Arrêt du Tribunal administratif fédéral A-3888/2020 du 4 mai 2021

Pouvoirs de l’AFC pour ordonner la production des documents directement auprès du Trustee

  • Bearbeitet durch: Lysandre Papadopoulos
  • Beitragsart: Grundsatzurteil
  • Rechtsgebiete: Internationale Amtshilfe
  • Zitiervorschlag: Lysandre Papadopoulos, Arrêt du Tribunal administratif fédéral A-3888/2020 du 4 mai 2021, ASA online Grundsatzurteile
Arrêt du Tribunal administratif fédéral A-3888/2020 du 4 mai 2021 en la cause A. contre Administration fédérale des contributions.

Contenu

  • 1. Regeste
  • 2. Faits
  • 3. Extrait des considérants

1.

Regeste ^

Il serait manifestement contraire au but poursuivi de l’échange d’informations entre Etats contractants, à savoir notamment celui de l’échange effectif et large, de refuser l’assistance administrative dès qu’une personne constitue un trust en nommant un trustee en Suisse, et que de ce fait les renseignements ne puissent pas être requis auprès de ce dernier au motif que le trustee n’entrerait pas dans la définition de l’art. 26 par. 5 CDI CH-IN sous la notion de « fiduciaire ». Le critère décisif et central pour la transmission de renseignements est celui de la pertinence vraisemblable (consid. 6.4.5). Ainsi, c’est à juste titre et de manière conforme à l’art. 26 par. 5 CDI CH-IN que l’autorité inférieure s’est adressée au Trustee pour requérir des informations et documents concernant le Trust (consid. 6.5).

Es würde dem Zweck des Informationsaustausches zwischen den Vertragsstaaten, d.h. insbesondere dem effektiven und umfassenden Informationsaustausch, klar widersprechen, die Amtshilfe zu verweigern, sobald eine Person einen Trust durch Bestellung eines Trustees in der Schweiz gründet, und somit vom Trustee keine Informationen zu verlangen mit der Begründung, dass der Trustee nicht unter die Definition des « Treuhänder » in Art. 26 Abs. 5 DBA CH-IN fällt. Das entscheidende und zentrale Kriterium für die Übermittlung von Informationen ist die voraussichtliche Erheblichkeit (E. 6.4.5). Die Vorinstanz hat somit zu Recht vom Trustee Auskünfte und Unterlagen zum Trust gemäss Art. 26 Abs. 5 DBA CH-IN verlangt (E. 6.5).

2.

Faits ^

A.

A.a Le (...), la Foreign Tax & Tax Research Division du Ministry of Finance de la République de l’Inde (ci-après: MoF, autorité requérante ou autorité fiscale indienne) a adressé une demande d’assistance administrative fiscale à l’Administration fédérale des contributions (ci-après: AFC), fondée sur l’art. 26 de la Convention du 2 novembre 1994 entre la Confédération suisse et la République de l’Inde en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôt sur le revenu (CDI CH-IN, RS 0.672.942.31). La requête mentionnait A._______ comme personne concernée et résident fiscal. Elle portait sur la période s’étendant du 1er janvier (...) au (...) pour l’impôt sur le revenu.

A.b La demande du (...) a été notamment formulée et motivée comme suit : (...)

A.c En résumé, l’autorité fiscale indienne indique que la personne concernée est bénéficiaire du « B._______ Trust » (ci-après: le Trust) dont le trustee est la société C._______ SA (ci-après: la Société ou le Trustee). A cet égard, elle souhaite notamment obtenir des informations relatives à ce Trust, telles que les bénéficiaires, le nom de son settlor ainsi que les comptes détenus par ce Trust.

B.

B.a Par deux ordonnances de production du 17 octobre 2019 et du 11 février 2020, l’AFC a requis la Société de lui transmettre les renseignements et documents demandés et ceux manquant.

B.b Par courriels du 11 novembre 2019 et 21 février 2020, la Société a remis à l’AFC les renseignements et documents demandés.

C.

C.a Le 24 mars 2020, l’AFC a adressé par courrier à la Société et à A._______, par l’intermédiaire de son mandataire, les informations telles qu’elle envisageait de les transmettre à l’autorité requérante ainsi que l’intégralité du dossier, en leur impartissant un délai de 10 jours pour prendre position par écrit.

D.

Par deux courriels distincts des 20 avril 2020 et 30 avril 2020, la Société, respectivement A._______, par l’intermédiaire de son mandataire, ont remis leurs observations à l’AFC.

E.

Par décision finale du 29 juin 2020, l’AFC a décidé d’accorder l’assistance administrative concernant A._______ en transmettant à l’autorité requérante les informations obtenues auprès de la Société. Elle a notamment motivé sa décision en indiquant que les documents relatifs à la constitution d’un trust et à ses bénéficiaires étaient pertinents et que la véracité des informations n’avait pas été remise en cause par A._______.

F.

Par mémoire du 30 juillet 2020, A._______ (ci-après: le recourant) a recouru contre la décision précitée de l’AFC (ci-après: l’autorité inférieure) en concluant principalement à son annulation et au renvoi de la cause pour nouvelle décision, le tout sous suite de frais et dépens. Le recourant invoque notamment le défaut d’une base légale tant sur le plan international que national autorisant la collecte des renseignements dont la production a été ordonnée en l’espèce.

G.

Par mémoire de réponse du 15 septembre 2020, l’autorité inférieure a conclu au rejet du recours sous suite de frais et dépens.

Par courrier du 30 septembre 2020, le recourant a sollicité un second échange d’écriture sur la question de l’obtention de renseignements auprès de tiers. Ce courrier a été transmis à l’autorité inférieure par le Tribunal. Le recourant a été invité à se déterminer par ordonnance du 14 avril 2021.

H.

Les autres faits et arguments des parties seront repris, pour autant que besoin, dans la partie en droit.

3.

Extrait des considérants ^

[…]

6.

6.1

L’art. 26 par. 3 CDI CH-IN indique que la clause sur l’échange d’information ne contraint pas un Etat contractant à « prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celles de l’autre Etat contractant » ou à « fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de l’autre Etat contractant. » Une exception à cette limitation découle en revanche de l’art. 26 par. 5 CDI CH-IN : « En aucun cas les dispositions du par. 3 ne peuvent être interprétées comme permettant à un Etat contractant de refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci sont détenus par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu’agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété d’une personne. Nonobstant le par. 3 ou toute disposition contraire du droit interne, les autorités fiscales de l’Etat contractant requis disposent des pouvoirs de procédure qui leur permettent d’obtenir les renseignements visés par le présent paragraphe ».

Il sied de déterminer en premier lieu si l’art. 26 par. 5 CDI CH-IN peut s’appliquer au cas d’un trustee et si cette disposition permettait à l’AFC de requérir les informations qu’elle a requises et obtenues en l’espèce. Il y a donc lieu d’interpréter cette disposition conventionnelle.

6.1.1 L’interprétation des conventions de double imposition (CDI) s’effectue conformément aux règles de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (CV, RS 0.111; cf. ATF 146 III 142 consid. 3.4.1; 144 II 130 consid. 8.2; 143 II 202 consid. 6.3.1 s.; 142 II 161 consid. 2.1.3; ATF 139 II 404 consid. 7.2.1). Les principes ici déterminants de cette convention sur l’interprétation des conventions constituent une codification de la coutume internationale (Avis de la Cour internationale de justice du 9 juillet 2004, Conséquences juridiques de lédification dun mur dans le territoire palestinien occupé, C.I.J. Recueil 2004, p. 174 § 94; ATF 125 II 417 consid. 4.d). Ils doivent ainsi être respectés par les autorités qui interprètent la CDI CH-IN, même si l’Inde n’a pas signé cette Convention de Vienne (ATF 146 II 150 consid. 5.3.1; 145 II 339 consid. 4.4.1; arrêt du TF 2C_542/2018 du 10 mars 2021 consid. 2.2.1).

6.1.2 Selon le Tribunal fédéral, l’interprétation des traités doit se fonder principalement sur le texte du traité concerné. Les traités internationaux peuvent être considérés comme authentiques non seulement dans une, mais aussi dans deux, voire plusieurs langues. Dans ce cas, où il existe plusieurs versions linguistiques considérées comme authentiques, elles sont présumées être équivalentes de sorte qu’aucune langue n’est prédominante par rapport à une autre (cf. Dominique Maria Da Silva, Der Begriff des Arbeitgebers gemäss Art. 15 Abs. 2 lit. b OECD-MA im internationalen Steuerrecht der Schweiz, 2019, p. 44 et les références citées ; voir également Michael Beusch, « In the case there is any divergence of interpretation the English text shall prevail », in: OREF (éd.), Au carrefour des contributions, 2020, p. 407). L’art. 31 par. 1 CV prévoit en effet qu’un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. En plus du contexte (art. 31 par. 2 CV), il sera tenu compte, selon l’art. 31 par. 3 CV, de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions (let. a); de toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité (let. b) et de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties (let. c). Les travaux préparatoires et les circonstances dans lesquelles le traité a été conclu constituent des moyens complémentaires d’interprétation lorsque l’interprétation donnée conformément à l’art. 31 CV laisse le sens ambigu ou obscur ou conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable (art. 32 CV).

6.1.3 L’art. 31 par. 1 CV fixe un ordre de prise en compte des éléments de l’interprétation, sans toutefois établir une hiérarchie juridique obligatoire entre eux (cf. ATF 144 II 130 consid. 8.2.1; 143 II 202 consid. 6.3.1; arrêt du TF 4A_736/2011 du 11 avril 2012 consid. 3.3.2). Le sens ordinaire du texte du traité constitue le point de départ de l’interprétation. L’objet et le but du traité correspondent à ce que les parties voulaient atteindre par le traité. L’interprétation téléologique garantit, en lien avec l’interprétation selon la bonne foi, l’« effet utile » du traité (cf. ATF 144 II 130 consid. 8.2.1; 143 II 136 consid. 5.2.2; 142 II 161 consid. 2.1.3; 141 III 495 consid. 3.5.1). Lorsque plusieurs significations sont possibles, il faut choisir celle qui permet l’application effective de la clause dont on recherche le sens, en évitant d’aboutir à une interprétation en contradiction avec la lettre ou l’esprit des engagements pris (cf. ATF 144 II 130 consid. 8.2.1; 143 II 136 consid. 5.2.2; 142 II 161 consid. 2.1.3). Un Etat contractant doit partant proscrire tout comportement ou toute interprétation qui aboutirait à éluder ses engagements internationaux ou à détourner le traité de son sens et de son but (cf. ATF 144 II 130 consid. 8.2.1; 143 II 202 consid. 6.3.1 in fine; 142 II 161 consid. 2.1.3; 142 II 35 consid. 3.2).

6.1.4 Parmi les règles pertinentes de droit international applicables dans les relations entre les parties mentionnées à l’art. 31 par. 3 let. c CV, le Tribunal fédéral retient que des textes internationaux qui n’ont qu’une valeur de « soft law », tels des recommandations ou des commentaires, constituent d’importants moyens auxiliaires d’interprétation, dans la mesure où ces textes internationaux reflètent les traditions juridiques communes aux Etats membres des organisations sous les auspices desquelles ils ont été élaborés, dont la Suisse se réclame et dont, partant, il y a lieu de tenir compte (cf. ATF 144 II 130 consid. 8.2.2; 123 I 112 consid. 4d/cc; 122 I 222 consid. 2a/aa; 118 Ia 64 consid. 2a).

6.1.5 Dans le cadre des CDI, l’interprétation historique a une portée moins importante que l’interprétation littérale, systématique ainsi que téléologique. Elle est utilisée comme méthode d’interprétation complémentaire (Dominique Maria Da Silva, op. cit., p. 46 s. et les références citées). Dans le contexte de l’échange de renseignements en matière fiscale qui est en développement constant, l’environnement juridique international qui se dégage des travaux tels que ceux de l’OCDE, auxquels la Suisse participe activement, est pris en compte lorsqu’il s’agit de déterminer la portée d’une CDI. Ainsi, l’interprétation des dispositions des CDI, qui sont conçues selon le modèle de Convention de l’OCDE qui n’a pas la portée d’une convention internationale, se fait non seulement à la lumière de ce texte, mais aussi de son Commentaire, que la jurisprudence et la doctrine majoritaire a récemment qualifié d’appoint important (cf. ATF 144 II 130 consid. 8.2.3; 142 II 161 consid. 2.1; 143 II 136 consid. 5.2.3; arrêt du TF 2C_542/2018 du 10 mars 2021 [CDI CH-IN]; ATAF 2010/7 consid. 3.6.2; Dominique Maria Da Silva, op. cit., p. 48 et les autres références citées). Ce Commentaire constitue en principe un moyen complémentaire d’interprétation pour les CDI, qui peuvent être interprétée à la lumière de ce Commentaire lorsque la norme figurant dans la CDI applicable correspond au MC-OCDE (cf. ATF 143 II 136 consid. 5.2.3; 142 II 161 consid. 2.1; Dominique Maria Da Silva, op. cit., p. 56). Le Commentaire étant régulièrement adapté, il permet ainsi, dans la mesure où il se rapporte à une disposition du Modèle de Convention OCDE qui trouve son équivalent dans la CDI applicable, d’en donner une interprétation évolutive qui correspond aux standards les plus récents reconnus par les Etats membres de cette organisation (cf. ATF 144 II 130 consid. 8.3.2; arrêt du TF 2C_880/2018 du 19 mai 2020 consid. 4.1 et les nombreuses références citées).

6.2 S’agissant de l’interprétation des art. 26 par. 3 et 5 MC-OCDE, il sied de se référer à deux jurisprudences de principe rendues par Tribunal fédéral dont il résulte en substance ce qui suit.

6.2.1 Dans l’ATF 142 II 161, le Tribunal fédéral a rappelé qu’en date du 13 mars 2009, le Conseil fédéral avait annoncé un changement de politique majeur en matière d’échange de renseignements en déclarant vouloir désormais appliquer le standard de l’art. 26 MC-OCDE dans les conventions de double imposition conclues par le Suisse (cf. également les références citées au consid. 4.3 de l’ATF précité). La reprise du standard OCDE en la matière implique en particulier que l’échange de renseignements est désormais accordé, sur demande, lorsqu’il a pour but l’application du droit interne de l’Etat requérant même dans les cas de simple soustraction d’impôt, sans qu’il ne soit plus nécessaire que les cas impliquent des actes de fraude passibles d’emprisonnement dans les deux Etats. Le droit interne suisse n’a toutefois pas été modifié depuis le 13 mars 2009, de sorte que les dispositions de droit suisse protégeant le secret bancaire sont toujours en vigueur, en particulier les art. 127 al. 2 LIFD et 47 de la loi fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques ([LB, RS 952.0] ; cf. également les références citées au consid. 4.3 de l’ATF précité). La reprise du standard de l’art. 26 MC OCDE implique toutefois que le secret bancaire ne peut plus être opposé pour refuser l’échange de renseignements, même en cas de simple soustraction fiscale. En outre, le Tribunal fédéral a précisé dans le cadre de la CDI CH-FR, que le par. 3 de l’art. 28 CDI CH-FR, in casu, devait être lu en lien avec l’art. 28 par. 5 CDI CH-FR, dont la 1re phrase correspond au par. 5 de l’art. 26 MC-OCDE. Ce paragraphe 5 a pour objet d’éviter que « les limitations du paragraphe 3 ne puissent être utilisées pour empêcher les échanges de renseignements détenus par des banques, autres établissements financiers, mandataires, agents et fiduciaires, ainsi que les renseignements concernant la propriété » (Commentaire MC-OCDE, n° 19.10 ad art. 26). La seconde phrase du paragraphe 5 de l’art. 28 CDI CH-FR n’apparaît pas dans le MC-OCDE et figure en principe dans toutes les conventions de double imposition conclues par la Suisse depuis le 13 mars 2009. Elle a pour but de permettre à la Suisse de mettre en œuvre le standard OCDE à l’égard des établissements suisses concernés par le secret bancaire (cf. ATF 142 II 161 consid.4.4.1; Daniel Holenstein, in Zweifel/Beusch (éd.), Internationales Steuerrecht, Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, 2015, n° 316 ad art. 26 MC-OCDE; Donatsch/Heimgartner/Meyer/Simonek, Internationale Rechtshilfe, unter Einbezug der Amtshilfe im Steuerrecht, 2e éd. 2015, p. 249; Xavier Oberson, in Modèle de convention fiscale OCDE concernant le revenu et la fortune, Commentaire [ci-après: Commentaire], 2014, nos 148 s. ad art. 26 MC-OCDE; Robert Waldburger, Aktuelle Entwicklungen in der schweizerischen Amtshilfe im Steuerbereich, RSDA 2009 p. 487 s.).

Toujours dans l’ATF 142 II 161, le Tribunal fédéral a précisé que l’art. 28 par. 5, 2ème ph. CDI CH-FR est une disposition directement applicable (« self-executing ») de sorte qu’il n’est pas nécessaire de recourir à l’art. 127 al. 1 LIFD pour lever le secret bancaire dans cette hypothèse, puisque, même si cette disposition s’avérait applicable en droit interne en pareilles circonstances, ce qui n’est naturellement pas le cas, elle s’effacerait de toute manière face à la norme internationale (cf. ATF 142 II 161 consid. 4.5.2). Le caractère self-executing de cette norme implique non seulement que le secret bancaire ne peut être opposé par une banque suisse, mais que l’Administration fédérale dispose des pouvoirs de procédure nécessaires pour obtenir les renseignements vraisemblablement pertinents requis. L’art. 28 par. 5, 2e ph. CDI CH-FR ne fait en revanche pas obstacle à l’application du par. 3 en tant qu’il protège les secrets professionnels non concernés par le par. 5, tel que, par exemple, le secret de l’avocat (cf. ATF 142 II 161 consid. 4.5.2; arrêt du TAF A-3785/2018 du 25 mai 2020 consid. 5.3.2 et 5.3.3 ss ; Commentaire MC OCDE, n° 19.3 ad art. 26; Oberson, Commentaire, op. cit., n° 139 ad art. 26 MC-OCDE; Holenstein, op. cit., n° 296 ad art. 26 MC OCDE; voir également l’art. 8 al. 6 LAAF).

6.2.2 Dans l’ATF 142 II 69, le Tribunal fédéral s’est également prononcé sur les pouvoirs dont dispose l’AFC dans le cadre de l’échange de renseignements fiscaux. Il a indiqué que la réserve en faveur du droit suisse figurant à l’art. 28 par. 3 let. b CDI CH-FR renvoyait, s’agissant des renseignements qui sont en possession d’un contribuable suisse, aux art. 123 à 129 LIFD et qu’en outre ces dispositions légales restreignaient les pouvoirs d’investigation de l’AFC. Il a rappelé que la LIFD opérait une distinction entre, d’une part, le devoir général de collaboration du contribuable, qui découle en particulier de l’art. 126 LIFD et, d’autre part, les obligations spécifiques de collaboration qui incombent à certains tiers selon les art. 127 à 129 LIFD (cf. ATF 142 II 69 consid. 5). De jurisprudence constante, un contribuable est aussi tenu de fournir, en vertu de l’art. 126 LIFD, des renseignements qui permettent à l’autorité fiscale de procéder à l’imposition d’un contribuable tiers, si ces renseignements sont aussi susceptibles d’affecter sa propre taxation. Si les renseignements requis ne sont pas susceptibles d’affecter la taxation du contribuable sollicité, le devoir de collaboration de ce dernier est limité aux informations qui peuvent être exigées de lui en application des art. 127 à 129 LIFD ; il est dans ce cas un « pur tiers » (cf. ATF 142 II 69 consid. 5.2 et 5.3). Dans cet arrêt, contrairement à l’ATF 142 II 161, il n’était pas question de renseignements visés par l’art. 26 al. 5 MC-OCDE, soit des renseignements « uniquement parce que ceux-ci sont détenus par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu’agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété d’une personne ».

6.3

6.3.1 En analysant ces deux jurisprudences précitées (cf. ATF 142 II 69 et ATF 142 II 161), la Cour de céans arrive à la conclusion qu’elles se distinguent d’une part dans le fait que le détenteur d’information était une banque dans un cas, et une société (« pur tiers ») dans l’autre et, d’autre part, que l’art. 28 par. 5, 2ème phrase CDI CH-FR était directement applicable aux banques mais pas aux autres tiers. Aucun motif ne s’oppose à la même qualification s’agissant de l’art. 26 par. 5, 2ème phrase CDI CH-IN que celle faite par le Tribunal fédéral pour la CDI CH-FR de sorte que cette disposition doit être considérée comme self-executing notamment du fait que l’art. 28 par. 5 CDI CH-FR et l’art. 26 par. 5 CDI CH-IN ont la même teneur et que le Message du Conseil fédéral a la même teneur s’agissant des deux CDI (cf. FF 2010 1409, 1416; FF 2010 8067, 8073). S’agissant de la 1ère phrase du par. 5 des deux dispositions précitées, il correspond à l’art. 26 par. 5 MC-OCDE de sorte qu’il peut être fait référence au Commentaire comme moyen complémentaire conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral en lien avec l’art. 32 CV.

6.3.2 Il convient ainsi de déterminer en premier lieu si dans le cas d’espèce, le Trustee entre dans la définition de l’art. 26 par. 5 CDI CH-IN pour déterminer si l’AFC disposait des pouvoirs pour ordonner la production directement auprès du Trustee des documents requis.

6.4

6.4.1 Il sied de rappeler qu’en principe, en matière d’assistance administrative internationale, l’analyse des caractéristiques juridiques d’un trust constitue une question de fond qui sera, le cas échéant, tranchée par les autorités fiscales de l’Etat requérant dans un procès au fond mais qui n’a pas à être traitée par les autorités suisses, requises, dans le contexte de l’assistance administrative. Il revient donc à l’autorité fiscale indienne, au regard de son droit interne, de déterminer à qui les revenus et actifs sont fiscalement imputables et donc également de savoir que type de trust il s’agit (cf. arrêt du TF 2C_274/2016 du 7 avril 2016 consid. 4.3; arrêts du TAF A-105/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.1.2; A-4426/2019 du 28 octobre 2020 consid. 4.7 [attaqué devant le TF]). Pour le surplus, c’est le critère de la pertinence vraisemblable qui est déterminant pour la transmission des informations (cf. infra consid. 7.1). Toutefois, dans le cas d’espèce, ce n’est pas tant la qualification fiscale du trust qui est déterminante mais la nature juridique de cette institution, puisque l’application de l’art. 26 par. 5 CDI CH-IN en dépend.

6.4.2 Le trust est un rapport juridique créé unilatéralement, par lequel un constituant, le settlor, confie des valeurs patrimoniales à une ou plusieurs personnes, le trustee, lequel a pour obligation de gérer ce patrimoine et de l’utiliser dans un but établi à l’avance par le constituant. Le trust n’est pas une personne morale, de sorte qu’il n’est le propriétaire ni des biens constituant le trust, ni des revenus qui en découlent. Le propriétaire légal (legal ownership) des biens est le trustee, mais le patrimoine du trust ne se mélange toutefois pas à la fortune propre du trustee et en constitue une masse distincte (cf. arrêt du TF 5A_30/2020 du 6 mai 2020 consid. 3.1; arrêts du TAF A-4876/2019 et A-4877/2019 du 27 octobre 2020 consid. 2.8.1 [attaqué devant le TF]; A-4153/2017 du 11 octobre 2018 consid. 7.1.1.2 [Le TF n’est pas entré en matière sur le recours par arrêt 2C_955/2018 du 2 novembre 2018]; Circulaire AFC n° 20, Imposition des trusts, du 27 mars 2018, ch. 2.1 [ci-après: Circulaire AFC n° 20]; Guillaume Grisel, Le trust en suisse, 2020, p. 3). Le trust est essentiellement, après sa création, un rapport juridique entre le trustee et les bénéficiaires (cf. Circulaire AFC n° 20, ch. 2.3; Guillaume Grisel, op. cit., p. 4). Le trustee a des obligations dites fiduciaires quand bien même le trust se distingue juridiquement sur certains aspects du contrat de fiducie (cf. Circulaire AFC n° 20 ch. 2.3; Guillaume Grisel, op. cit., p. 5). Le trustee est tenu de faire preuve d’une loyauté particulièrement élevée à l’égard des beneficiaries et de ce fait le trust produit des effets juridiques entre le trustee et les bénéficiaires (cf. Guillaume Grisel, op. cit., 2020, p. 5). Institution inconnue à ce jour du droit suisse, le trust, constitué à l’étranger, est néanmoins reconnu en Suisse depuis le 1er juillet 2007 (Convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance; RS 0.221.371; cf. TF 5A_30/2020 du 6 mai 2020 consid. 3.1).

6.4.3 Le Trustee agit comme gestionnaire de valeurs patrimoniales qui lui ont été transférées par une personne (settlor) mais qui sont toutefois distinctes de son propre patrimoine. Le trustee qui agit en son propre nom doit donc gérer un patrimoine confié (trust) dans l’intérêt des bénéficiaires avec lesquels il existe une relation de confiance et déployant des effets juridiques. Peu importe que le trustee jouisse d’une liberté ou non dans la distribution en faveur des bénéficiaires. Est décisif, le fait que le trustee gère des biens ou des fonds en faveur d’une ou plusieurs personnes.

6.4.4 La question du trustee est traitée dans le cadre du Commentaire au MC-OCDE, qui comme on l’a vu (ci-avant consid. 6.1) peut servir à interpréter la CDI CH-IN. Selon ce commentaire (Commentaire MC-OCDE, n° 19.12 ad art. 26), « le paragraphe 5 prévoit par ailleurs qu’un État contractant ne peut refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci sont détenus par des personnes agissant en tant qu’agents ou fiduciaires. [...] On considère généralement qu’une personne agit ‹ en qualité de fiduciaire › lorsque cette personne effectue des transactions, ou gère des fonds ou des biens non pas en son nom propre ou pour son propre compte mais pour le compte d’une autre personne avec laquelle elle a des relations qui impliquent et nécessitent de la confiance d’une part et de la bonne foi de l’autre. Le terme ‹ agent › est très large et inclut toutes les formes de prestations de services aux entreprises (par exemple les agents assurant l’établissement de sociétés par actions, les sociétés fiduciaires, les agents agréés, les avocats) ». Par ailleurs, le Commentaire rappelle que bien que le champ d’application de la protection accordée aux communications confidentielles puisse différer selon les États, il ne doit pas être excessivement large, car cela entraverait un échange effectif de renseignements. Les communications entre avocats ou autres représentants légaux agréés et leurs clients ne sont confidentielles que dans la mesure où ces représentants agissent en leur qualité d’avocats ou autres représentants légaux agréés et non à un autre titre, tel qu’actionnaires mandataires, fiduciaires, trustees, settlors, administrateurs de sociétés ou en vertu de leur pouvoir de conseil pour représenter une société dans ses opérations commerciales (cf. Commentaire MC-OCDE, n° 19.3 ad art. 26).

6.4.5 Si l’on prend en outre en considération, le Commentaire de l’art. 26 par. 5 MC-OCDE, dans sa version en anglais (toujours au n° 19.12 ad art. 26), la référence au cas du trustee est alors explicite : « A person is generally said to act in a ‹ fiduciary capacity › when the business which the person transacts, or the money or property which the person handles, is not its own or for its own benefit, but for the benefit of another person as to whom the fiduciary stands in a relation implying and necessitating confidence and trust on the one part and good faith on the other part, such as a trustee ». Pour rappel, en matière de convention internationale aucune langue n’est prédominante par rapport à une autre (cf. supra consid. 6.1.2) et il n’y pas lieu de s’écarter de ce principe même s’agissant du Commentaire. Par ailleurs, la Suisse, comme d’autres pays, ne connait pas dans son droit interne l’institution du trust quand bien même elle reconnait celui-ci (cf. consid. 6.4.1 supra). Il serait manifestement contraire au but poursuivi de l’échange d’informations entre Etats contractants, à savoir notamment celui de l’échange effectif et large, de refuser l’assistance administrative dès qu’une personne constitue un trust en nommant un trustee en Suisse, et que de ce fait les renseignements ne puissent pas être requis auprès de ce dernier au motif que le trustee n’entrerait pas dans la définition de l’art. 26 par. 5 CDI CH-IN sous la notion de « qualité de fiduciaire ». Le critère décisif et central pour la transmission de renseignements est celui de la pertinence vraisemblable (cf. consid. 7.1 infra). Au demeurant, l’art. 26 par. 5 CDI CH-IN a été effectivement introduit dans le but d’empêcher toute opposition à la transmission d’informations vraisemblablement pertinentes du fait que ces informations seraient détenues par des entités ou personnes disposant d’un droit de refuser de collaborer sur le plan interne. Toute autre solution aboutirait à ce que la Suisse élude ses engagements internationaux ou à détourner les traités en matière d’assistance administrative de leurs sens et but (cf. ATF 143 II 202 consid. 6.3.1; 142 II 161 consid. 2.1.3).

6.5 Au vu de ces éléments, le Tribunal retient que le trustee est visé par l’art. 26 par. 5 CDI CH-IN et qu’il entre ainsi dans le champ d’application de cette disposition conventionnelle en tant qu’il est désigné comme disposant la « qualité de fiduciaire ». Ainsi, c’est à juste titre et de manière conforme à l’art. 26 par. 5 CDI CH-IN que l’autorité inférieure s’est adressée au Trustee pour requérir des informations et documents concernant le Trust. Les ordonnances de production des 17 octobre 2019 et 11 février 2020 ont donc été valablement établies et envoyées au Trustee afin qu’il transmette les informations requises.

6.6 Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire d’examiner si le pouvoir d’ordonner la production des documents découle aussi du droit interne suisse, puisque, même si cette disposition s’avérait inapplicable pour le trustee, elle s’effacerait de toute manière face à la norme internationale (cf. ATF 142 II 161 consid 4.5.2). Dès lors, on relèvera uniquement les deux éléments suivants. D’une part, contrairement à ce que soutient le recourant, le trustee bénéficie en règle générale d’honoraires (« fees ») en échange de son activité professionnelle (dans ce sens, cf. Circulaire AFC n° 20, ch. 4.2) : les renseignements en lien avec son activité pourraient ainsi avoir une influence sur sa propre taxation de sorte que le devoir de collaboration de l’art. 126 LIFD s’appliquerait également au Trustee et que, par le renvoi de l’art. 26 par 3 CDI CH-IN, l’AFC était fondée à requérir auprès de lui des informations sur ses rapports avec le recourant. D’autre part, si le Trustee devait être considéré comme un « pur tiers » (voir ci-avant consid. 6.2.2), l’art. 127 LIFD permettrait également à l’AFC d’intervenir, dès lors que le trustee doit être considéré comme entrant dans la catégorie des « fiduciaires, gérants de fortune, créanciers gagistes, mandataires et autres personnes qui ont ou avaient la possession ou l’administration de la fortune du contribuable, sur cette fortune et ses revenus » au sens de cette disposition.

[…]

8.

8.1 En l’espèce, le recourant soutient que les renseignements portant sur le trust, notamment l’identité des bénéficiaires, et sa gestion sont sans pertinence pour l’autorité requérante, faute pour les bénéficiaires d’avoir reçu la moindre attribution du trust, ni d’y avoir un droit ferme.

8.2 En premier lieu, la Cour retient que la demande d’assistance administrative du (...) contient tous les éléments formels nécessaires de sorte que la pertinence vraisemblable des renseignements est présumée donnée. Dans ladite demande, l’autorité fiscale indienne indique expressément que le recourant est le bénéficiaire du Trust et qu’elle connait l’identité du Trustee situé en Suisse. Elle expose également que le Trust aurait bénéficié de dividendes d’un montant de (...) entre (...) et (...). Sur la base de ces informations, auxquelles il sied de se fier en vertu du principe de confiance, l’autorité requérante requiert divers renseignements en lien avec le Trust, tels que notamment le nom des settlors et bénéficiaires (cf. pour la liste complète des informations demandées, supra Faits, let. A.b). En effet, l’autorité fiscale indienne requiert uniquement des renseignements en lien avec le Trust, dont elle sait que la personne concernée est au moins un des bénéficiaires. Le fait que le recourant ou d’autres bénéficiaires n’aient pas reçu de distribution n’y change rien. La nature juridique du trust respectivement la manière dont l’autorité requérante qualifie fiscalement ce dernier n’est pas un critère qui permet de remettre en cause la pertinence des informations requises. Au demeurant, il existe une possibilité raisonnable que les renseignements requis se révéleront pertinents pour la taxation du recourant quand bien même aucun versement n’aurait été effectué en faveur de ce dernier par le Trustee. Ainsi, les documents demandés se rapportent bien aux faits qui figurent dans la demande d’assistance du (...) et il existe un lien évident avec l’enquête menée par l’autorité fiscale indienne. Ainsi, la condition de la pertinence vraisemblable des informations demandées est, au regard des faits exposés dans la demande d’assistance du (...), remplie. Au surplus, le recourant ne démontre pas en quoi les informations ne seraient pas vraisemblablement pertinentes pour les buts fiscaux mentionnés dans la requête.

8.3 Compte tenu de la jurisprudence du Tribunal fédéral du 13 juillet 2020 (arrêts du TF 2C_537/2019 consid. 3.5; 2C_545/2019 consid. 4.7) intervenue après la décision attaquée en l’espèce en lien avec le principe de spécialité, l’autorité inférieure précisera au chiffre 3 de son dispositif, que les informations transmises ne pourront être utilisées qu’à l’encontre de A._______ dans le cadre d’une procédure conformément à l’art. 26 par. 2 CDI CH-IN. L’autorité fiscale indienne, n’a pour le surplus, pas violé le principe de spécialité et elle a même expressément indiqué que les informations reçues seront maintenues secrètes et utilisées dans le but découlant de la convention fondant sa demande (cf. demande du [...] ch. 18).

8.4 Enfin, le Tribunal ne voit pas de motifs – et le recourant n’en soulève aucun – qui permettraient de remettre en doute le respect du principe de bonne foi et de l’interdiction de fishing expedition (cf. consid. 7.2 et 7.3 supra), du principe de subsidiarité (cf. consid. 7.5 supra), l’autorité requérante ayant indiqué dans sa demande du (...) qu’elle avait épuisé toutes les sources possibles pour obtenir ces informations sans y aboutir. S’agissant de la transmission d’informations vraisemblablement pertinentes de tiers non impliqués (cf. consid. 7.1.3), la Cour de Céans confirme le respect de l’art. 4 al. 3 LAAF, ce qui n’était à juste titre pas mis en cause par le recourant, qui ne saurait faire valoir l’intérêt de tiers (cf. ATF 143 II 506 consid. 5.1; 132 II 162 consid. 2.1.2). Au demeurant, rien ne laisse penser que le droit suisse ou le droit interne indien s’opposerait à la transmission à l’étranger des documents litigieux (cf. consid. 7.6 supra).

[…]

(Rejet du recours.)