Arrêt du Tribunal fédéral 2C_594/2015 du 1er mars 2016

Etendue du devoir de collaborer

  • 27. April 2016
  • Bearbeitet durch: Susanne Raas
  • Beitragsart: Grundsatzurteil
  • Rechtsgebiete: Internationale Amtshilfe
  • Zitiervorschlag: Susanne Raas, Arrêt du Tribunal fédéral 2C_594/2015 du 1er mars 2016, ASA online Grundsatzurteile
Arrêt du Tribunal fédéral 2C_594/2015 du 1er mars 2016 en la cause de Administration fédérale des contributions contre A. Sàrl et B. Question juridique de principe. Publication aux ATF prévue.

Contenu

  • Regeste
  • Faits (résumé)
  • Extrait des considérants

Regeste ^

Savoir si une société doit être qualifiée de personne concernée ou de simple détenteur dinformations constitue bien une question de droit (consid. 3.1).
Des renseignements qui ont trait aux activités d
une société, au nombre de ses employés et à ses locaux répondent au critère de la pertinence vraisemblable, du moins lorsque lautorité requérante souhaite déterminer si la société en question dispose ou non dune existence réelle (consid. 3.2 et 5.4).
Pour savoir quelle est l
étendue du devoir de collaborer dun contribuable lorsquest en jeu limposition dun autre contribuable, il faut déterminer si les renseignements qui lui sont demandés sont susceptibles ou non daffecter sa propre taxation (consid. 5.3 et 5.4).

Die Frage, ob eine Gesellschaft als betroffene Person oder einfache Informationsinhaberin zu betrachten ist, ist eine Rechtsfrage (E. 3.1).
Informationen über die Tätigkeiten einer Gesellschaft, die Zahl ihrer Angestellten und ihre Räumlichkeiten sind dann voraussichtlich erheblich, wenn die ersuchende Behörde feststellen möchte, ob die Gesellschaft tatsächlich Bestand hat (E. 3.2 und 5.4).
Um zu wissen, welches das Ausmass der Mitwirkungspflicht eines Steuerpflichtigen ist, wenn es um die Besteuerung eines anderen Steuerpflichtigen geht, ist zu bestimmen, ob die von ihm verlangten Informationen seine eigene Besteuerung beeinflussen können (E. 5.3 und 5.4).

Sapere se una società deve essere qualificata di persona interessata o di semplice detentore delle informazioni costituisce una questione di diritto (consid. 3.1).
Le informazioni che concernono le attività di una società, il numero di impiegati e i suoi locali, soddisfano il criterio di verosimilmente rilevante, qualora l
autorità richiedente desideri perlomeno determinare se la società in questione dispone o meno di unesistenza reale (considd. 3.2 e 5.4).
Per sapere qual è l
ampiezza del dovere di collaborazione di un contribuente, allorquando è in gioco limposizione di un altro contribuente, bisogna stabilire se le informazioni a lui richieste sono suscettibili o meno di influire la sua propria tassazione (considd. 5.3 e 5.4).

Faits (résumé) ^

Le 14 mars 2012, les autorités fiscales françaises ont adressé à l’Administration fédérale des contributions (ci-après : l’Administration fédérale) une demande d’assistance administrative en matière fiscale au sujet de B. en vue d’obtenir des informations sur la société genevoise A. Sàrl (ci-après : la Société), dont il serait l’unique actionnaire.
L’Administration fédérale a obtenu certaines des informations requises de l’Administration fiscale du canton de Genève (ci-après : l’Administration cantonale) et d’autres de la Société. Le 18 septembre 2014, elle a décidé de les transmettre aux autorités françaises.
La Société a recouru contre la décision du 18 septembre 2014 de l’Administration fédérale auprès du Tribunal administratif fédéral. Elle ne s’opposait pas à l’octroi de l’assistance administrative sur le principe, mais concluait à ce que seules les informations concernant son assujettissement en Suisse et le fait qu’elle n’avait procédé à aucun versement en faveur de B. en 2010 soient communiquées aux autorités françaises, accompagnées d’un extrait du registre du commerce.
Dans un arrêt du 17 juin 2015, le Tribunal administratif fédéral a entre autre examiné si la transmission des renseignements vraisemblablement pertinents à la France respectait les règles et limites du droit interne suisse. Il a conclu que tel était le cas des informations obtenues de l’Administration cantonale ; s’agissant en revanche des renseignements détenus par la Société elle-même, il a jugé que celle-ci n’était tenue de ne communiquer que les informations relatives aux prestations qu’elle avait effectuées en faveur de B. – ce à quoi l’intéressée ne s’opposait du reste pas –, mais que celles qui concernaient sa propre situation (à savoir son activité, le nombre de ses employés et ses locaux) ne pouvaient pas être exigées d’elle en vertu du droit interne et qu’elles ne devaient de ce fait pas être transmises.
Le Tribunal administratif fédéral a en conséquence partiellement admis le recours.
L’Administration fédérale interjette un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral.
Le recours est admis.

Extrait des considérants ^

2.
2.1 Selon l’art. 28 par. 1 1ère phrase CDI CH-F (Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscale en vigueur depuis le 26 juillet 1967 [RS 0.672.934.91]), les autorités compétentes des Etats contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou pour l’administration ou l’application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des Etats contractants, de leurs subdivisions politiques ou de leurs collectivités locales dans la mesure où l’imposition qu’elle prévoit n’est pas contraire à la Convention.
L’art. 28 par. 3 CDI CH-F prévoit que les dispositions du par. 1

« ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un Etat contractant lobligation :

a) (...)

b) de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de lautre Etat contractant ;

c) (...) »

Selon le Commentaire officiel du MC OCDE [Modèle OCDE convention fiscale concernant le revenu et la fortune], sont considérés comme renseignements pouvant être obtenus selon le droit et la pratique internes ceux dont disposent les autorités fiscales ou que celles-ci peuvent obtenir par application de la procédure normale d’établissement de l’impôt (Commentaire OCDE, version au 17 juillet 2012, n° 16 ad art. 26 MC OCDE). L’idée qui sous-tend cette réserve en faveur du droit interne en la matière est que l’on ne saurait exiger de l’Etat requis qu’il soit tenu de transmettre des informations qu’il ne pourrait pas obtenir en vertu de sa législation ou de sa pratique internes (Xavier Oberson, in Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le revenu et la fortune, Commentaire, 2014, n° 115 ad art. 26 MC OCDE).
2.2. […]
3.
3.1 […] Il convient d’ajouter que le point de savoir si une société doit être qualifiée de personne concernée ou de simple détenteur d’informations constitue bien une question de droit et non pas, comme le soutient la Société dans sa réponse au recours, un élément qui relève de l’établissement des faits.
3.2 En l’espèce, il ressort de l’arrêt attaqué que B. est, selon les indications fournies par l’Etat requérant, l’unique actionnaire de la Société, qu’il a fondée et à qui il a cédé la propriété de marques. La Société, dominée par B., représente donc, contrairement à ce qu’elle soutient, indubitablement une « personne concernée » par la demande d’assistance qui vise ce contribuable. Elle est partant tenue, en vertu de la CDI CH-F et sous réserve de l’art. 28 par. 3 de ladite Convention, de transmettre tous les renseignements requis qui sont en sa possession, dans la mesure où ils remplissent le critère de pertinence vraisemblable. A cet égard, le caractère vraisemblablement pertinent de l’ensemble des renseignements qui lui ont été demandés, y compris ceux qui ont trait à ses activités, au nombre de ses employés et à ses locaux, est rempli, comme l’ont reconnu les juges précédents, car ils sont propres à déterminer si la Société dispose ou non d’une existence réelle ([…]).
Reste donc à déterminer si la transmission de ces informations est compatible avec la réserve du droit interne prévue à l’art. 28 par. 3 CDI CH-F, ce qu’a refusé d’admettre le Tribunal administratif fédéral en application de l’art. 127 LIFD et ce que conteste la recourante, qui se prévaut de l’art. 126 LIFD.
4.
[L’art. 28 par. 3 CDI CH-F renvoie à la LIFD.]
5.
La LIFD opère une distinction entre, d’une part, le devoir de collaboration du contribuable (cf. art. 123 à 126 LIFD) et, d’autre part, les obligations de collaboration qui incombent à certains tiers (art. 127 LIFD : « attestations de tiers » ; art. 128 LIFD : « renseignements de tiers » ; art. 129 LIFD : « informations de tiers »).
5.1.–5.2. […]
5.3. Il découle de ce qui précède que pour savoir quelle est l’étendue du devoir de collaboration d’un contribuable lorsqu’est en jeu l’imposition d’un autre contribuable, il faut déterminer si les renseignements demandés sont susceptibles ou non d’affecter sa propre taxation. Dans l’affirmative, c’est l’art. 126 LIFD qui s’applique ; dans la négative, le devoir de collaboration est régi par les art. 127 à 129 LIFD.
5.4. En l’espèce, selon les constatations des juges précédents, les autorités fiscales françaises soupçonnent B., contribuable et résident français, de n’avoir constitué la Société que pour des raisons fiscales (à savoir transférer des revenus de redevances en Suisse, de sorte qu’ils échappent à la souveraineté fiscale française), la Société n’ayant pas d’existence réelle ([…]). Le Tribunal administratif fédéral a relevé que la France souhaitait obtenir les renseignements demandés pour vérifier la réalité de la structure mise en place et, le cas échéant, en faire abstraction si celle-ci devait s’avérer artificielle. Comme exposé ci-dessus, il en a déduit, à juste titre, que les renseignements demandés remplissaient l’exigence de pertinence vraisemblable, la Société apparaissant comme une personne concernée par la demande. En revanche, c’est à tort que les juges précédents ont conclu que, sous l’angle du droit interne suisse, l’obligation de collaboration de la Société était régie par les art. 127 à 129 LIFD. Au contraire, sous l’angle du droit interne suisse, les renseignements demandés à la Société, qui concernent son activité, le nombre de ses employés et ses locaux, constituent des indices propres à déterminer si sa création procède ou non de la mise en place d’une structure artificielle, dénuée de substance et constituée à des seules fins fiscales, soit d’un cas de Durchgriff. Or, comme rappelé ci-dessus, si cette construction devait être retenue, la propre taxation de la Société en serait également affectée, en tant que les revenus qui lui ont été attribués artificiellement le seraient désormais directement à son actionnaire. En vertu du droit interne, celle-ci serait donc tenue de communiquer ces informations en vertu de l’art. 126 LIFD.