Arrêt du Tribunal fédéral 2C_764/2018 du 7 juin 2019

Vraisemblable pertinence. Information relative au mode d'imposition. Imposition d'après la dépense.

  • 7. Oktober 2019
  • Bearbeitet durch: Lysandre Papadopoulos
  • Beitragsart: Grundsatzurteil
  • Rechtsgebiete: Internationale Amtshilfe
  • Zitiervorschlag: Lysandre Papadopoulos, Arrêt du Tribunal fédéral 2C_764/2018 du 7 juin 2019, ASA online Grundsatzurteile
Arrêt du Tribunal fédéral 2C_764/2018 du 7 juin 2019 en la cause Administration fédérale des contributions contre A.A. et consorts.

Inhalt

  • 1. Regeste
  • 2. Faits (résumé)
  • 3. Extrait des considérants

1.

Regeste ^

La CDI CH-ES ne contient pas de disposition comparable à l’art. 4 par. 6 let. b CDI CH-FR. Le principe posé dans l’arrêt 2C_625/2018 du 1er février 2019 (= ATF 145 II 112, pertinence vraisemblable de l’information relative au mode d’imposition) ne peut donc pas être transposé au cas d’espèce (consid. 5.2).

L’indication selon laquelle un contribuable est imposé d’après la dépense peut s’avérer vraisemblablement pertinente (art. 25bis par. 1 CDI CH-ES) pour l’autorité requérante qui cherche à vérifier si celui-ci réside fiscalement en Suisse et s’il y exerce une activité professionnelle (consid. 6.1.2).

En revanche, on ne voit pas en quoi le montant de la dépense retenue par les autorités fiscales suisses au titre d’assiette imposable constituerait un renseignement vraisemblablement pertinent pour l’autorité requérante, cette information ne donnant aucune indication quant aux revenus réalisés par les intimés (consid. 6.1.2).

Das DBA CH-ES enthält keine Bestimmung, die Art. 4 Abs. 6 Bst. b DBA CH-FR entspricht. Das dem Urteil 2C_ 625/2018 vom 1. Februar 2019 (= BGE 145 II 112) zugrunde liegende Prinzip (voraussichtliche Erheblichkeit der Informationen in Bezug auf die Besteuerungsart) kann daher nicht auf den vorliegenden Fall übertragen werden (E. 5.2).

Der Hinweis, dass ein Steuerpflichtiger nach dem Aufwand besteuert wird, kann sich für die ersuchende Behörde, die verifizieren möchte, ob dieser steuerlich in der Schweiz ansässig ist und hier eine berufliche Tätigkeit ausübt, als voraussichtlich erheblich erweisen (Art. 25bis Abs. 1 DBA CH-ES; E. 6.1.2).

Hingegen ist nicht ersichtlich, inwiefern die Höhe des Aufwandes, der von den schweizerischen Steuerbehörden als Steuerbemessungsgrundlage berücksichtigt wird, eine voraussichtlich erhebliche Information für die ersuchende Behörde darstellt, da diese Information keinen Hinweis auf das vom Betroffenen erzielte Einkommen gibt (E. 6.1.2).

2.

Faits (résumé) ^

L’Agencia Tributaria espagnole (ci-après : l’autorité requérante) a adressé à l’Administration fédérale des contributions (ci-après : l’Administration fédérale) quatre demandes d’assistance administrative en date des 20 décembre 2015 pour les trois premières et du 5 avril 2016 pour la quatrième. Ces demandes, qui concernaient respectivement A.A.________, C.A.________, B.A.________ et D.E.________, se rapportaient à la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013. L’autorité requérante y exposait qu’il existait des risques sérieux que, durant cette période, ces personnes aient résidé non pas au Luxembourg ou en Suisse comme elles l’avaient déclaré, mais en Espagne, auquel cas elles devraient y être imposées sur l’ensemble de leurs revenus. Le but des demandes d’assistance consistait ainsi, en substance, à vérifier l’imposition de ces personnes en Espagne.

A cet effet, l’autorité requérante a demandé des renseignements sur des comptes bancaires ouverts en Suisse auprès de plusieurs établissements, dont les personnes visées par les demandes étaient soupçonnées d’être les titulaires ou au bénéfice de procurations. Elle a aussi posé des questions sur la situation fiscale, patrimoniale et professionnelle des intéressés en Suisse (exemple ici avec la demande visant C.A.________) :

Pour C.A.________:

1) C.A.________ est-il connu de vos autorités fiscales? Merci de nous fournir ses données d’identification et son numéro de contribuable, ainsi que les domiciles qu’il a déclarés à vos autorités fiscales. Ces domiciles étaient-ils loués ou des propriétés? Merci de nous fournir les contrats de location ou d’acquisition des logements. Merci de nous fournir également des détails sur les factures de services publics.

2) C.A.________ a-t-il été considéré comme un résident fiscal en Suisse durant la période de 2010 à 2013 et si oui sur quelles bases et à partir de quelle date? Quelles ont été les exigences formulées par les autorités fiscales pour qu’il obtienne ce statut fiscal et quels sont les documents qu’il a produits pour justifier sa résidence?

3) Quelles sont les obligations fiscales que C.A.________ a dû remplir après qu’il a été enregistré comme résident fiscal en Suisse en 1999? A-t-il dû remplir des déclarations d’impôt et, si oui, sur quelles bases et pour quelles périodes? Quelles sources et quels montants de revenus reçus et/ou quels gains en capital ces déclarations fiscales reflètent-elles; et quels montants d’impôts ont-ils été payés en conséquence?

4) Identification des biens immobiliers détenus en Suisse par C.A.________, et si certains d’entre eux ont été déclarés comme constituant son domicilie usuel.

5) Identification des véhicules, bateaux et avions, ainsi que des actifs financiers détenus par C.A.________ en Suisse.

6) Activité économique/professionnelle exercée par C.A.________ en Suisse, nature et description (...).

7) Si C.A.________ a travaillé comme employé, merci d’identifier les sociétés (...).

Les administrations fiscales cantonales et différents établissements bancaires mentionnés dans les demandes d’assistance ont transmis à l’Administration fédérale les renseignements requis de leur part.

Dans quatre décisions finales datées du 12 mai 2017, l’Administration fédérale a accordé l’assistance administrative à l’Espagne et transmis les renseignements bancaires requis. Concernant la situation fiscale des intéressés, l’Administration fédérale a notamment indiqué que ces personnes étaient considérées comme des résidents fiscaux en Suisse sur la base de leur domicile. S’agissant de C.A.________ et de B.A.________, elle a spécifié que ces deux personnes avaient été imposées d’après la dépense, fourni le montant des dépenses retenues comme bases d’imposition pour chaque période considérée et précisé qu’au vu de ce mode de taxation, elles n’étaient pas autorisées à exercer une activité lucrative en Suisse.

Ces décisions finales ont fait l’objet de recours auprès du Tribunal administratif fédéral, dans le but essentiel d’obtenir l’annulation des décisions finales du 12 mai 2017.

Le Tribunal administratif fédéral a, dans un arrêt du 20 août 2018, jugé que les quatre demandes remplissaient les conditions de l’assistance administrative. Il a toutefois considéré que les renseignements que l’Administration fédérale entendait communiquer au sujet du fait que B.A.________ et C.A.________ étaient assujettis à l’impôt d’après la dépense en Suisse, qui incluaient les montants de dépenses annuelles retenues comme bases d’imposition, ne devaient pas être transmis à l’autorité requérante, car ils n’étaient pas vraisemblablement pertinents. En conséquence, le Tribunal administratif fédéral a partiellement admis les recours.

Agissant par la voie du recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, l’Administration fédérale conclut essentiellement à l’annulation du dispositif de l’arrêt attaqué en ce sens que les recours du 14 juin 2017 sont intégralement rejetés; subsidiairement, à l’annulation de l’arrêt attaqué et au renvoi de la cause au Tribunal administratif fédéral pour nouvel examen dans le sens des considérants. Les intimés concluent à l’irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours.

3.

Extrait des considérants ^

[…]

5.2 Une demande d’assistance administrative internationale peut avoir pour but de clarifier la résidence fiscale d’une personne, et le fait que celle-ci soit assujettie à l’impôt de manière illimitée en Suisse ne fait pas d’emblée obstacle à une telle demande (cf. ATF 142 II 161 consid. 2.2.2 p. 170 s.; 218 consid. 3.7 p. 230 s.).

Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a récemment jugé que l’indication du mode d’imposition en Suisse de la personne visée par une demande d’assistance (imposition sur le revenu ou d’après la dépense) pouvait constituer un renseignement vraisemblablement pertinent. Ce principe a été posé dans le cadre de l’échange de renseignements avec la France, en lien avec l’art. 4 par. 6 let. b CDI CH-FR qui prévoit qu’une personne imposée d’après une dépense calculée sur la base de la valeur locative de la propriété n’est pas considérée comme résidente au sens de l’art. 4 CDI CH-FR (cf. arrêt 2C_625/2018 du 1er février 2019 [= ATF 145 II 112] consid. 2.2.3). Cette disposition exclut qu’une personne puisse être reconnue comme résidente d’un Etat contractant si elle y est imposable d’après la dépense. Comme elle opère un lien entre le mode d’imposition en Suisse et la reconnaissance de la résidence fiscale en Suisse, le Tribunal fédéral a jugé que l’information relative au mode d’imposition en Suisse constituait un renseignement vraisemblablement pertinent pour la France. Dans la présente affaire, comme déjà relevé (cf. supra consid. 1.3), la CDI CH-ES ne contient pas de disposition comparable à l’art. 4 par. 6 let. b CDI CH-FR. Le principe posé dans l’arrêt 2C_625/2018 ne peut donc pas être transposé au cas d’espèce.

[…]

6.

Comme l’a relevé à juste titre l’instance précédente, et contrairement à ce que soutiennent les intimés, en formulant les demandes d’assistance administrative litigieuses, l’autorité requérante cherche non seulement à déterminer la résidence fiscale des intimés, mais aussi à identifier leurs revenus, potentiellement imposables en Espagne (cf. arrêt attaqué [= arrêt du Tribunal administratif fédéral A-3407/2017, A-3414/2017, A-3415/2017, A-3416/2017 du 20 août 2018] consid. 3.6.1). C’est pour ces motifs que l’autorité requérante cherche à savoir sur quelles bases les intimés ont été considérés comme résidents fiscaux suisses, ainsi qu’à identifier leurs revenus. Dans cette optique, l’autorité requérante a en particulier demandé quelles sont les obligations fiscales que C.A.________ et B.A.________ ont dû remplir après avoir été enregistrés comme résidents fiscaux en Suisse, s’ils ont dû remplir des déclarations d’impôt et, si oui, sur quelles bases et pour quelles périodes, quelles sources et quels montants de revenus reçus et/ou quels gains en capital ces déclarations fiscales reflètent et quels montants d’impôts ont été payés en conséquence (cf. question n° 3 [supra]).

ll incombait partant à l’Administration fédérale de répondre à ces questions. En l’occurrence, elle a indiqué que les intimés avaient été imposés d’après leurs dépenses et non pas sur la base de leurs revenus et a fourni les montants de dépenses retenus comme bases d’imposition pour les périodes fiscales 2010 à 2013.

6.1 Il convient donc de se demander si ces informations constituent des renseignements vraisemblablement pertinents.

6.1.1 L’imposition d’après la dépense est régie, au plan de l’impôt fédéral direct, par l’art. 14 LIFD. Dans sa version en vigueur durant les périodes fiscales litigieuses (RO 1991 1189), cette disposition prévoit que les personnes physiques qui, pour la première fois ou après une absence d’au moins dix ans, prennent domicile ou séjournent en Suisse au regard du droit fiscal, sans y exercer d’activité lucrative, ont le droit, jusqu’à la fin de la période fiscale en cours, de payer un impôt calculé sur la dépense au lieu des impôts sur le revenu (al. 1). Lorsque ces personnes ne sont pas des ressortissants suisses, le droit de payer l’impôt calculé sur la dépense est accordé au-delà de cette limite (al. 2).

L’imposition d’après la dépense remplace l’impôt sur le revenu (cf. art. 14 al. 1 LIFD; « au lieu de » ). L’impôt ainsi calculé ne doit toutefois pas être inférieur aux impôts calculés sur une série de revenus bruts (calcul de contrôle), à savoir les revenus provenant de la fortune immobilière sise en Suisse, les revenus provenant des objets mobiliers se trouvant en Suisse, les revenus des capitaux mobiliers placés en Suisse, y compris les créances garanties par gage immobilier, les revenus provenant de droits d’auteur, de brevets et d’autres droits semblables exploités en Suisse, les retraites, rentes et pensions de source suisse et les revenus pour lesquels le contribuable requiert un dégrèvement d’impôts étrangers en application d’une convention de double imposition (cf. la liste figurant à l’art. 14 al. 3 LIFD). Le contribuable qui bénéfice de l’imposition d’après la dépense est tenu de déclarer les revenus qui entrent dans le calcul de contrôle (cf. Jean-Frédéric Maraia, in Commentaire romand de la LIFD, 2e éd. 2017, n° 76 ad art. 14 LIFD).

6.1.2 En l’espèce, en communiquant l’information selon laquelle les intimés ont été imposés d’après la dépense, l’Administration fédérale a répondu à une question pertinente de l’autorité requérante visant à savoir sur quelles bases les intimés ont été imposés en Suisse. En indiquant qu’ils ont été imposés sur la base de leurs dépenses, l’Administration fédérale indique en effet qu’ils n’ont pas été imposés sur leurs revenus, ce qui est une information pertinente pour l’autorité requérante, qui cherche à vérifier si les intimés résidaient fiscalement en Suisse et s’ils y avaient une activité professionnelle. Contrairement à ce qu’affirment les intimés, il ne s’agit pas là d’une information fournie spontanément, mais en réponse à une question de l’autorité requérante.

S’agissant du contenu des déclarations d’impôt, l’autorité requérante a aussi demandé quelles sources et quels montants de revenus reçus et/ou quels gains en capital ces déclarations fiscales « reflètent » . A cet égard, il faut relever que l’Administration fédérale a adopté une interprétation restrictive de cette question, puisqu’elle n’a pas indiqué si et, si oui, quels revenus bruts les intimés ont dû reporter dans leurs déclarations fiscales en exécution de leurs obligations de contribuables imposés d’après la dépense (déclaration de certains revenus bruts aux fins du calcul de contrôle), mais s’est limitée à mentionner le montant de la dépense.

Par ailleurs, le renseignement selon lequel B.A.________ ne peut pas exercer une activité lucrative en Suisse du fait qu’il est imposé d’après la dépense est aussi une information vraisemblablement pertinente, dans la mesure où elle indique que le contribuable n’a pas réalisé de revenu provenant d’une activité lucrative en Suisse. L’instance précédente n’a du reste pas supprimé cette information de la décision de l’Administration fédérale concernant C.A.________.

En revanche, on ne voit pas en quoi le montant de la dépense retenue par les autorités fiscales suisses au titre d’assiette imposable constituerait un renseignement vraisemblablement pertinent pour l’autorité requérante, cette information ne donnant aucune indication quant aux revenus réalisés par les intimés. C’est donc à juste titre que l’instance précédente a supprimé ces informations des renseignements à transmettre.

6.2. Il découle de ce qui précède que le Tribunal administratif fédéral a violé l’art. 25bis par. 1 CDI CH-ES et l’art. 17 al. 2 LAAF en modifiant les décisions finales du 12 mai 2017 concernant B.A.________ et C.A.________, sauf en tant qu’il a supprimé, dans ces mêmes décisions, les montants de dépenses retenues pour les périodes fiscales considérées, qui ne constituent pas des renseignements vraisemblablement pertinents.

[…]

(Admission partielle du recours).