans le sens des considérants. Modification des décisions finales en ce sens que lors de la transmission des renseignements à chaque Etat récipiendaire par l’autorité inférieure, l’identité des entités étroitement liées aux recourantes résidentes dans des Etats tiers sera caviardée.).