Arrêt du Tribunal fédéral 2C_1174/2014 du 24 septembre 2015

Pertinence vraisemblable. Conflit de résidences. Transmission de données bancaires.

  • 27. April 2016
  • Bearbeitet durch: Susanne Raas
  • Beitragsart: Grundsatzurteil
  • Rechtsgebiete: Internationale Amtshilfe
  • Zitiervorschlag: Susanne Raas, Arrêt du Tribunal fédéral 2C_1174/2014 du 24 septembre 2015, ASA online Grundsatzurteile
Arrêt du Tribunal fédéral 2C_1174/2014 du 24 septembre 2015 en la cause de Administration fédérale des contributions contre A.X. et B.X. Questions juridiques de principe. Publication aux ATF prévue.

Contenu

  • Regeste
  • Faits (résumé)
  • Extrait des considérants

Regeste ^

Selon le Commentaire du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE concernant le revenu et la fortune, la notion de « pertinence vraisemblable », telle qu’on la trouve dans les conventions de double imposition, a pour but d’assurer un échange de renseignements en matière fiscale qui soit le plus large possible, sans qu’il soit pour autant loisible aux Etats contractants d’aller à la pêche aux renseignements ou de demander des renseignements dont il est peu probable qu’ils soient pertinents pour élucider les affaires fiscales d’un contribuable donné. La condition de la pertinence vraisemblable est réputée réalisée si, au moment où la demande est formulée, il existe une possibilité raisonnable que les renseignements demandés se révèlent pertinents (consid. 2.1.1). C’est le contenu de la demande qui permettra à l’Etat requis d’évaluer la condition de la pertinence vraisemblable (consid. 2.1.4).
Le principe de la bonne foi implique qu’un Etat est toujours présumé agir de bonne foi (consid. 2.1.3 et 2.4).
L’Etat requérant doit pouvoir former une demande d’assistance administrative même en cas de conflit de résidences (assujettissement illimité en Suisse). Si l’Etat requérant fait valoir un critère d’assujettissement illimité à l’impôt que l’on retrouve dans la Convention, l’imposition qui en découle dans cet Etat ne sera pas en soi contraire à la Convention, même si la Suisse considère la personne visée comme étant aussi l’un de ses contribuables (consid. 2.2.2 et 2.4).
L’art. 28 par. 5, 2e phrase,
CDI-F est directement applicable. Cela implique non seulement que le secret bancaire ne peut plus être invoqué par une banque suisse, mais également que l’AFC dispose des pouvoirs de procédure nécessaires pour obtenir les renseignements vraisemblablement pertinents requis (consid. 4.5.2). Le caractère directement applicable de l’art. 28 par. 5, 2e phrase, CDI-F concerne aussi les tiers. Lorsque les renseignements demandés portent non seulement sur des personnes concernées au sens de l’art. 4 al. 3 LAAF, mais aussi sur des tiers non impliqués, il appartient à l’autorité saisie de procéder à une pesée des intérêts. L’art. 4 al. 3 LAAF ne saurait être compris comme imposant à l’autorité suisse de supprimer les indications qui concernent des tiers non concernés lorsque leur suppression rendrait vide de sens la demande d’assistance administrative (consid. 4.6.1).

Gemäss dem Kommentar zum OECD-Musterabkommen zur Vermeidung der Doppelbesteuerung von Einkommen und Vermögen dient der Begriff «voraussichtlich erheblich», der in den Doppelbesteuerungsabkommen verwendet wird, dem Ziel, einen möglichst breiten Informationsaustausch in Steuersachen zu gewährleisten, ohne dass die Vertragsstaaten «fishing expeditions» durchführen oder Informationen verlangen können, deren Erheblichkeit für die Aufklärung der Steuerangelegenheiten bestimmter Steuerpflichtiger wenig wahrscheinlich ist. Voraussichtliche Erheblichkeit wird dann angenommen, wenn im Zeitpunkt, in dem das Ersuchen gestellt wird, vernünftigerweise angenommen werden kann, dass sich die Informationen, um die ersucht wird, als erheblich erweisen werden (E. 2.1.1). Der Inhalt des Ersuchens erlaubt es dem ersuchten Staat zu prüfen, ob voraussichtliche Erheblichkeit vorliegt (E. 2.1.4).
Das Vertrauensprinzip bedeutet, dass immer vermutet wird, ein Staat handle nach Treu und Glauben (E. 2.1.3 und 2.4).
Der ersuchende Staat muss selbst dann ein Amtshilfeersuchen stellen können, wenn das Steuerdomizil umstritten ist (unbegrenzte Steuerpflicht in der Schweiz). Sofern der ersuchende Staat ein sich im Abkommen wiederfindendes Kriterium geltend macht, wonach eine Person der unbegrenzten Steuerpflicht unterliegt, wiederspricht die Besteuerung, die sich daraus im ersuchenden Staat ergibt, nicht schon aus diesem Grund dem Abkommen, selbst wenn die Schweiz die Person ebenfalls als eine ihrer Steuerpflichtigen betrachtet (E. 2.2.2 und 2.4).
Art. 28 Abs. 5 2. Satz
DBA-F ist unmittelbar anwendbar. Das bedeutet nicht nur, dass das Bankgeheimnis nicht von einer schweizerischen Bank angerufen werden kann, sondern auch, dass die ESTV über die prozessualen Mittel verfügt die notwendig sind, um die voraussichtlich erheblichen Informationen zu erhalten, um welche ersucht wird (E. 4.5.2). Die direkte Anwendbarkeit von Art. 28 Abs. 5 2. Satz DBA-F betrifft auch Dritte. Sofern die verlangten Informationen nicht nur betroffene Personen im Sinn von Art. 4 Abs. 3 StAhiG zum Gegenstand haben, sondern auch nicht betroffene Dritte, hat die Behörde eine Interessenabwägung vorzunehmen. Art. 4 Abs. 3 StAhiG darf nicht dahingehend verstanden werden, dass er die schweizerische Behörde verpflichte, Angaben vorzuenthalten, die unbeteiligte Dritte betreffen, sofern die Vorenthaltung die Amtshilfe ihres Sinns entleeren würde (E. 4.6.1).

Secondo il Commentario del Modello di Convenzione OCSE concernente il reddito e la sostanza, la nozione di «verosimilmente rilevante», che ritroviamo nelle convenzioni di doppia imposizione, ha lo scopo di garantire uno scambio di informazioni in ambito fiscale il più ampio possibile, senza tuttavia consentire agli Stati contraenti di intraprendere una ricerca generalizzata e indiscriminata di informazioni («fishing expedition») o di domandare informazioni verosimilmente poco rilevanti per il chiarimento degli affari fiscali di un determinato contribuente. La condizione «verosimilmente rilevante» è considerata come soddisfatta se, al momento dell’inoltro della domanda, sussiste una possibilità ragionevole che le informazioni richieste si rivelino pertinenti (consid. 2.1.1). Ciò che permette allo Stato richiesto di valutare la condizione «verosimilmente rilevante» è il contenuto della domanda (consid. 2.1.4).
Il principio della buona fede implica che uno Stato è sempre presunto agire in buona fede (considd. 2.1.3 e 2.4).
Lo Stato richiedente deve poter formulare una domanda di assistenza amministrativa in caso di conflitto di residenza (assoggettamento illimitato in Svizzera). Se lo Stato richiedente fa valere un criterio di assoggettamento illimitato all’imposta che si ritrova nella Convenzione, di per sé l’imposizione che ne deriva in detto Stato non è contraria alla Convenzione, quand’anche la Svizzera consideri la persona interessata anche come un suo contribuente (considd. 2.2.2 e 2.4).
L’art. 28 cpv. 5 2a frase
CDI-F è direttamente applicabile. Ciò ha per conseguenza non solo che il segreto bancario non può più essere invocato da una banca svizzera, ma anche che l’AFC dispone dei poteri procedurali necessari all’ottenimento delle informazioni richieste verosimilmente pertinenti (consid. 4.5.2). Il carattere direttamente applicabile dell’art. 28 cpv. 5 2a frase CDI-F concerne anche i terzi. Qualora le informazioni richieste concernino non solo le persone interessate ai sensi dell’art. 4 cpv. 3 LAAF, ma anche i terzi non interessati, spetta all’autorità presso la quale è pendente la domanda procedere alla ponderazione degli interessi. L’art. 4 cpv. 3 LAAF non può essere inteso come prescrivente all’autorità svizzera la soppressione delle indicazioni concernenti i terzi non interessati, nel caso in cui la loro soppressione vanificherebbe la domanda di assistenza amministrativa (consid. 4.6.1).

Faits (résumé) ^

Ressortissants français, les époux X. qui habitaient auparavant à Paris, résident à Genève depuis le mois de mars 2010 où ils ont d’abord été imposés à la dépense, puis sur une base ordinaire à compter de la période fiscale 2013.
Le 26 juillet 2013, les autorités françaises ont adressé à l’Administration fédérale des contributions (ci-après : l’Administration fédérale ou l’AFC) une demande d’assistance administrative portant sur la situation fiscale en Suisse des époux X. pendant les périodes fiscales 2010, 2011 et 2012. L’Administration fédérale est entrée en matière et a transmis une partie des informations demandées.
Le 18 décembre 2013, les autorités françaises ont déposé une seconde demande portant sur les années 2010 à 2013. Elles ont mentionné que les époux X. faisaient l’objet d’un contrôle fiscal et que, selon les indications des services fiscaux, des éléments permettaient de considérer qu’ils étaient domiciliés en France, où se trouvait leur foyer, qu’ils y séjournaient principalement et y exerçaient leurs activités professionnelles. En outre, il avait été découvert que les époux X. détenaient des comptes bancaires ouverts en Suisse auprès de la banque Y. (ci-après : la Banque). Au regard de la législation française, les résidents fiscaux avaient notamment l’obligation de déclarer les comptes bancaires ouverts à l’étranger et les revenus de source française et étrangère. Malgré les demandes de l’administration française, les époux X. n’avaient pas déclaré ces comptes ni les avoirs qui y figuraient et les revenus en découlant.
Les autorités françaises ont ainsi demandé divers renseignements sur la situation des recourants aux autorités suisses.
Divers échanges de courriels ont ensuite eu lieu entre l’AFC et les autorités françaises concernant les motifs pour lesquels la France refusait de tenir compte du domicile fiscal suisse des époux X. Après avoir donné l’occasion à ces derniers de se prononcer sur le dossier et sur les renseignements qu’elle comptait transmettre aux autorités françaises, l’AFC a décidé, le 19 mai 2014, d’accorder aux autorités compétentes françaises l’assistance administrative les concernant et de transmettre aux autorités compétentes françaises les informations et la documentation reçues du détenteur d’informations.
Concrètement, les documents communiqués par la Banque se rapportaient à trois comptes dont les époux X. étaient directement titulaires et dont ils étaient également ayants droit économiques. Ils étaient constitués des formulaires A, des relevés de fortune aux 1er janvier 2010, 2011 et 2012, ainsi que des relevés faisant apparaître les mouvements sur ces comptes pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, les informations relatives aux tiers non visés par la demande ayant été caviardées
Statuant le 8 décembre 2014 sur recours des époux X., le Tribunal administratif fédéral a admis celui-ci et annulé la décision du 19 mai 2014.
A l’encontre de l’arrêt du Tribunal administratif fédéral du 8 décembre 2014, l’Administration fédérale des contributions interjette un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral.
La IIe Cour de droit public a délibéré sur le présent recours en séance publique le 24 septembre 2015 et admis le recours.

Extrait des considérants ^

2.
La première question litigieuse concerne l’exigence de la pertinence vraisemblable de la demande. La recourante reproche au Tribunal administratif fédéral d’avoir violé l’art. 28 par. 1 CDI-F (Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscale en vigueur depuis le 26 juillet 1967 [RS 0.672.934.91]) en considérant que les documents et indications fournis par les autorités françaises n’étaient pas suffisants sous l’angle de la pertinence vraisemblable.
2.1. Selon l’art. 28 par. 1 1ère phrase CDI-F, les autorités compétentes des Etats contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou pour l’administration ou l’application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des Etats contractants, de leurs subdivisions politiques ou de leurs collectivités locales dans la mesure où l’imposition qu’elle prévoit n’est pas contraire à la Convention.
Cette disposition correspond au standard OCDE en matière d’échange de renseignements tel qu’il est libellé à l’art. 26 par. 1 du Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le revenu et la fortune (ci-après MC OCDE). L’exigence de la pertinence vraisemblable des renseignements requis peut donc être interprétée à la lumière de ce Modèle et de son Commentaire (ATF 102 Ib 264 consid. 3c p. 269 ; arrêt 2C_750/2013 du 9 octobre 2014 consid. 2.2.4, in StE 2015 A 42 Nr. 4, traduit in RDAF 2015 II 136). L’exigence de la pertinence vraisemblable des renseignements requis figure également à l’art. 17 al. 2 LAAF (Loi fédérale du 28 septembre 2012 sur l’assistance administrative internationale en matière fiscale [LAAF ; RS 651.1]).
2.1.1. Selon le Commentaire MC OCDE, la notion de pertinence vraisemblable « a pour but d’assurer un échange de renseignements en matière fiscale qui soit le plus large possible tout en indiquant clairement qu’il n’est pas loisible aux Etats contractants d’aller à la pêche aux renseignements ou de demander des renseignements dont il est peu probable qu’ils soient pertinents pour élucider les affaires d’un contribuable déterminé » (Commentaire MC OCDE, version au 17 juillet 2012, par. 5 ad art. 26 ; cf. également Madeleine Simonek, Fishing expeditions in Steuersachen, in Festschrift für Andreas Donatsch, 2014, p. 901 s. ; Xavier Oberson, in Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le revenu et la fortune, Commentaire, 2014, n° 35 ad art. 26 MC OCDE ; Daniel Holenstein, in Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, Internationales Steuerrecht, n° 93 ad art. 26 OECD MA). Le par. 2 ch. XI du Protocole additionnel à la CDI-F reprend presque mot pour mot ce passage du Commentaire MC OCDE. Il prévoit en effet que « la référence aux renseignements ‹vraisemblablement pertinents› a pour but d’assurer un échange de renseignements en matière fiscale qui soit le plus large possible, sans qu’il soit pour autant loisible aux Etats contractants ‹ d’aller à la pêche aux renseignements › ou de demander des renseignements dont il est peu probable qu’ils soient pertinents pour élucider les affaires fiscales d’un contribuable déterminé ».
La condition de la pertinence vraisemblable est réputée réalisée si, au moment où la demande est formulée, il existe une possibilité raisonnable que les renseignements demandés se révéleront pertinents. En revanche, peu importe qu’une fois fournis, il s’avère que l’information demandée soit finalement non pertinente. Il n’incombe pas à l’Etat requis de refuser une demande ou de transmettre les informations parce que cet Etat serait d’avis qu’elles manqueraient de pertinence pour l’enquête ou le contrôle sous-jacents (Commentaire MC OCDE, par. 5 ad art. 26).
Il en découle que l’appréciation de la pertinence vraisemblable des informations demandées est en premier lieu du ressort de l’Etat requérant (cf. ATF 139 II 404 consid. 7.2.2 p. 424 ; Charlotte Schoder, Praxiskommentar zum Bundesgesetz über die internationale Amtshilfe in Steuersachen [Steueramtshilfegesetz, StAhiG], 2014, n° 227 ad art. 17 StAhiG). Le rôle de l’Etat requis est assez restreint (Aurélia Rappo/Aurélie Tille, Les conditions d’assistance administrative internationale en matière fiscale selon la LAAF, in RDAF 2013 II 1, p. 16), puisqu’il se limite à un contrôle de la plausibilité (Holenstein, op. cit., n° 94 ad art. 26 OECD MA). L’Etat requis se borne ainsi à examiner si les documents demandés ont un rapport avec l’état de fait présenté dans la demande et s’ils sont potentiellement propres à être utilisés dans la procédure étrangère (ATF 139 II 404 consid. 7.2.2 p. 424 ; Schoder, op. cit., n° 227 ad art. 17 StAhiG). Selon la doctrine, l’Etat requis ne peut refuser de transmettre les informations que s’il apparaît avec certitude que celles-ci ne sont pas pertinentes pour l’Etat requérant (Holenstein, op. cit., n° 146 ad art. 26 OECD MA ; Schoder, op. cit., n° 227 ad art. 17 StAhiG). L’exigence de la pertinence vraisemblable ne représente donc pas un obstacle très important à la demande d’assistance administrative (Andreas Donatsch/Stefan Heimgartner/Frank Meyer/Madeleine Simonek, Internationale Rechtshilfe, unter Einbezug der Amtshilfe im Steuerrecht, 2e éd. 2015, p. 233). Le Tribunal fédéral a par ailleurs récemment rappelé que ce serait méconnaître le sens et le but de l’assistance administrative que d’exiger de l’Etat requérant qu’il présente une demande dépourvue de lacune et de contradiction, car la demande d’assistance implique par nature certains aspects obscurs que les informations demandées à l’Etat requis doivent éclaircir (cf. ATF 139 II 404 consid. 7.2.2 p. 424).
2.1.2. Cette répartition des rôles est similaire à celle qui prévaut dans la jurisprudence du Tribunal fédéral développée en matière d’entraide judiciaire internationale pénale ou d’entraide administrative dans le domaine boursier. Selon celle-ci, l’autorité requise n’a pas à déterminer si l’état de fait décrit dans la requête correspond absolument à la réalité, mais doit examiner si les documents requis se rapportent bien aux faits qui figurent dans la requête et ne peut refuser de transmettre que les documents dont il apparaît avec certitude qu’ils ne sont pas déterminants, de sorte que la demande apparaît comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve (ATF 136 IV 82 consid. 4.1 p. 85 ; ATF 129 II 484 consid. 4.1 p. 494 ; ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371). La Cour de céans a du reste confirmé que cette approche était aussi valable dans le contexte de l’assistance administrative en matière fiscale (cf. ATF 139 II 404 consid. 7.2.2 p. 424).
2.1.3. Lorsqu’une convention internationale est en jeu, il faut également veiller au respect des principes contenus dans la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (RS 0.111 ; ci-après la Convention ou CV). Celle-ci a en effet vocation à s’appliquer pour interpréter et exécuter notamment les conventions de double imposition (cf. ATF 139 II 404 consid. 7.2.1 p. 422 ; arrêts 2C_498/2013 du 29 avril 2014 consid. 5.1, in StE 2014 A 32 Nr. 22, résumé in RDAF 2015 II 74 ; 2C_436/2011 du 13 décembre 2011 consid. 3.2, in RF 67/2012, p. 172), même en l’absence de mention expresse dans les textes conventionnels (arrêt 2A.416/2005 du 4 avril 2006 consid. 3.1 ; cf. également Peter Locher, Einführung in das internationale Steuerrecht der Schweiz, 3e éd. 2005, p. 167 ss.). Comme tout traité, les conventions de double imposition doivent être interprétées de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes utilisés dans leur contexte et à la lumière de leur objet et de leur but (cf. art. 31 al. 1 CV ; ATF 139 II 404 consid. 7.2.1 p. 422 s. ; ATF 131 III 227 consid. 3.1 p. 229).
Le principe de la bonne foi est par ailleurs lié à la règle de l’effet utile, même si cette dernière n’apparaît pas expressément à l’art. 31 CV. L’interprète doit donc choisir, entre plusieurs significations possibles, celle qui permet l’application effective de la clause dont on recherche le sens, en évitant d’aboutir à une signification en contradiction avec la lettre ou l’esprit du traité (arrêts 4A_34/2015 du 6 octobre 2015 destiné à publication consid. 3.5.1 ; 4A_736/2011 du 11 avril 2012 consid. 3.3.4). Un Etat contractant doit partant proscrire tout comportement ou toute interprétation qui aboutirait à éluder ses engagements internationaux ou à détourner le traité de son sens et de son but (cf. arrêt 2C_498/2013 du 29 avril 2014 consid. 5.1 ; René Matteotti/Nicole Elischa Krenger, in Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, Internationales Steuerrecht, n° 109 et 129 ss. ad Einleitung et les références citées).
Ce principe implique également qu’un Etat est toujours présumé agir de bonne foi (Jean-Marc Sorel, in Les Conventions de Vienne sur le droit des traités, Commentaire article par article, 2006, n° 57 ad art. 31 CV ; cf. ATF 107 Ib 264 consid. 4b p. 272). Dans le contexte de l’assistance administrative en matière fiscale, il signifie que l’Etat requis ne saurait en principe mettre en doute les allégations de l’Etat requérant (Rappo/Tille, op. cit., p. 16). Ainsi, s’il ne fait pas obstacle au droit de l’Etat requis de vérifier que les renseignements demandés sont bien vraisemblablement pertinents pour servir le but fiscal recherché par l’Etat requérant, il lui impose néanmoins de se fier en principe aux indications que lui fournit celui-ci.
2.1.4. Il découle de ces principes que c’est avant tout le contenu de la demande formée par l’Etat requérant qui va permettre à l’Etat requis d’évaluer la condition de la pertinence vraisemblable (cf. Schoder, op. cit., n° 63 ad art. 6 StAhiG). Le législateur suisse a énuméré, à l’art. 6 al. 2 LAAF, une liste d’informations que doit comporter la demande. Celle-ci n’est toutefois que subsidiaire. En l’occurrence, la CDI-F comprend des indications sur le contenu de la demande qui l’emportent donc sur la liste subsidiaire de l’art. 6 al. 2 LAAF. Celles-ci sont énumérées au par. 3 ch. XI du Protocole additionnel et exigent que l’Etat requérant fournisse des informations relatives au nom, à l’adresse et à l’identification de la personne faisant l’objet d’un contrôle (let. a) et à la période fiscale visée par la demande (let. b). Il doit aussi fournir une description des renseignements recherchés, notamment leur nature et la forme sous laquelle il souhaite les recevoir (let. c), le but fiscal poursuivi (let. d) et, dans la mesure où ils sont connus, les nom et adresse de toute personne dont il y a lieu de penser qu’elle est en possession des renseignements demandés (let. e).
La liste figurant dans la CDI-F (comme du reste celle figurant à l’art. 6 al. 2 LAAF) est conçue de telle manière que si l’Etat requérant s’y conforme scrupuleusement, il est en principe censé fournir des informations qui devraient suffire à démontrer la pertinence vraisemblable de sa demande, compte tenu des exigences précitées (cf. supra consid. 2.1.1).
Si, néanmoins, les informations fournies ne remplissent pas les conditions requises, la LAAF contient des règles procédurales permettant à l’AFC d’interpeller l’autorité requérante et de lui donner la possibilité de compléter sa demande par écrit (cf. art. 6 al. 3 LAAF). L’art. 7 LAAF prévoit en outre, que dans certaines situations, l’AFC peut refuser d’entrer en matière, s’il lui apparaît que la demande est déposée à des fins de recherches de preuves (let. a), porte sur des renseignements qui ne sont pas prévus par les dispositions régissant l’assistance administrative de la convention applicable (let. b) ou si elle viole le principe de la bonne foi, notamment lorsqu’elle se fonde sur des renseignements obtenus par des actes punissables au regard du droit suisse (let. c).
Excepté le cas où la prise en compte d’un fait notoire fait apparaître d’emblée que les indications fournies sont manifestement erronées (cf. arrêt 2C_252/2015 du 4 avril 2015 consid. 5.1) ou que l’Etat requis soupçonne l’existence d’une situation visée à l’art. 7 LAAF, les règles de procédure prévues dans la LAAF n’imposent pas à l’Etat requis de procéder lui-même à des vérifications ni à remettre en cause le bien-fondé des informations fournies par l’Etat requérant (Schoder, op. cit., n° 62 ad art. 6 StAhiG). La LAAF prévoit ainsi une procédure qui respecte parfaitement la répartition des rôles entre Etat requérant et Etat requis telle qu’elle est mise en place au sein de l’OCDE (cf. supra consid. 2.1.1).
2.2. Il ressort en outre de l’art. 28 par. 1 in fine CDI-F (correspondant à l’art. 26 par. 1 in fine MC OCDE) que l’Etat requis n’est tenu de transmettre des renseignements que dans la mesure où l’imposition que la législation interne de l’Etat requérant prévoit n’est pas contraire à la Convention.
2.2.1. […]
2.2.2. La position d’Holenstein [consid. 2.2.1. non publiée] ne peut pas être suivie. Elle suppose qu’un conflit de résidences fiscales soit avéré au moment où la Suisse reçoit la demande d’assistance. Or, tel n’est pas forcément le cas. Le contribuable visé par cette demande a peut-être contesté la décision d’assujettissement illimité à l’impôt dans l’Etat requérant devant les tribunaux de cet Etat ; en pareille hypothèse, la procédure judiciaire y afférente n’est pas nécessairement terminée ni même entrée en force au moment où l’Etat requérant forme sa demande d’assistance administrative. En effet, l’Etat requérant n’est pas tenu d’attendre l’issue du litige sur le principe de la résidence fiscale pour former une demande d’assistance administrative, et ce d’autant moins que la demande peut aussi avoir pour but de consolider sa position quant à la résidence fiscale du contribuable concerné. Par ailleurs, l’Etat requérant doit aussi pouvoir former une demande d’assistance administrative même en cas de conflit de résidences effectif, et ce afin d’obtenir de l’Etat requis des documents qui viendraient appuyer sa prétention concurrente à celle de celui-ci. Il s’agit ici en particulier de tenir compte de l’hypothèse selon laquelle un contribuable assujetti de manière illimitée en Suisse a, en réalité, sa résidence fiscale dans l’Etat requérant, par exemple parce qu’il y a conservé son foyer d’habitation permanent.
Dès lors, la question de la conformité avec la Convention au sens de l’art. 28 par. 1 in fine CDI-F dans le contexte particulier d’une demande visant un contribuable considéré par les deux Etats comme assujetti à l’impôt de manière illimitée ne doit pas s’apprécier en fonction de l’existence ou non d’une double résidence fiscale effective, mais à la lumière des critères que l’Etat requérant applique pour considérer la personne visée par la demande comme un de ses contribuables assujettis à l’impôt de manière illimitée. Cela signifie que si l’Etat requérant fait valoir un critère d’assujettissement illimité à l’impôt que l’on retrouve dans la Convention (par exemple, parce qu’il soutient que le contribuable a le centre de ses intérêts vitaux dans cet Etat), l’imposition qui en découle dans l’Etat requérant n’est pas en soi contraire à la Convention (cf. art. 4 par. 2 let. a MC OCDE), même si la Suisse considère aussi la personne visée comme un de ses contribuables. En d’autres termes, lorsqu’une demande porte sur un contribuable que les deux Etats contractants considèrent comme un de ses résidents fiscaux, le rôle de la Suisse en tant qu’Etat requis doit ainsi se limiter, au stade de l’assistance administrative, à vérifier que le critère d’assujettissement auquel l’Etat requérant recourt se retrouve dans ceux qui sont prévus dans la norme conventionnelle applicable concernant la détermination de la résidence fiscale.
[…]
2.3. […]
2.4. Cette position [la considération du TAF que, comme les personnes concernées étaient domiciliés fiscalement à Genève et imposées de manière illimitée en Suisse à la période considérée, les autorités suisses devaient faire preuve d’une attention particulière quant aux arguments soulevés par la France pour justifier la présence d’un autre domicile fiscal principal, consid. 2.3. non publiée] n’est pas conforme à la répartition des rôles entre Etat requérant et Etat requis (cf. supra consid. 2.1.4). En l’occurrence, les autorités fiscales françaises ont indiqué, dans leur demande d’assistance du 18 décembre 2013, qu’ils considéraient les époux X. comme domiciliés en France parce qu’ils y séjournaient principalement, qu’ils y possédaient leur foyer et qu’ils y exerçaient leurs activités professionnelles. Cette demande remplissait toutes les conditions de forme imposées par l’art. 28 CDI-F et par le ch. XI du Protocole additionnel, et en particulier l’exigence de pertinence vraisemblable. Exiger de l’Administration fédérale qu’elle procède à un contrôle pour vérifier que les assertions françaises ne soient pas purement formelles revient à adopter une attitude de défiance et de remise en cause la bonne foi de la France (sur cette manière de procéder, cf. arrêt 2C_252/2015 du 4 avril 2015 consid. 5.3). Or, en l’absence d’élément concret qui permettrait de remettre en cause la présomption de bonne foi de l’Etat requérant, l’Etat requis qui se comporterait de la sorte méconnaîtrait la Convention de Vienne sur le droit des traités. Il y a du reste lieu de relever que l’Administration fédérale aurait dès lors été fondée à donner une suite favorable après réception de la demande initiale, sans requérir encore, comme elle l’a encore fait le 6 février 2014 – sans toutefois fonder cette requête sur l’art. 6 al. 3 LAAF – des précisions aux autorités françaises quant aux critères de rattachement appliqués. La réponse obtenue des autorités françaises n’a du reste pas apporté des éléments nouveaux par rapport à la demande initiale, ce qui n’a pas empêché l’Administration fédérale de donner une suite favorable à la demande. En outre, la demande d’assistance formée ne pouvait pas non plus être rejetée du fait que les époux X. étaient résidents fiscaux suisses, ni parce que l’imposition qui en découlerait en France serait contraire à la Convention, la France ayant fait valoir deux critères de rattachement que l’on retrouve à l’art. 4 par. 2 let. a ou b CDI-F, à savoir le critère du foyer et celui du séjour (cf. ci-dessus consid. 2.2.2).
Par conséquent, l’arrêt attaqué, qui considère que la demande aurait dû être refusée par l’AFC sous l’angle de la pertinence vraisemblable n’est pas conforme aux principes régissant l’assistance administrative en matière fiscale. C’est partant à juste titre que l’AFC a, sur le principe, accordé l’assistance administrative à la France au sujet des époux X. quand bien même ceux-ci sont assujettis de manière illimitée à l’impôt en Suisse.
3. […]
4.
Reste à déterminer dans quelle mesure il est admissible de transmettre l’ensemble des documents bancaires requis par la France, en tant qu’ils comprennent le détail des transactions qui sont intervenues sur les comptes et les noms de tiers qui y figurent. L’AFC reproche au Tribunal administratif d’avoir violé l’art. 28 par. 3 et 5 CDI-F, ainsi que le droit fédéral, notamment l’art. 8 al. 2 LAAF.
4.1. Selon l’arrêt attaqué, la documentation que l’AFC envisage de transmettre aux autorités françaises excède le cadre fixé par l’art. 127 LIFD (Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’impôt fédéral direct [LIFD ; RS 642.11]) et l’art. 4 al. 3 LAAF et donc aussi l’art. 28 al. 3 CDI-F. Ces dispositions, qui interdisent la remise de documents concernant des tiers, n’ont pas de lien avec le secret bancaire. Cela exclut que l’Etat requis transmette, du moins tant qu’il n’est pas question d’une grave infraction pénale, l’intégralité des documents et des informations en possession d’une banque et plus particulièrement le détail des transactions liées à un compte bancaire. L’AFC ne peut que demander aux banques des attestations portant sur la somme en compte à la date souhaitée, les intérêts courus et les éventuelles sûretés. Elle peut également requérir la liste des valeurs dont les banques ont la gestion avec les dates d’achat et de vente, et les revenus y relatifs, ainsi que les frais et les commissions perçues par la banque. En l’occurrence, l’AFC a décidé de transmettre toute la documentation remise par la Banque aux autorités françaises après avoir caviardé les noms de tiers non concernés. Le Tribunal administratif fédéral considère que, comme les documents requis auprès de la banque portaient sur l’ensemble des relations des contribuables avec celle-ci et que la documentation transmise est ample, il n’est pas en mesure de vérifier quelles données exactement seront transmises aux autorités françaises, les éléments à rendre anonymes n’ayant pas été mis en évidence. Il ne lui appartient pas non plus de dire à l’AFC sous quelle forme exactement livrer les informations requises par les Etats étrangers, mais il doit vérifier si les limites du cadre légal ne sont pas franchies, ce qu’il n’est pas possible de savoir en l’état.
4.2. Cette argumentation n’est pas claire. L’on ne sait pas si, ni dans quelle mesure, le Tribunal administratif fédéral admettrait la remise d’une documentation bancaire partiellement caviardée aux autorités françaises. Les juges ne se prononcent pas définitivement, puisqu’ils retiennent de toute façon que la remise d’une documentation bancaire intégrale relative à un contribuable dans le cadre d’une demande d’assistance administrative, telle qu’envisagée par l’AFC en l’espèce, excède le cadre légal. La Cour de céans n’étant pas là pour se prononcer sur des conjectures, elle ne prendra en compte que le second pan de la motivation présentée.
4.3. Au préalable, il faut rappeler qu’en date du 13 mars 2009, le Conseil fédéral a annoncé un changement de politique majeur en matière d’échange de renseignements en déclarant vouloir désormais appliquer le standard de l’art. 26 MC OCDE dans les conventions de double imposition (Xavier Oberson, Précis de droit fiscal international, 4e éd. 2014, p. 349 s. ; Holenstein, op. cit., n° 42 ad art. 26 OECD MA ; Urs Behnisch, Neue Entwicklungen der internationalen Amtshilfe im Bereich der direkten Steuern, in EC 2010/1–2 p. 67). La reprise du standard OCDE en la matière implique en particulier que l’échange de renseignements est désormais accordé, sur demande, lorsqu’il a pour but l’application du droit interne de l’Etat requérant même dans les cas de simple soustraction d’impôt, sans qu’il ne soit plus nécessaire que les cas impliquent des actes de fraude passibles d’emprisonnement dans les deux Etats (Robert Waldburger, Entwicklungen in der schweizerischen Amtshilfepolitik in Steuersachen – ein Überblick, in IFF Forum für Steuerrecht 2010, p. 88 ; Marie Bonvin, L’échange de renseignements suivant les nouvelles Conventions franco-suisse et américano-suisse : le changement que ces Conventions représentent du point de vue suisse, in Not@lex 4/2010, p. 115 ; Jean-Frédéric Maraïa/Pietro Sansonetti, in Cahiers IFA de droit fiscal international, 2013, vol. 98b, Exchange of information and cross-border cooperation between tax authorities, Rapport Suisse, pp. 740 et 742 ; Xavier Oberson, International exchange of informations in tax matters, 2015, p. 20). Le droit interne suisse n’a toutefois pas été modifié depuis le 13 mars 2009, de sorte que les dispositions de droit suisse protégeant le secret bancaire sont toujours en vigueur, en particulier les art. 127 al. 2 LIFD et 47 de la loi fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques (LB ; RS 952.0 ; Oberson, Précis, p. 351). La reprise du standard de l’art. 26 MC OCDE implique toutefois que le secret bancaire ne peut plus être opposé pour refuser l’échange de renseignements, même en cas de simple soustraction fiscale (Robert Waldburger, Aktuelle Entwicklungen in der schweizerischen Amtshilfe im Steuerbereich, in RSDA 2009 p. 489 ; Bonvin, op. cit., p. 137 ; Behnisch, op. cit., p. 67).
4.4. En ce qui concerne la CDI-F, le standard de l’art. 26 MC OCDE a été introduit par l’art. 7 de l’Avenant à la CDI-F signé le 27 août 2009 et entré en vigueur le 4 novembre 2010 (RO 2010 5683), qui modifie l’art. 28 CDI-F ([…]). Il en découle que la Suisse doit désormais fournir aux autorités françaises les renseignements destinés à l’application du droit interne français non seulement en cas de fraude fiscale, mais aussi en cas de simple soustraction au sens du droit suisse (Bonvin, op. cit., pp. 118 et 120).

4.4.1. L’art. 28 par. 3 CDI-F, qui correspond à l’art. 26 par. 3 MC OCDE, prévoit que les dispositions du par. 1 (principe de l’échange des renseignements vraisemblablement pertinents) et le par. 2 (limitation dans la communication et l’utilisation des documents reçus)

 

« ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un Etat contractant l’obligation :

a) de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celles de l’autre Etat contractant ;

b) de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de l’autre Etat contractant ;

c) de fournir des renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial ou des renseignements dont la communication serait contraire à l’ordre public ».

Selon le Commentaire, sont considérés comme renseignements pouvant être obtenus selon le droit et la pratique internes au sens de cette disposition ceux dont disposent les autorités fiscales ou que celles-ci peuvent obtenir par application de la procédure normale d’établissement de l’impôt (Commentaire OCDE, n° 16 ad art. 26). Pour la Suisse, il est admis de manière générale en doctrine que la réserve conventionnelle en faveur du droit interne qui est libellée à l’art. 28 par. 3 CDI-F (art. 26 par. 3 MC OCDE) renvoie, pour ce qui a trait à l’obtention de renseignements auprès d’une personne en Suisse, à la LIFD. Sont ici concernées les dispositions réglant les obligations de procédure qui incombent au contribuable et aux tiers, soit les art. 123 à 129 LIFD (cf. Oberson, op. cit., n° 115 s. ad art. 26 MC OCDE ; Holenstein, op. cit., n° 285, 287 et 290 ad art. 26 OECD MA ; Donatsch/Heimgartner/Meyer/Simonek, op. cit., p. 250 s.).

Le par. 3 doit toutefois être lu en lien avec le par. 5 de l’art. 28 CDI-F (dont la 1e phrase correspond au par. 5 de l’art. 26 MC OCDE), selon lequel :

 

« En aucun cas les dispositions du par. 3 ne peuvent être interprétées comme permettant à un Etat contractant de refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci sont détenus par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu’agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété d’une personne. Aux fins de l’obtention des renseignements mentionnés dans le présent paragraphe, nonobstant le par. 3 ou toute disposition contraire du droit interne, les autorités fiscales de l’Etat contractant requis disposent ainsi des pouvoirs de procédure qui leur permettent d’obtenir les renseignements visés par le présent paragraphe ».

Ce paragraphe 5 a pour objet d’éviter que « les limitations du paragraphe 3 ne puissent être utilisées pour empêcher les échanges de renseignements détenus par des banques, autres établissements financiers, mandataires, agents et fiduciaires, ainsi que les renseignements concernant la propriété » (Commentaire MC OCDE, n° 19.10 ad art. 26). En lien avec le secret bancaire, le paragraphe 5 1e phrase l’emporte sur le paragraphe 3, dans la mesure où son application permettrait à l’Etat requis de refuser de transmettre des renseignements pour des motifs tenant au secret bancaire (Commentaire MC OCDE, n° 19.11 ad art. 26). En d’autres termes, si l’Etat contractant qui connaît l’institution du secret bancaire dans son droit interne ne peut s’en prévaloir en vertu du paragraphe 5 pour refuser de transmettre des renseignements détenus par une banque, il lui est toujours possible d’invoquer le paragraphe 3 pour refuser de communiquer de tels renseignements, pour autant que ce refus soit fondé sur des motifs indépendants du statut de banque (Oberson, op. cit., n° 135 ad art. 26 MC OCDE ; Holenstein, op. cit., n° 278 ad art. 26 OECD MA).
La seconde phrase du paragraphe 5 de l’art. 28 CDI-F n’apparaît pas dans le MC OCDE et figure en principe dans toutes les conventions de double imposition conclues par la Suisse depuis le 13 mars 2009. Elle a pour but de permettre à la Suisse de mettre en oeuvre le standard OCDE à l’égard des établissements suisses concernés par le secret bancaire (Holenstein, op. cit., n° 316 ad art. 26 OECD MA ; Donatsch/Heimgartner/Meyer/Simonek, op. cit., p. 249 ; Oberson, op. cit., n° 148 s. ad art. 26 MC OCDE ; Waldburger, op. cit., in RSDA 2009 p. 487 s.), dès lors qu’en droit interne, le secret fiscal empêche l’autorité fiscale, sous réserve de graves infractions fiscales (cf. sur ce point ci-dessous consid. 4.5.2), d’exiger directement des renseignements auprès d’une banque.
4.5. […]
4.5.1. Selon la jurisprudence, une disposition de droit international est directement applicable si son contenu est suffisamment déterminé et clair pour constituer, dans chaque cas particulier, le fondement d’une décision. La règle doit par conséquent se prêter au contrôle judiciaire ; elle doit donc délimiter les droits et obligations de l’individu et son destinataire doit être l’autorité d’application (ATF 140 II 185 consid. 4.2 p. 190 et les références citées).
4.5.2. Le point de savoir si l’art. 28 par. 5 2e phrase CDI-F est suffisamment précis pour être self executing et constituer une base légale est controversé en doctrine (sont d’avis que tel est le cas : Oberson, op. cit., n° 5 et 149 ad art. 26 MC OCDE, qui relève que le but et l’esprit de cette règle sont suffisamment clairs compte tenu des déclarations du Conseil fédéral du 13 mars 2009, et Bonvin, op. cit., p. 138 ; d’un avis contraire : Urs Behnisch, Amtshilfe in der Schweiz in Steuer(straf)sachen, in ASA 77 [2008/2009], p. 747 ; doute du caractère self executing : Waldburger, op. cit., in RSDA 2009, p. 488 ; ne tranche pas : Holenstein, op. cit., n° 317 ad art. 26 OECD MA).
L’art. 28 par. 5 2ème phrase CDI-F exclut, par une double formulation (« nonobstant le paragraphe 3 ou toute disposition contraire du droit interne ») que le droit interne puisse s’opposer à la transmission d’informations visées au par. 5. Le contenu de cette règle est clair. Il permet à l’autorité compétente de fonder une décision et à son destinataire de fixer ses droits et obligations. La règle peut donc être soumise à un contrôle judiciaire sans avoir besoin de concrétisation en droit interne. Elle remplit partant les critères d’une norme internationale directement applicable.

Les déclarations du Conseil fédéral du 13 mars 2009 plaident également en faveur de l’applicabilité directe de l’art. 28 par. 5 2e phrase CDI-F, de même que le Message complémentaire du 27 novembre 2009 au message du 6 mars 2009 concernant l’approbation du nouvel avenant à la convention contre les doubles impositions avec la France, où le Conseil fédéral précise que « De tels renseignements [soit les renseignements visés par le par. 5] doivent être échangés nonobstant les limitations prévues au paragraphe 3. L’Etat requis doit également pouvoir obtenir et transmettre les renseignements demandés même si ces renseignements ne seraient pas disponibles en vertu de sa propre législation ou de sa pratique administrative. Par conséquent, la Suisse ne peut pas refuser de communiquer des renseignements en invoquant uniquement le secret bancaire suisse » (FF 2010 1409, p. 1416). Les autorités suisses ont par ailleurs également expliqué aux autorités françaises que la demande de la Suisse de compléter la rédaction du paragraphe 5 de l’art. 26 MC OCDE provenait de sa volonté « de clarifier l’articulation entre les paragraphes 3 et 5 de cet article et de permettre aux autorités suisses de déroger aux dispositions de leur droit interne qui limitent l’accès de l’administration fiscale aux renseignements, notamment bancaires, aux fins de l’établissement des impôts » (cf. Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, consultable sur le lien http://www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl2338-ei.asp).

Le caractère self executing de cette norme implique non seulement que le secret bancaire ne peut être opposé par une banque suisse, mais que l’Administration fédérale dispose des pouvoirs de procédure nécessaires pour obtenir les renseignements vraisemblablement pertinents requis. L’art. 28 par. 5 2e phrase CDI-F ne fait en revanche pas obstacle à l’application du par. 3 en tant qu’il protège les secrets professionnels non concernés par le par. 5, tel que, par exemple, le secret de l’avocat (cf. Commentaire OCDE, n° 19.3 ad art. 26 ; Oberson, op. cit., n° 139 ad art. 26 MC OCDE ; Holenstein, op. cit., n° 296 ad art. 26 OECD MA).
Il découle de ce qui précède que l’Administration fédérale dispose, en vertu de l’art. 28 par. 5 2e phrase CDI-F, des pouvoirs de procédure nécessaires pour exiger des banques la transmission de l’ensemble des documents requis qui remplissent la condition de la pertinence vraisemblable, sans que puissent lui être opposés l’art. 47 LB ou toute autre disposition de droit interne. Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire d’examiner si, comme le soutient le Tribunal administratif fédéral, la disposition de procédure interne de l’art. 127 al. 1 LIFD « redevient applicable » en cas de levée du secret bancaire, puisque, même si cette disposition s’avérait applicable en droit interne en pareilles circonstances, cette disposition s’effacerait de toute manière face à l’art. 28 par. 5 CDI-F.
4.6. L’art. 4 al. 3 LAAF, également cité par les juges précédents pour limiter la remise de la documentation bancaire dans son ensemble, exclut la transmission de renseignements concernant des personnes qui ne sont pas concernées par la demande.
4.6.1. La notion de personne non concernée au sens de l’art. 4 al. 3 LAAF doit être examinée à la lumière du but du standard OCDE et du critère conventionnel de renseignement vraisemblablement pertinent (arrêt 2C_963/2014 du 24 septembre 2015 consid. 4, qui procède à une interprétation détaillée de l’art. 4 al. 3 et LAAF). Cette disposition doit être interprétée de manière restrictive (cf. également Rappo/Tille, op. cit., p. 14), de telle façon que son application ne fasse pas perdre toute portée à la demande d’assistance administrative (cf. Schoder, op. cit., n° 49 ad. art. 4 LAAF) mais permette au contraire un échange de renseignements aussi large que possible, sous réserve des fishing expeditions. En effet, il ne faut pas oublier que la LAAF a pour fonction de régler, sur le plan interne, les compétences, la procédure et les voies de droit, mais n’a pas pour vocation d’introduire des contraintes matérielles pour contrer les demandes d’informations fondées sur les CDI (Rappo/Tille, op. cit., p. 4) ou restreindre la portée de l’assistance administrative définie dans ces conventions (FF 2011 5774). Le caractère directement applicable de l’art. 28 par. 5 2e phrase CDI CH-F concerne aussi les tiers. Lorsque les renseignements demandés portent non seulement sur des personnes concernées au sens de l’art. 4 al. 3 LAAF, mais aussi sur des tiers non impliqués, il appartient à l’autorité saisie de procéder à une pesée des intérêts (cf. art. 5 al. 2 Cst. ; cf. sur l’application de cette disposition en matière d’assistance administrative, Tobias F. Rohner, Amtshilfe nach den OECD-konformen Doppelbesteuerungsabkommen ein Überblick, in Vermögensverwaltung IV, 2013, p. 88 ; cf. également Michael Beusch/Ursula Spörri, in Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, Internationales Steuerrecht, 2015, n° 334 ad art. 26 OECD MA). Cela signifie que l’Etat requis doit supprimer les indications relatives aux tiers non concernés lorsqu’elles sont sans incidence sur la demande (par exemple le nom des employés de banque qui n’ont rien à voir avec la question fiscale motivant la demande). En revanche, l’art. 4 al. 3 LAAF ne saurait être compris comme imposant à l’autorité suisse de supprimer des indications qui concernent des tiers non concernés (qui figurent par exemple sur la liste de transactions relatives à un compte bancaire) lorsque leur suppression rendrait vide de sens la demande d’assistance administrative (cf. FF 2011 5783 et Beusch/Spörri, in, op. cit., n° 334 ad art. 26 OECD MA). Les tiers dont les noms apparaissent sur de tels documents sont au demeurant protégés. A la clôture de la procédure, l’autorité requise doit en effet rappeler à l’autorité requérante les restrictions à l’utilisation des renseignements transmis et l’obligation de maintenir le secret (cf. art. 20 al. 2 LAAF).
4.6.2. En l’occurrence, les documents bancaires objet de la demande d’assistance administrative et en particulier la liste des transactions sur des comptes bancaires dont les contribuables sont titulaires, remplissent l’exigence de la pertinence vraisemblable (cf. supra consid. 2). De tels documents révèlent les apports et les prélèvements enregistrés, les gains générés, ainsi que le montant et la nature des revenus perçus (versement de dividendes, revenu d’activité, plus-values, etc.) et sont donc de nature à permettre à l’autorité fiscale française de compléter l’assiette de l’impôt sur le revenu des contribuables en France. S’agissant de déterminer si le lieu de séjour effectif de contribuables était bien en France aux périodes considérées, il est aussi plausible que les relevés des transactions sur ces comptes contribuent à confirmer (ou à exclure) un tel séjour, car ces documents sont susceptibles de contenir des indices (lieu et objet des dépenses) de nature à localiser leurs intérêts vitaux (cf. arrêt 2C_1139/2014 du 20 juillet 2015 consid. 5.2.2). Or, supprimer l’ensemble des noms des personnes non concernées qui figurent sur la liste de ces transactions ferait perdre toute portée à la demande d’assistance administrative à cet égard.
Quant aux autres noms, en particulier ceux des employés de banque qui pourraient aussi figurer sur ces comptes et dont la remise pourrait être contraire à l’art. 4 al. 3 LAAF, car sans lien avec la demande d’assistance, l’Administration fédérale des contributions a indiqué au Tribunal administratif fédéral, sans être contredite, que ceux-ci avaient été caviardés.
5. et 6. […]