Arrêt du Tribunal administratif fédéral A-3785/2018 du 25 mai 2020

Protection du secret professionnel des notaires

  • Bearbeitet durch: Lysandre Papadopoulos
  • Beitragsart: Grundsatzurteil
  • Rechtsgebiete: Internationale Amtshilfe
  • Zitiervorschlag: Lysandre Papadopoulos, Arrêt du Tribunal administratif fédéral A-3785/2018 du 25 mai 2020, ASA online Grundsatzurteile
Arrêt du Tribunal administratif fédéral A-3785/2018 du 25 mai 2020 en la cause A. et B. contre Administration fédérale des contributions.

Contenu

  • 1. Regeste
  • 2. Faits
  • 3. Extrait des considérants

1.

Regeste ^

Le Tribunal doute que l’art. 8 al. 6 LAAF (réserve du secret professionnel des avocats) corresponde à l’art. 26 par. 3 let. c MC-OCDE (réserve des secrets professionnels). La question se pose donc de savoir s’il est impératif de convenir d’une disposition équivalente à l’art. 26 par. 3 let. d MC-OCDE (réserve des communications confidentielles entre un client et un avocat, ou autre représentant légal agréé) avec un Etat contractant afin de pouvoir opposer l’art. 8 al. 6 LAAF ou si cette dernière disposition peut être comprise comme la concrétisation de l’art. 26 par. 3 let. a ou b MC-OCDE (équivalant à l’art. 28 par. 3 let. a et b CDI CH-FR), qui permet de refuser de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale. La question est laissée ouverte (consid. 5.3.3.3).

Ne sont protégées de manière absolue que les communications entre l’avocat ou le représentant légal agrée et son client (consid. 5.3.2.3 et 5.3.3.4) ; le secret protège avant tout la relation entre le mandant et son mandataire et ne saurait être invoqué pour s’opposer systématiquement à la divulgation de documents au seul motif que ceux-ci se sont trouvés en main du défenseur, respectivement du notaire. Est laissée ouverte la question consistant à déterminer si l’art. 8 al. 6 LAAF inclut le secret professionnel du notaire et si celui-ci, comme celui qui protège l’activité de l’avocat, frappe de manière absolue une information, même détenue par un tiers (consid. 5.3.3.3 s.).

Das Gericht bezweifelt, dass Art. 8 Abs. 6 StAhiG (Vorbehalt des Anwaltsgeheimnisses) mit Art. 26 Abs. 3 Bst. c OECD-MA (Vorbehalt des Berufsgeheimnisses) übereinstimmt. Es stellt sich daher die Frage, ob es zwingend erforderlich ist, mit einem Vertragsstaat eine Art. 26 Abs. 3 lit. d) OECD-MC gleichwertige Bestimmung (Vorbehalt vertraulicher Mitteilungen zwischen einem Mandanten und einem Rechtsanwalt oder sonstigen bevollmächtigten Rechtsvertreter) zu vereinbaren, um sich auf Art. 8 Abs. 6 StAhiG berufen zu können, oder ob die letztgenannte Bestimmung als Umsetzung des Art. 26 Abs. 3 Bst. a oder b OECD-MA (entspricht Art. 28 Abs. 3 Bst. a und b DBA CH-FR) verstanden werden kann, wonach ein Vertragsstaat ablehnen kann, Verwaltungsmassnahmen durchzuführen, die von seinen Gesetzen und seiner Verwaltungspraxis abweichen oder Informationen zu erteilen, die nach seinen Gesetzen oder seinen üblichen Verwaltungsverfahren nicht beschafft werden können Die Frage wird offengelassen (Erwägungsgrund 5.3.3.3).

Nur die Kommunikation zwischen dem Rechtsanwalt oder dem bevollmächtigten Rechtsvertreter und seinem Mandanten ist absolut geschützt (E. 5.3.2.3 und 5.3.3.4); die Geheimhaltung schützt vor allem die Beziehung zwischen dem Auftraggeber und seinem Vertreter und kann nicht geltend gemacht werden, um sich systematisch der Offenlegung von Dokumenten allein mit der Begründung zu widersetzen, dass sie sich in den Händen des Rechtsanwalts bzw. des Notars befunden haben.Offen bleibt, ob Art. 8 Abs. 6 StAhiG das Berufsgeheimnis des Notars einschliesst und ob dieses ebenso wie das Anwaltsgeheimniss, der die Tätigkeit des Rechtsanwalts schützt, eine absolute Auswirkung auf Informationen hat, auch wenn diese im Besitz eines Dritten sind (E. 5.3.3.3 f.).

2.

Faits ^

A.

A.a En date du 20 décembre 2016, la Direction générale des finances publiques française (ci-après : DGFiP ou autorité requérante) a adressé à l’Administration fédérale des contributions (ci-après : AFC ou autorité inférieure ou autorité requise) une demande d’assistance administrative en matière fiscale, pour les impôts sur le revenu de 2013 et 2014 et pour l’impôt sur la fortune de 2010 à 2016, concernant A._______ et son épouse B._______, née C._______, lesquels étaient mentionnés tant comme personnes concernées en France avec une adresse à Z._______ que comme personnes susceptibles de détenir des renseignements en Suisse, avec une adresse dans le canton de Vaud (cf. pce 1 AFC).

A.b A l’appui de sa demande, la DGFiP indiquait procéder au contrôle fiscal du couple AB._______, résidents français, A._______ faisant par ailleurs l’objet d’une enquête judiciaire. Selon les informations obtenues lors de ce contrôle, le couple AB._______ a acquis en Suisse, en date du (....) et pour un montant de xxx , un bien immobilier, en état futur d’achèvement, situé à Y._______. L’acte de cession a été instrumenté en l’Etude de Me D._______, notaire à X._______. La DGFiP s`interrogeait sur l’origine des fonds ayant permis l`acquisition de ce bien et soupçonnait les époux AB._______ d’avoir disposé de revenus non déclarés au fisc au titre des années 2013 et 2014. Les époux AB._______ n’ayant pas répondu aux convocations de l’autorité fiscale française, les renseignements sollicités étaient nécessaires à l’établissement du montant des impôts éludés. La DGFiP cherchait à savoir et à obtenir les documents suivants :

« a) M. et Mme AB._______ sont-ils connus de l’administration fiscale Suisse ? Dans l’affirmative, veuillez fournir le détail des revenus déclarés à l’administration fiscale suisse ainsi que le montant d’impôt dû et le montant d’impôt payé sur ces revenus.
b) Veuillez communiquer une copie de l’acte du (...) concernant le bien immobilier mentionné ci-dessus.
c) Veuillez communiquer une copie de l’extrait de compte client détenu par Maître D._______ concernant M. A._______, relatif à la transaction mentionnée ci-dessus. Veuillez également mentionner les modalités de versement du prix de cette transaction.
d) Veuillez indiquer le détail et la nature des biens mobiliers et immobiliers détenus par M. et Mme AB._______, directement ou indirectement, quelles que soient les structures interposées. »

B.

B.a Par ordonnance du 11 janvier 2017 résumant la substance de la demande d’assistance, l’AFC a requis de l’Administration fiscale cantonale vaudoise la production des renseignements sollicités en précisant que « les personnes concernées ne doivent pas être informées de la présente procédure ». Il ressort des informations communiquées le 20 suivant par l’Administration fiscale cantonale vaudoise que A._______ et B._______ étaient connus des autorités fiscales suisses. Ils avaient annoncé leur arrivée de France en date du (...) et n’avaient pas encore été taxés au titre de l’impôt sur le revenu pour la période fiscale 2016. L’Administration fiscale cantonale vaudoise a indiqué ne pas avoir connaissance d’autres biens mobiliers et/ou immobiliers détenus par le couple. Elle a transmis une copie de l’acte du (...) intitulé « vente à terme conditionnelle et cession de servitudes » ainsi qu’une copie de l’acte d’exécution de vente du (...).

B.b L’AFC, par ordonnance du 11 janvier 2017, a également demandé à Me D._______, notaire, la production de l’acte du (...) ainsi qu’une copie de l’extrait de compte client concernant A._______, relatif à cette transaction, et les modalités du versement du prix, en l’invitant à prévenir ses clients de l’existence de la présente procédure. Par pli du 18 janvier 2017, Me D._______, agissant par son avocat, a opposé le secret professionnel du notaire, concluant « au retrait pur et simple » de l’ordonnance précitée.

B.c Par ordonnance du 26 janvier 2017, l’AFC a également demandé la production de l’acte du (...) au Registre foncier d’Aigle et de la Riviera, lequel s’est exécuté le lendemain.

C.

C.a N’étant pas parvenu à contacter A._______ et B._______ à leur adresse en Suisse, l’AFC, par deux plis séparés du 25 octobre 2017, les a informés, à leur adresse en France, de l’ouverture de la présente procédure en leur impartissant un délai pour désigner un représentant en Suisse, les avisant qu’à défaut, la procédure serait poursuivie par la publication d’une décision finale dans la Feuille fédérale.

C.b Par courrier du 10 novembre 2017, A._______ et B._______, agissant par le truchement du même avocat qui avait représenté leur notaire, ont demandé un accès au dossier de la cause.

C.c Par pli du 25 janvier 2018, l’AFC a communiqué à l’avocat désigné par le couple AB._______ l’intégralité du dossier tout en lui notifiant la teneur des informations qu’elle envisageait de transmettre à l’autorité fiscale française, lui impartissant un délai pour déposer ses observations.

C.d Le 2 février 2018, A._______ et B._______ se sont opposés, par leur avocat, à la transmission des renseignements recueillis. En substance, ils estimaient que la procédure souffrait d’un vice de forme dans la mesure où l’AFC avait commandé à l’Administration fiscale cantonale vaudoise de ne pas les informer de la procédure alors que l’Etat requérant n’avait pas demandé le secret. Cette attitude les aurait empêchés de s’opposer à la production de l’acte de cession du (...) par l’Administration fiscale cantonale vaudoise. Ils étaient d’avis que l’obtention par des voies détournées de ce document portait atteinte au secret professionnel du notaire.

C.e Par décision du 1er juin 2018, l’AFC a dit vouloir accorder l’assistance fiscale à l’autorité requérante et transmettre les informations demandées en répondant comme suit aux questions posées (cf. infra consid. Ab) :

a) Selon les informations fournies par l’Administration cantonale des impôts du Canton de Vaud, Monsieur A._______ et Madame B._______ sont connus des autorités fiscales suisses. Durant la période concernée, ils n’étaient toutefois pas tenus de déclarer leurs revenus.
b) Veuillez trouver, ci-joint, une copie du contrat de vente à terme conditionnelle et de cession de servitudes du (...).
c) D’après l’acte du (...) (cf. annexe), le prix de vente de l’immeuble a été fixé à xxx CHF. Les modalités de paiement sont les suivantes:
« a) Par le virement, ce jour, à titre d’acompte, d’un montant de xxx (fr. xxx) correspondant au 20 % du prix de vente, par un virement sur le compte de l’Association des notaires vaudois, rubrique D._______, en faveur du vendeur. Quittance définitive en est ici donnée.
[ ... ]
b) Le versement de xxx (fr. xxx) dès l’accord définitif et exécutoire de la commission foncière II, étant précisé que ce montant sera déconsigné en faveur du compte de construction du vendeur après remise d’une garantie bancaire de restitution de la somme jusqu’à l’exécution du présent acte.
c) Par le règlement du solde du prix de vente, représentant xxx (fr. xxx.–) par un virement sur le compte de l’Association des notaires vaudois, rubrique D._______, en faveur du vendeur, le jour de la réception de l’ouvrage. »
Les informations relatives au compte client concernant Monsieur A._______, détenu par Maître D._______, notaire, sont couvertes par le secret professionnel (art. 321 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP; RS 31.1.0]), dont ce dernier se prévaut.
d) Selon les informations fournies par l’Administration cantonale des impôts du Canton de Vaud, Monsieur A._______ et·Madame B._______ ne disposent d’aucun autre bien mobilier ou immobilier.

L’AFC a rejeté les arguments allégués par le couple AB._______, considérant en substance que le secret professionnel se rapporte à la personne qui détient l’acte et non à l’acte en soi.

D.

D.a Par acte du 29 juin 2018, A._______ et B._______ interjettent recours par devant le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal ou le TAF) à l’encontre de cette décision dont ils demandent principalement l’annulation pour vice de forme. A l’appui de leurs conclusions, ils soutiennent, en les développant, les mêmes griefs que dans leur opposition devant l’autorité inférieure, se prévalant d’une part, d’une violation de leur droit d’être entendu au motif qu’ils n’ont pas été informés de l’ordonnance de production adressée à l’Administration fiscale cantonale vaudoise et, d’autre part, d’un comportement contradictoire de l’autorité inférieure qui aurait reconnu que les pièces sollicitées étaient protégées par le secret professionnel tout en cherchant à les obtenir par une autre source.

D.b Par réponse du 16 août 2018, l’autorité inférieure réfute les reproches des recourants, relevant qu’ils ont reçu l’intégralité des pièces du dossier sur lesquelles ils ont pu se déterminer avant le prononcé de la décision litigieuse. Pour le surplus, elle rappelle que le secret de professionnel est lié à une fonction et non à un document.

[Les parties maintiennent leurs positions respectives dans leurs écritures ultérieures.]

3.

Extrait des considérants ^

[…]

4.6

4.6.1 Les renseignements demandés doivent être compatibles avec les règles de procédure applicables dans l’Etat requérant et dans l’Etat requis. Ainsi un Etat contractant n’est pas tenu (a) de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celles de l’autre Etat contractant; (b) de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de l’autre Etat contractant et (c) de fournir des renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial ou des renseignements dont la communication serait contraire à l’ordre public (cf. art. 28 par. 3 CDI CH-FR ; ég. art. 8 al. 1 LAAF).

4.6.2 L’Etat requis doit utiliser les pouvoirs dont il dispose pour obtenir les renseignements demandés, même s’il n’en a pas besoin à ses propres fins fiscales (cf. art. 28 par. 4 CDI CH-FR).

Cela étant un Etat contractant ne peut refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci sont détenus par une banque – les règles sur le secret bancaire (art. 47 de la loi fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques [LB, RS 952.0]) n’ont donc pas à être respectées (cf. ATF 142 II 161 consid. 4.5.2) -, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu’agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété d’une personne (cf. art. 28 par. 5 CDI CH-FR et art. 8 al. 2 LAAF).

4.6.3 En vertu de l’art. 8 al. 6 LAAF, les avocats qui sont autorisés à pratiquer la représentation en justice aux termes de la loi du 23 juin 2000 sur les avocats (LLCA, RS 935.61) peuvent refuser de remettre des documents et des informations qui sont couverts par le secret professionnel. Les documents que l’avocat possède à un autre titre sont soumis à l’obligation de transmission. Cette protection du secret professionnel des avocats correspond à l’art. 28 par. 3 let. c CDI-FR précité (soit à l’art. 26 par. 3 let. c du modèle OCDE, cf. Message du Conseil fédéral du 6 juillet 2011 concernant l’adoption d’une LAAF [MCF LAAF], FF 2011 5771, 5787 ; arrêt du TAF A-6035/2018 du 26 février 2020 consid. 3.9.2).

4.6.4 Pour obtenir les renseignements, l’AFC s’adresse aux personnes et autorités citées aux art. 9 à 12, dont elle peut admettre qu’elles détiennent ces renseignements (cf. art. 8 al. 3 LAAF).

L’art. 9 al. 1 LAAF autorise l’AFC à requérir de la personne concernée (soit celle visée par la demande, cf. art. 3 let. a LAAF) assujettie à l’impôt en Suisse de manière limitée ou illimitée les renseignements vraisemblablement pertinents pour pouvoir répondre à la demande d’assistance. La personne concernée est informée du contenu de la demande dans la mesure où cela est nécessaire à l’obtention de renseignements (art. 9 al. 3 LAAF).

L’art. 10 LAAF contraint le détenteur de renseignements à remettre tous les renseignements pertinents en sa possession ou sous son contrôle. L’AFC l’informe du contenu de la demande dans la mesure où cela est nécessaire à l’obtention de renseignements. Le détenteur des renseignements est défini comme étant la personne qui détient en Suisse les renseignements demandés (art. 3 let. b LAAF).

L’art. 11 al. 1 LAAF permet à l’AFC d’obtenir de l’Administration fiscale cantonale des renseignements vraisemblablement pertinents pour pouvoir répondre à la demande d’assistance. Cette assistance mutuelle est réglée par l’art. 111 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’impôt fédéral direct (LIFD, RS 642.11; cf. MCF LAAF, FF 2011 5771, 5791 ; cf. ATF 142 II 69 consid. 4, arrêt du TF 2C_904/2015 du 8 décembre 2016 consid. 7.1). L’AFC communique à l’Administration fiscale cantonale l’intégralité de la demande et lui fixe un délai pour la remise des renseignements (cf. art. 11 al. 2 LAAF).

L’art. 12 al. 1 LAAF lui permet en outre de requérir les renseignements en main d’autres autorités suisses, fédérales, cantonales ou communales. Dans ce cas, l’AFC informe les autorités requises des éléments essentiels de la demande en leur donnant un délai pour la production des renseignements (cf. art. 12 al. 2 LAAF).

L’art. 13 al. 2 LAAF énumère enfin les mesures de contrainte que l’AFC peut mettre en œuvre aux fins de l’obtention des renseignements requis.

[…]

5.3 Les recourants soutiennent que l’AFC n’a pas respecté les règles de procédure en envisageant de transmettre des documents couverts par le secret professionnel des notaires. Il convient donc dans un premier temps de circonscrire le secret professionnel des notaires (cf. infra consid. 5.3.1), puis d’examiner l’art. 8 al. 6 LAAF qui réserve le secret professionnel des avocats et le contexte dans lequel cette disposition a été adoptée (infra consid. 5.3.2) ainsi que son application au secret professionnel des notaires (infra consid. 5.3.3) et au cas de l’espèce (infra consid. 5.3.4).

5.3.1 Le notaire exerce généralement deux formes d’activités: l’activité ministérielle et des activités accessoires. La première concerne l’instrumentation d’actes authentiques en vertu du monopole que lui confère l’Etat et est soumise à son contrôle. Les activités accessoires correspondent à celles pour lesquelles le notaire ne dispose pas du monopole et qui sont régies généralement par les règles du mandat (cf. Christophe Piguet, Les activités notariales et la législation sur le blanchiment in: François Bianchi [éd.], Mélanges de l’Association des Notaires Vaudois, 2005, p. 9 ; Michel Mooser, Le droit notarial en Suisse, 2e éd., Berne 2014, n° 8 ss). Dans le canton de Vaud, les activités ministérielles du notaire sont régies par la loi sur le notariat du 28 juin 2004 (LNo, RS-VD 178.11). Selon l’art. 42 al. 1 et 2 LNo, le notaire et ses auxiliaires, ainsi que les témoins et traducteurs intervenant à l’acte sont liés par le secret professionnel ; à ce titre, ils ne peuvent être obligés de révéler ce qu’une personne leur a confié en cette qualité, même si l’intéressé les délie de cette obligation. La loi vaudoise a adopté la conception latine qui fait du secret une obligation absolue dans la mesure où le notaire reste maître de la décision de collaborer ou non s’il est libéré du secret par les parties à l’acte (cf. Etienne Jeandin, La profession de notaire, 2017, p. 95). Elle correspond à celle reprise pour les avocats à l’art. 13 de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA, RS 935.61). Toutefois, le Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC, RS 272) a opté pour la tradition germanique pour les notaires en fixant à l’art. 166 al. 1 let. b CPC qu’ « A lexception des avocats et des ecclésiastiques, le tiers soumis à une obligation de dénoncer ou délié de lobligation de garder le secret a le devoir de collaborer, à moins quil ne rende vraisemblable que lintérêt à garder le secret lemporte sur lintérêt à la manifestation de la vérité ». Cela étant, le fondement de l’obligation du notaire de respecter le secret professionnel est l’art. 321 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP, RS 311.0) ou l’art. 320 CP pour les cantons où les notaires sont employés de l’Etat, ce qui n’est pas le cas du canton de Vaud (cf. art. 1 al. 3 LNo). L’art 321 CP couvre toutes les activités professionnelles typiques du notaire, qu’elles soient ministérielles ou accessoires (cf. Mooser, op. cit., p. 164, n° 246), mais ne s’étend pas à une activité commerciale sortant de ce cadre (cf. ATF 132 II 103 consid. 2.1).

5.3.2

5.3.2.1 Dans le domaine de l’assistance internationale en matière fiscale, l’art. 8 al. 6 LAAF (cf. supra consid. 4.6.3) s’oppose à la transmission d’informations uniquement dans le cas où la personne concernée ou le détenteur d’informations – appelé par l’AFC à fournir les informations vraisemblablement nécessaires pour répondre à la demande d’assistance administrative conformément à l’art. 9 LAAF, respectivement conformément à l’art. 10 LAAF – qui l’invoque est un avocat au sens de la LLCA.

5.3.2.2 La LAAF, entrée en vigueur le 1er février 2013, a été adoptée par le Parlement le 28 septembre 2012 (RO 2013 231).

Le même jour, le Parlement a adopté la Loi fédérale sur l’adaptation des dispositions de procédure relatives au secret professionnel des avocats (RO 2013 847). Cette dernière loi avait pour but d’harmoniser les dispositions de procédure figurant dans les différentes lois fédérales de sorte que la portée du secret professionnel des avocats (protection des documents des avocats) y soit circonscrite de la même manière que dans le CPC et le Code de procédure pénale du 5 octobre 2007 (CPP, RS 312.0), entrés tous les deux en vigueur le 1er janvier 2011. Cela étant, comme même ces deux codes employaient une terminologie différente, le projet de loi visait aussi à faire converger l’art. 160 al. 1 let. b CPC et l’art. 264 al. 1 CPP (cf. Message du Conseil fédéral du 26 octobre 2011 concernant la loi fédérale sur l’adaptation des dispositions de procédure relatives au secret professionnel des avocats [MCF secret de l’avocat], FF 2011 7509, 7511). L’adoption de cette loi a conduit à l’introduction de l’art. 13 al. 1bis PA qui dispose que l’obligation de collaborer ne s’étend pas à la remise d’objets et de documents concernant des contacts entre une partie et son avocat, si celui-ci est autorisé à pratiquer la représentation en justice en vertu de la LLCA.

5.3.2.3 Pour que l’exception à l’obligation de collaboration de l’art. 13 al. 1bis PA s’applique, il faut que l’avocat soit inscrit à un registre cantonal (cf. art. 6 LLCA) ou au tableau public des avocats membres de l’UE et de l’AELE (cf. art. 28 LLCA) et que l’objet ou le document concerné se rapporte à l’activité typique de l’avocat (cf. Auer/Binder, in : Auer/Müller/ Schindler [éd.], VwVG – Kommentar zum Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren, 2e éd., 2019, n° 32 et 33 ad art. 13 PA ; sur l’activité typique de l’avocat, cf. ATF 135 III 410 consid. 3.3). La notion de secret couvre les objets et documents concernant des contacts entre une personne et un avocat inscrit au sens de la LLCA. Seuls sont protégés les objets et documents établis par l’avocat lui-même (ou ses auxiliaires), son client ou un tiers dans le cadre d’un mandat professionnel de représentation. Les documents comprennent non seulement la correspondance au sens classique (lettres et courriers électroniques), mais aussi les notes prises par l’avocat, les expertises juridiques faites avant une procédure, les procès-verbaux d’entretien, les documents stratégiques, les projets de contrat ou d’arrangement, etc. En revanche, il n’importe pas que les documents se trouvent dans le cabinet de l’avocat ou bien en possession de son client ou d’un tiers (cf. MCF secret de l’avocat, FF 2011 7512, et les nombreuses références citées ; Auer/Binder, op. cit., n° 34 ad. art 13 PA ; à noter que cette question n’a été examinée que de manière partielle dans l’arrêt du TAF A-6035/2018 du 26 février 2020 consid. 4.4.2).

Ce dernier point a été clairement exprimé par le législateur lors des délibérations au sujet de l’art. 160 al. 1 let. b CPC (cf. Bulletin officiel de l’Assemblée fédérale [BO] 2007 E 514) et de l’art. 264 al. 1 let. a et c CPP (cf. BO 2006 E 1031s, BO 2007 N 990, BO 2007 E 721), les deux dispositions sur lesquelles s’appuie la loi fédérale sur l’adaptation des dispositions de procédure relatives au secret professionnel des avocats qui a introduit le nouvel art. 13 al. 1bis PA. La jurisprudence du Tribunal fédéral antérieure à l’entrée en vigueur de ces deux codes de procédure fédéraux reflétait un autre avis en affirmant que le secret de l’avocat ne s’étendait pas aux documents que le client a en sa possession ou qu’il a remis à des tiers (cf. arrêts du TF 1B_101/2008 du 28 octobre 2008 consid. 4.4.1, 1P.133/2004 du 13 août 2004 consid. 3.2 et 4.2 ; ATF 117 Ia 341, consid. 6c, 114 III 105, consid. 3b).

5.3.2.4 Cette modification de l’art. 13 PA – qui traite de l’obligation des parties à collaborer à la constatation des faits en procédure administrative – est entrée en vigueur le 1er mai 2013, soit 3 mois après la LAAF. Selon une autrice, cette entrée en vigueur a rendu obsolète l’art. 8 al. 6 LAAF (cf. Dina Beti, La nouvelle loi sur l’assistance administrative internationale en matière fiscale – une vue d’ensemble, Archiv für schweizerisches Abgaberecht [ASA] 81 p. 181ss, 193). Une autre renvoie dans son commentaire de l’art. 8 al. 6 LAAF à l’art. 13 al. 1bis PA (cf. Charlotte Schoder, Praxiskommentar StAhiG, 2014, n° 95 ad art. 8 al. 6 LAAF).

5.3.2.5 Le secret dont il est question à l’art. 8 al. 6 LAAF devrait donc être interprété à l’aune des autres dispositions de procédure, harmonisées par la loi d’adaptation du 28 septembre 2012, en particulier de l’art. 13 al. 1bis PA, étant rappelé par ailleurs que la PA s’applique dans la procédure d’assistance à moins que la LAAF en dispose autrement (cf. supra consid. 1.2).

Toutefois l’art. 8 al. 6 LAAF – comme l’art. 13 al. 1bis PA – ne réserve que le secret professionnel de l’avocat. Un auteur estime qu’il s’agit d’une lacune involontaire de la loi et qu’il faut mettre sur le même plan le secret professionnel du notaire, comme le fait en matière fiscale l’art. 43 al. 2 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID, RS 642.14) et l’art. 127 al. 2 LIFD (cf. Jeandin, op. cit., p. 106).

5.3.3

5.3.3.1 Avant d’examiner la question de l’application de l’art. 8 al. 6 LAAF au secret professionnel des notaires, le Tribunal rappelle, s’agissant de la portée de cette disposition, qu’en matière d’assistance administrative internationale en matière fiscale, les CDI sont directement applicables. La LAAF a été conçue et voulue comme une loi d’exécution des CDI prévoyant un échange de renseignements en matière fiscale (cf. parmi d’autres ATF 143 II 224 consid. 6.1). A ce titre, elle tend donc avant tout à fixer la procédure à suivre pour mettre en oeuvre lesdites conventions (cf. ATF 143 II 136 consid. 4.1- 4.4). Les définitions matérielles que cette loi contient n’ont donc de portée que dans la mesure où elles viennent concrétiser les dispositions conventionnelles applicables dans le cas d’espèce. A cela s’ajoute que l’art. 8 al. 6 LAAF fait référence à la relation entre l’AFC et la personne concernée ou le détenteur d’informations. Dans un arrêt récent qui concernait une demande d’assistance néerlandaise, le TF a relevé que non seulement l’art. 8 al. 6 LAAF ne contient pas de définition du secret professionnel de l’avocat, mais qu’il n’est pas non plus possible d’en déduire l’étendue des obligations de droit international liant les deux Etats contractants à la CDI (cf. arrêt du TF 2C_616/2018 du 9 juillet 2019 consid. 6.2). Le TF a observé que l’art. 26 par. 3 let. c CDI CH-NL (qui correspond à l’art. 28 par. 3 let. c CDI CH-FR, tous les deux étant calqués sur l’art. 26 MC-OCDE), contrairement au let. a et b de cette disposition, ne fait pas référence à la disponibilité des informations dans les procédures internes, si bien qu’il n’est pas d’emblée clair que les secrets professionnels dont la divulgation pourrait être exigée dans certaines circonstances par les autorités fiscales suisses ou celles de l’Etat contractant, doivent toujours être communiquées au cocontractant. Puis, la Haute Cour a laissé ouverte la question de savoir si la protection du secret de l’avocat prévue à l’art. 26 par. 3 lit. c CDI CH-NL (qui correspond à l’art. 28 par. 3 let. c CDI CH-FR) s’étendait aux informations qui ne sont pas détenues par l’avocat mais par son client (cf. arrêt du TF 2C_616/2018 du 9 juillet 2019 consid. 6.3), alors qu’en droit suisse, c’est manifestement le cas (cf. supra consid. 5.3.2.3).

5.3.3.2 La Cour de céans constate donc que si l’art. 8 al. 6 LAAF n’a pas de portée autonome, il sied donc de se reporter à l’art. 28 par. 3 let. c CDI CH-FR, lequel ne limite pas les secrets professionnels opposables à ceux détenus par l’avocat (cf. supra consid. 4.6.1). Le commentaire MC OCDE (cf. supra consid. 4.1.2) précise qu’« Un État requis peut refuser de communiquer des renseignements relatifs aux communications confidentielles entre avocats ou autre représentants légaux agréés agissant dans l’exercice de leurs fonctions et leurs clients dans la mesure où ces communications sont préservées de toutes divulgation en vertu de son droit interne. Toutefois, le champ d’application de la protection dont bénéficient ces communications confidentielles doit être défini d’une manière étroite. [...] Les communications entre avocats ou autres représentants légaux agréés et leurs clients ne sont confidentielles que dans la mesure où ces représentants agissent en leur qualité d’avocats ou autres représentants légaux agréés et non à un autre titre [...] » (cf. OCDE, Modèle de convention fiscale commentaire [version complète, état 2017], n° 19.3 ad art. 26 p. 545).

Cela correspond à la conception du droit suisse qui n’accorde la protection du secret professionnel qu’en lien avec l’activité typique de l’avocat (cf. supra consid. 5.3.2.3) et du notaire (cf. supra consid. 5.3.1).

5.3.3.3 Le commentaire MC-OCDE poursuit en affirmant que « La question de savoir si des renseignements sont protégés en tant que communication confidentielle entre un avocat ou autre représentant légal autorisé et son client devrait être jugée uniquement dans l’État contractant sur la base du droit en vertu duquel la question est soulevée ». Il précise que

« Les États contractants désireux de se référer expressément à la protection accordée aux communications confidentielles entre un client et un avocat ou autre représentant légal agréé peuvent le faire en ajoutant le texte suivant à la fin du paragraphe 3 :
d) à obtenir ou fournir des renseignements qui divulgueraient des communications confidentielles entre un client et un avocat, ou autre représentant légal agréé, lorsque ces communications sont :
(i) produites dans le but de demander ou de fournir un avis juridique ou
(ii) produites afin d’être utilisées dans une action en justice en cours ou envisagée. » (OCDE, op. cit. n° 19.4 ad art. 26 p. 545).

Cette adjonction est inexistante dans la CDI CH-FR et ne figure pas non plus dans la CDI CH-NL précitée. On peut dès lors douter que l’art. 8 al. 6 LAAF corresponde effectivement – ainsi que l’a affirmé le Conseil fédéral dans son message (cf. supra consid. 4.6.3) – à l’art 26 par. 3 let. c MC-OCDE. La question se pose de savoir s’il est dès lors impératif de convenir d’une disposition équivalente à l’art. 26 par. 3 let. d MC-OCDE avec un Etat contractant afin de pouvoir opposer l’art. 8 al. 6 LAAF ou si cet article 8 al. 6 LAAF peut être compris comme la concrétisation de l’art. 26 par. 3 let. a ou b MC-OCDE (équivalent à l’art. 28 par. 3 let. a et b CDI CH-FR) qui permet de refuser de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale.

Elle peut souffrir de rester ouverte comme peut finalement l’être celle consistant à déterminer si l’art. 8 al. 6 LAAF inclut le secret professionnel du notaire et si celui-ci, comme celui qui protège l’activité de l’avocat, frappe de manière absolue une information, même détenue par un tiers.

5.3.3.4 En effet, en tout état de cause, ne sont protégées de manière absolue que les communications entre l’avocat ou le représentant légal agrée et son client (cf. supra consid. 5.3.3.2). Ce par quoi, il faut entendre, comme en droit suisse, la correspondance avec l’avocat, respectivement le notaire (cf. certes dans un sens large, cf. supra consid 5.3.2.3). En effet, le secret protège avant tout la relation entre le mandant et son mandataire et ne saurait être invoqué pour s’opposer systématiquement à la divulgation de documents au seul motif que ceux-ci se sont trouvés en main du défenseur, respectivement du notaire (cf. ATF 143 IV 462 consid. 2.3 ; arrêts du TF 1B_264/2018 du 26 septembre 2018 consid. 2.1, 1B_376/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.2 ainsi que 1B_158/2019 du 25 juillet 2019 par lequel le TF a admis la saisie par l’AFC, au domicile de la personne qui l’a rédigé, d’un testament identique à celui, olographe, déposé chez le notaire).

En l’espèce, le document litigieux est un acte de vente à terme conditionnelle et cession de servitude, produit non pas par le notaire, mais par l’Administration fiscale cantonale vaudoise et le registre foncier. Il devait impérativement accompagner, dans sa forme originale, la réquisition d’inscription audit registre, cette inscription ayant un effet constitutif pour l’acquisition de la propriété (cf. art. 656 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 [CC, RS 210] et art. 64 de l’ordonnance du 23 septembre 2011 sur le registre foncier [ORF, RS 211.432.1]). Ce document ne saurait dès lors bénéficier de la protection absolue, instaurée pour la seule correspondance, étant par ailleurs rappelé qu’en matière d’assistance, le champ d’application de la protection accordé par le secret ne doit pas être excessivement large car cela entraverait un échange effectif de renseignements (cf. OCDE, op. cit., n° 19.3 ad art. 26 p. 545).

Il s’en suit que les griefs des recourants à cet égard doivent également être rejetés.

[…]

(rejet du recours)