Arrêt du Tribunal administratif fédéral A-837/2019 du 10 juillet 2019

Principe de spécialité.

  • 7 ottobre 2019
  • Autore: Lysandre Papadopoulos
  • Categoria di articoli: Sentenza di principio
  • Campo del diritto: Assistenza amministrativa internazionale
  • Citazione: Lysandre Papadopoulos, Arrêt du Tribunal administratif fédéral A-837/2019 du 10 juillet 2019, ASA Online: Sentenza di principio
Arrêt du Tribunal administratif fédéral A-837/2019 du 10 juillet 2019 en la cause Administration fédérale des contributions contre A.

Inhalt

  • 1. Regeste
  • 2. Faits (résumé)
  • 3. Extrait des considérants

1.

Regeste ^

Selon l’art. 26 par. 2 CDI CH-IN, les renseignements reçus dans le cadre de l’assistance peuvent être utilisés, sans le consentement de l’autorité compétente de l’Etat requis, pour l’établissement et le recouvrement des impôts mentionnés au par. 1 et aussi pour les procédures et poursuites concernant ces impôts.

La demande d’assistance administrative ne doit pas avoir pour seul but d’obtenir des informations pour une procédure pénale fiscale. Il importe peu que les procédures nationales concernées soient conduites par une autorité administrative ou fiscale. Il n’est pas relevant non plus de déterminer si la sanction relève plutôt de la mesure administrative ou possède un caractère pénal matériel; pas plus que ne l’est de savoir si la sanction est prononcée dans le cadre même de la procédure en perception de l’impôt ou dans une procédure distincte.

Gemäss Art. 26 Abs. 2 DBA CH-IN dürfen Informationen, die ein Vertragsstaat im Rahmen der Amtshilfe erhalten hat, ohne Zustimmung des ersuchten Staates nur für die Veranlagung oder die Erhebung, die Vollstreckung oder Strafverfolgung hinsichtlich der in Absatz 1 genannten Steuern benutzt werden.

Ein Amtshilfeersuchen ist ausgeschlossen, wenn sein Zweck einzig darin besteht, Auskünfte für ein Steuerstrafverfahren zu erhalten. Es ist es unerheblich, dass das entsprechende innerstaatliche Verfahren von einer Verwaltungs- bzw. Steuerbehörde geführt wird. Nicht näher geprüft werden muss sodann, ob die drohende Sanktion als Verwaltungsmassnahme zu qualifizieren ist oder ob ihr in materieller Hinsicht strafrechtlicher Charakter zukommt. Ebensowenig ist entscheidend, ob die Strafe im Rahmen des Erhebungsverfahrens ergeht oder in einem separaten Verfahren.

2.

Faits (résumé) ^

Par décision du 16 décembre 2016, l’Administration fédérale des contributions (ci-après : AFC, autorité inférieure) a donné une suite favorable à la demande d’assistance administrative en matière fiscale déposée le 25 août 2015 par le Ministère des Finances de la République de l’Inde (ci-après : autorité requérante) au sujet de A._______ et basée sur l’art. 26 de la Convention du 2 novembre 1994 entre la Confédération suisse et la République de l’Inde en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu (CDI CH-IN, RS 0.672.942.31).

Le 29 janvier 2018 (arrêt A-525/2017), le Tribunal administratif fédéral a très partiellement admis le recours formé à l’encontre de cette décision par A._______ (certains caviardages ont été ordonnés). Le 12 février 2018, A._______ a interjeté recours par devant le Tribunal fédéral à l’encontre de l’arrêt précité (procédure 2C_141/2018). Le 27 août 2018, A._______ a informé le Tribunal fédéral de son intention de demander un réexamen à l’AFC de sa décision du 16 décembre 2016 (faits nouveaux démontrant le non-respect du principe de spécialité par l’autorité requérante). Le 30 août 2018, A._______ a requis de l’AFC le réexamen de sa décision. Le même jour, il a demandé au Tribunal fédéral de suspendre la cause encore pendante auprès de lui pour la durée de la procédure de réexamen, ce que le Tribunal fédéral a refusé le 12 octobre 2018.

Le 17 janvier 2019, l’AFC a constaté que les circonstances ne s’étaient pas notablement modifiées depuis le 16 décembre 2016 et elle estimé n’être pas tenue d’entrer en matière sur la demande de réexamen. Le 18 février 2019, A._______ (ci-après : recourant) défère la lettre de l’AFC par devant le Tribunal administratif fédéral, concluant à son annulation puis, cela fait, principalement à l’annulation de la décision du 16 décembre 2016 et à ce qu’il soit déclaré qu’il ne peut être entré en matière sur la demande d’assistance de l’autorité requérante.

En substance, à l’appui de ses conclusions, le recourant prétend démontrer au moyen d’un document datant du XX.XX. 2018 – soit postérieurement à l’arrêt du Tribunal administratif fédéral – que l’autorité requérante entend transmettre les informations qu’elle recevra de l’autorité inférieure aux autorités pénales indiennes, en violation du principe de spécialité. Aussi, l’AFC avait l’obligation de reconsidérer sa décision du 16 décembre 2016 à l’aune de la nouvelle preuve invoquée

Dans sa réponse du 11 avril 2019, l’autorité inférieure conclut sous suite de frais et dépens, au rejet du recours. Dans leurs écritures ultérieures, les parties maintiennent en substance leurs positions. L’AFC précise qu’il n’est pas nécessaire d’analyser en détail le risque de violation du principe de spécialité puisqu’elle n’a pas à mettre en doute les allégations de l’Etat requérant à ce sujet. Elle est d’avis, au surplus, que la pièce produite par le recourant à l’appui de sa demande de réexamen décrit une transmission d’informations entre autorités d’un même Etat conforme au standard de l’OCDE. Elle relève encore que ce document ne concerne pas une procédure d’assistance administrative entre la Suisse et l’Inde.

3.

Extrait des considérants ^

[…]

5.3.3

5.3.3.1 In casu, le document produit concerne une cause impliquant le recourant et émane du Directorate of Enforcement. Le recourant rappelle que cet organisme gouvernemental indien est chargé de poursuivre les infractions relatives aux opérations de change et de blanchiment d’argent ; il ne s’occupe pas de questions fiscales (selon un avis de droit d’un cabinet d’avocats indiens datant du 18 février 2019 produit par le recourant). L’extrait du document produit, intitulé XXX dont il espère tirer un droit est le suivant.

[...]

Ce document révèle la conception qu’ont les autorités indiennes de l’art. 28 de la convention de double imposition qui les lient à la (...). Cette disposition est en substance identique à l’art. 26 CDI CH-IN, les deux étant calquées sur l’art. 26 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE concernant le revenu et la fortune (ci-après : MC OCDE).

5.3.3.2 Or, se fondant sur la teneur de l’art. 26 CDI CH-IN, la Cour de céans a déjà jugé que la CDI CH-IN ne fait pas obstacle à ce que l’autorité requérante utilise les données obtenues par le biais de l’assistance administrative non seulement pour l’imposition de la personne concernée mais également dans le cadre de procédures pénales fiscales, voire même qu’elle les transmette à d’autres autorités dans le but de sanctionner des infractions fiscales (cf. parmi d’autres : arrêts du TAF A-639/2016 du 17 janvier 2018 consid. 5.2.3 et A-778/2017 du 5 juillet 2017 consid. 4.3.3 ; Robert Weyeneth, Der nationale und internationale ordre public im Rahmen der grenzüberschreitenden Amtshilfe in Steuersachen, Bâle, 2017, p. 220). En effet, selon l’art. 26 par. 2 CDI CH-IN, les renseignements reçus dans le cadre de l’assistance peuvent être entre autres utilisés, sans le consentement de l’autorité compétente de l’Etat requis, pour l’établissement et le recouvrement des impôts mentionnés au par. 1 et aussi pour les procédures et poursuites concernant ces impôts. Toutefois, ce raisonnement s’applique pour autant que les infractions concernées par ces renseignements soient relatives aux impôts prévus par la convention. A cela s’ajoute que la demande d’assistance administrative ne doit pas avoir pour seul but d’obtenir des informations pour une procédure pénale fiscale. A cet égard, il importe peu que les procédures nationales concernées soient conduites par une autorité administrative ou fiscale. Il n’est pas relevant non plus de déterminer si la sanction relève plutôt de la mesure administrative ou possède un caractère pénal matériel; pas plus que ne l’est de savoir si la sanction est prononcée dans le cadre même de la procédure en perception de l’impôt ou dans une procédure distincte (cf. arrêt du TAF A-5687/2017 du 17 août 2018 consid. 4.4.4.7). Autrement dit, l’assistance administrative en matière fiscale est aussi prévue pour la clarification des infractions fiscales pour lesquelles l’entraide judiciaire est exclue dans la mesure où l’imposition de la personne concernée est aussi visée. Ce n’est que dans ces circonstances que l’on peut considérer que la demande de l’autorité requérante ne constitue pas une tentative de contourner les garanties de la procédure d’entraide en matière pénale (cf. également Daniel Holenstein, in: Zweifel/Beusch/Matteotti [éd.], Kommentar zum Internationalen Steuerrecht, 2015, ad art. 26 MC OCDE n. 266).

En revanche, en vertu de l’art. 26 par. 2 seconde phrase CDI CH-IN, l’utilisation des informations reçues par l’Etat requérant à d’autres fins que celles mentionnées à l’art. 26 par. 2 première phrase CDI CH-IN – en particulier la lutte contre le blanchiment d’argent, la corruption et le financement du terrorisme – suppose que cette possibilité résulte des lois suisses et indiennes et, cumulativement, l’accord de l’autorité compétente de l’Etat requis. En Suisse, l’AFC est à ce titre compétente, avec l’accord de l’Office fédéral de la justice (art. 20 al. 3 LAAF ; Holenstein, op. cit., art. 26 MC OCDE n° 268 ; cf. arrêts du TAF A-630/2019 du 12 avril 2019 consid. 3.5, A-2830/2017 du 17 septembre 2018 consid. 3.1, A-4154/2017 du 21 août 2018 consid. 3.3.3 et A-2454/2017 du 7 juin 2018 consid. 2.1.3, 3.1 et 3.8.1).

5.3.3.3 Il s’en suit que prima facie, le document produit est de nature à établir que l’on se trouve dans les circonstances de l’art. 26 par. 2 seconde phrase CDI CH-IN et que, dès lors, la procédure décrite devrait être suivie. En effet, l’autorité dont émane l’acte nouvellement produit par le recourant n’a pas en charge la poursuite des infractions fiscales pénales mais, notamment, des actes de blanchiment. Du moment que le nouveau moyen de preuve permet de jeter un doute sur la décision litigieuse, l’autorité inférieure doit entrer en matière, quand bien même, à l’issue d’un examen plus approfondi, elle devait rendre une nouvelle décision identique à la première. A cet égard, c’est le lieu de rappeler que si la bonne foi de l’Etat requérant est présumée dans les relations internationales, ses déclarations peuvent être remises en cause par des fautes, des lacunes ou comme en l’espèce, des contradictions manifestes. Cas échéant, le principe de la confiance ne s’oppose alors pas à ce qu’un éclaircissement soit demandé à l’Etat requérant (cf. parmi d’autres: arrêt du TAF A-6314/2017 du 17 avril 2019 consid. 4.3.2 et les réf. citées).

[…]

(Admission du recours dans la mesure de sa recevabilité et renvoi de la cause à l’autorité inférieure à charge pour elle d’entrer en matière sur la demande de réexamen et de procéder à une nouvelle instruction du dossier au sens des considérants).