Arrêt du Tribunal fédéral 2C_893/2015 du 16 février 2017

Données dites « volées »

  • 13 giugno 2017
  • Trattato da: Susanne Raas
  • Categoria del articolo: Sentenza di principio
  • Campo del diritto: Assistenza amministrativa internazionale
  • Citazione: Susanne Raas, Arrêt du Tribunal fédéral 2C_893/2015 du 16 février 2017, ASA Online: Sentenza di principio
Arrêt du Tribunal fédéral 2C_893/2015 du 16 février 2017 en la cause Administration fédérale des contributions contre A. Question juridique de principe. Publication ATF prévue.

Contenu

  • 1. Regeste
  • 2. Faits (résumé)
  • 3. Extrait des considérants

1.

Regeste ^

Est seul déterminant pour l'application de l'art. 28 al. 3 let. b CDI CH-FR le fait que les renseignements demandés puissent en eux-mêmes être obtenus dans le respect des dispositions du droit interne des Etats contractants (consid. 6.3.6). Le principe de la bonne foi est un principe de droit international public (consid. 8.3). Le TF laisse ouverte la question de savoir si l'art. 7 let. c LAAF concrétise le principe de la bonne foi ou constitue une limitation unilatérale inadmissible des engagements internationaux de la Suisse en matière d'assistance administrative (consid. 8.4). L'expression « actes punissables au regard du droit suisse » figurant à l'art. 7 let. c LAAF renvoie dans tous les cas à des actes qui sont effectivement punissables en Suisse (consid. 8.5.6).
Für die Anwendbarkeit von Art. 28 Abs. 3 Bst. b DBA CH-FR ist einzig entscheidend, dass die Informationen selbst, um die ersucht wird, nach dem internen Recht der Vertragsstaaten erhältlich gemacht werden können (E. 6.3.6). Das Prinzip von Treu und Glauben ist ein Prinzip des internationalen öffentlichen Rechts (E. 8.3). Das BGer lässt die Frage offen, ob Art. 7 Bst. c StAhiG dieses Prinzip konkretisiert oder eine unilaterale, unzulässige Beschränkung der internationalen Verpflichtung der Schweiz im Rahmen der Amtshilfe darstellt (E. 8.4). Der Ausdruck «nach schweizerischem Recht strafbare Handlungen» in Art. 7 Bst. c StAhiG bezieht sich auf jeden Fall auf Sachverhalte, die tatsächlich in der Schweiz strafbar sind (E. 8.5.6).
Per l’applicazione dell’art. 28 cifra 3 lett. b CDI CH-FR determinante è unicamente il fatto che le informazioni richieste possano loro stesse essere ottenute nel rispetto delle disposizioni di diritto interno degli Stati contraenti (consid. 6.3.6). Il principio della buona fede è un principio di diritto internazionale pubblico (consid. 8.3). Il TF lascia aperta la questione a sapere se l’art. 7 lett. c LAAF costituisce una concretizzazione di detto principio o una limitazione unilaterale ammissibile degli impegni internazionali della Svizzera in materia di assistenza amministrativa (consid. 8.4). L’espressione « reati secondo il diritto svizzero » di cui all’art. 7 lett. c LAAF rinvia in ogni caso a dei reati effettivamente punibili in Svizzera (consid. 8.5.6).

2.

Faits (résumé) ^

Le 23 décembre 2013, la Direction générale des finances publiques françaises (ci-après : l'autorité requérante) adressa à l'Administration fédérale des contributions (ci-après : l'Administration fédérale) une demande d'assistance administrative. La demande visait une liste de contribuables mentionnés dans les annexes 1, 2 et 3, en lien avec l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les bénéfices des années 2010 et 2011, ainsi qu'avec l'impôt sur la fortune des années 2010, 2011 et 2012. Soulignant avoir épuisé les moyens de collecte de renseignements prévus par la procédure fiscale interne et utilisables à ce stade, l'autorité requérante précisait ce qui suit :
« Les contribuables figurant dans les listes 1, 2 et 3 ci-annexées font l'objet d'une enquête par les services fiscaux français.
Cette enquête est menée sur la base d'informations transmises par les autorités judiciaires françaises. Ces dernières ont, en effet, ouvert une information judiciaire à l'encontre d'agents de la banque suisse B. pour démarchage bancaire ou financier illicite sur le territoire français, blanchiment en bande organisée et recel de fonds obtenus à l'aide de démarchages bancaires ou financiers illicites, et blanchiment en bande organisée de fraude fiscale.
Les personnes faisant l'objet de la présente demande sont celles dont l'identité a été communiquée à l'administration fiscale française par les autorités judiciaires dans le cadre de la même instruction.
Il résulte de cette instruction que ces personnes ont été en relation d'affaires avec la banque B. en Suisse. Des transferts de sommes d'argent sur des comptes bancaires ouverts en Suisse auprès de cette banque ont par ailleurs été tracés et ont pu faire l'objet d'une reconnaissance d'affaires interne à la banque.
Ces comptes n'ont pas été déclarés à l'administration fiscale française. Il en est, en conséquence, de même des avoirs y figurant et des revenus générés. […] »
A. fait partie des personnes visées par la demande d'assistance administrative.
Par décision finale du 21 octobre 2014, l'Administration fédérale a accordé l'assistance administrative à la France concernant A.
Par arrêt du 15 septembre 2015, le Tribunal administratif fédéral a admis le recours de A. interjeté le 21 octobre 2014, annulé la décision de l'Administration fédérale du 21 octobre 2014 et dit qu'il n'y avait pas lieu d'entrer en matière sur la demande d'assistance administrative du 23 décembre 2013.
A l'encontre de l'arrêt du 15 septembre 2015, l'Administration fédérale interjette un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, en concluant principalement à l'admission du recours et à l'annulation de l'arrêt attaqué, sous suite de frais.
Le Tribunal fédéral admet le recours.

3.

Extrait des considérants ^

6.
Le premier point à éclaircir consiste à déterminer si le refus d'entrer en matière sur la demande administrative du 23 décembre 2013 concernant A. peut découler directement de l'art. 28 par. 3 let. b CDI CH-FR (Convention entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales ; RS 0.672.934.91), comme l'a retenu le Tribunal administratif fédéral.
6.1. L'art. 28 par. 3 CDI CH-FR confère à l'Etat requis le droit de refuser d'accorder l'assistance administrative dans certaines circonstances. La lettre b de cette disposition prévoit en particulier que l'Etat requis n'est pas tenu « de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de l'autre Etat contractant ».
[…]
6.3. La résolution de ce point litigieux nécessite de procéder à l'interprétation de l'art. 28 par. 3 let. b CDI CH-FR.
6.3.1. Selon la jurisprudence, les règles de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (ci-après : Convention de Vienne ou CV ; RS 0.111) doivent être appliquées pour interpréter les conventions de double imposition (ATF 141 II 447 consid. 4.3.1 p. 454 et les références ; 139 II 404 consid. 7.2.1 p. 422 et les références). L'art. 26 CV prévoit que tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi. Selon l'art. 31 par. 1 CV, un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. En plus du contexte (cf. art. 31 par. 2 CV), il est tenu compte, notamment, de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions (art. 31 par. 3 let. a CV) et de toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité (art. 31 par. 3 let. b CV). Les travaux préparatoires et les circonstances dans lesquelles le traité a été conclu constituent des moyens complémentaires d'interprétation lorsque l'interprétation donnée conformément à l'art. 31 CV laisse le sens ambigu ou obscur ou conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable (cf. art. 32 CV).
L'art. 31 par. 1 CV fixe un ordre de prise en compte des éléments de l'interprétation, sans toutefois établir une hiérarchie juridique obligatoire entre eux (arrêt 4A_736/2011 du 11 avril 2012 consid. 3.3.2 ; cf. aussi Jean-Marc Sorel, in Les Conventions de Vienne sur le droit des traités – Commentaire article par article, Tome II, 2006, n° 8 ad art. 31 CV ; Mark Eugen Villiger, Commentary on the 1969 Vienna Convention on the Law of Treaties, 2009, n° 29 ad art. 31 CV). Le sens ordinaire du texte du traité constitue toutefois le point de départ de l'interprétation (cf. arrêt 2C_753/2014 du 27 novembre 2015 consid. 3.3.1 ; 2C_498/2013 du 29 avril 2014 consid. 5.1, in StE 2014 A 32 Nr. 22 ; Villiger, op. cit., n° 30 ad art. 31 CV ; Oberson, Droit fiscal international, 4e éd. 2012, p. 38 § 112 ; Matteotti/Krenger, in : Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, Internationales Steuerrecht, 2015, n° 125 ad Einleitung). Ce sens ordinaire des termes doit être dégagé de bonne foi, en tenant compte de leur contexte et à la lumière de l'objet et du but du traité (arrêt 2C_498/2013 précité consid. 5.1). Le principe de la bonne foi implique notamment de la loyauté de la part de l'Etat contractant dans l'exécution de ses engagements (Villiger, op. cit., n° 6 et 7 ad art. 31 CV ; Rivier, op. cit. p. 125). Un Etat contractant doit partant proscrire tout comportement ou toute interprétation qui aboutirait à éluder ses engagements internationaux ou à détourner le traité de son sens et de son but (ATF 142 II 35 consid. 3.2 p. 38 s. ; 161 consid. 2.1.3 p. 167).
6.3.2. En l'espèce, le terme de « renseignements » contenu à l'art. 28 par. 3 let. b CDI CH-FR correspond, selon son sens ordinaire et dans le contexte de l'art. 28 CDI CH-FR, aux informations qui sont demandées par l'Etat requérant à l'Etat requis dans le cadre de la demande d'assistance administrative. Par l'expression « renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de l'autre Etat contractant », l'art. 28 par. 3 let. b CDI CH-FR permet donc à l'Etat requis de vérifier si les renseignements demandés sont accessibles aux administrations fiscales des Etats contractants selon leur droit interne et, dans la négative, de refuser de les communiquer à l'Etat requérant. Le texte de l'art. 28 par. 3 let. b CDI CH-FR ne contient en revanche pas de référence aux circonstances de fait qui ont amené un Etat à former une demande d'assistance administrative, ni aux conditions qui ont abouti à l'ouverture d'un contrôle fiscal, pas plus du reste que le chiffre XI du Protocole additionnel. Les termes du traité ne permettent donc pas de prendre en compte de telles circonstances dans l'application de l'art. 28 par. 3 let. b CDI CH-FR, sauf à détourner leur sens de manière contraire à la bonne foi.
6.3.3. Cette interprétation selon le sens ordinaire des termes correspond à l'objet et au but de l'assistance administrative prévue à l'art. 28 CDI CH-FR, fondée sur une coopération large entre les Etats contractants en matière de transmission de renseignements remplissant la condition de la pertinence vraisemblable (cf. art. 28 par. 1 CDI CH-FR, correspondant à l'art. 26 par. 1 du Modèle de convention fiscale de l'OCDE (ci-après : MC OCDE), ainsi que le ch. XI par. 2 du Protocole additionnel). A l'inverse, la lecture des juges précédents implique que l'Etat requis devrait procéder à une analyse de l'admissibilité matérielle du contrôle fiscal réalisé dans l'Etat requérant dans chaque demande d'assistance administrative qui lui parviendrait. Or, indépendamment de la praticabilité d'une telle démarche, pareil examen ne serait pas conforme avec l'objet et le but de l'art. 28 CDI CH-FR.
6.3.4. Le Commentaire OCDE de l'art. 26 par. 3 MC OCDE, sur lequel est calqué l'art. 28 par. 3 CH-FR, confirme le résultat clair de cette interprétation lorsqu'il souligne que le terme de « renseignements » qui y figure se définit comme ceux « dont disposent les autorités fiscales ou que celles-ci peuvent obtenir par application de la procédure normale d'établissement de l'impôt » (n° 16 ad art. 26 MC OCDE). Aucun passage du Commentaire ne laisse entendre que les circonstances de fait qui ont amené un Etat à former une demande d'assistance administrative ou que la question de la validité du contrôle fiscal opéré dans l'Etat requérant seraient des éléments pertinents dans l'application de la disposition conventionnelle correspondant à l'art. 26 par. 3 let. b MC OCDE.
La jurisprudence rendue jusqu'ici par le Tribunal fédéral est aussi en accord avec cette interprétation. En effet, dans les arrêts qui ont conduit à vérifier la compatibilité d'une demande avec la réserve en faveur du droit interne prévue à l'art. 28 par. 3 let. b CDI CH-FR, la Cour de céans s'est demandé si, en l'occurrence, les renseignements requis pouvaient ou non être, en eux-mêmes, obtenus en Suisse, pour conclure que la réponse à cette question dépendait de l'étendue du devoir de collaboration de la personne détentrice de ces renseignements (cf. ATF 142 II 69 consid. 4 et 5 p 76 ss. ; arrêt 2C_690/2015 du 15 mars 2016 consid. 4.2).
6.3.5. Il faut encore souligner que l'interprétation des juges précédents ne trouve pas non plus d'écho dans les commentaires de doctrine relatifs à l'art. 26 par. 3 let. b MC OCDE (cf. par exemple Michael Engelschalk, in Doppelbesteuerungsabkommen der Bundesrepublik Deutschland auf dem Gebiet der Steuern vom Einkommen und Vermögen : Kommentar auf der Grundlage der Musterabkommen, 6e éd. 2015, n° 97 à 106 ad art. 26 OECD MA ; Daniel Holenstein, in Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, Internationales Steuerrecht, n° 272 ss ad art. 26 OECD MA ; Xavier Oberson, in Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le revenu et la fortune, Commentaire, 2015, n° 103 ss ad art. 26 MC OCDE ; Diane Ring, Article 26 : Exchange of Information – IBFD Global Tax Treaty Commentaries, 2016, § 2.3.1 ss). Engelschalk relève au demeurant que l'on ne peut exiger d'un Etat qu'il prenne des mesures illégales pour obtenir les informations requises (in op. cit., n° 98 ad art. 26). Ce commentaire dénote bien que l'élément déterminant consiste à savoir si les renseignements requis peuvent être obtenus selon les voies usuelles prévues par le droit interne. En outre, les auteurs qui se disent favorables à un refus d'accorder l'assistance administrative lorsque les demandes sont fondées sur des données dites volées ne s'appuient pas sur l'art. 26 par. 3 let. b MC OCDE, mais avant tout sur le principe de la bonne foi (Donatsch/Heimgartner/Meyer/Simonek, Internationale Rechtshilfe unter Einbezug der Amtshilfe im Steuerrecht, 2e éd. 2015, pp. 244 et 246 ; Holenstein, in op. cit., n° 299 ad art. 26 OECD MA ; Maraia/Sansonetti, in Cahiers de droit fiscal international, Exchange of information and cross-border cooperation between tax authorities, Vol. 98B, 2013, p. 754 ; Giovanni Molo, Die neue Trennungslinie bei der Amtshilfe in Steuersachen, in : Archives 80, p. 152 ; Xavier Oberson, La mise en oeuvre par la Suisse de l'art. 26 MC OCDE, in IFF Forum für Steuerrecht 2012 p. 17 ; le même, International exchange of information in tax matters. Towards Global Transparency, 2015, p. 223 ; le même, in Commentaire, op. cit., n° 120 ad art. 26 MC OCDE ; Andrea Opel, Neuausrichtung der schweizerischen Abkommenspolitik in Steuersachen : Amtshilfe nach dem OECD-Standard. Eine rechtliche Würdigung, 2015, pp. 437 ss ; la même, Wider die Amtshilfe bei Datenklau: Gestohlene Daten sind gestohlene Daten, in : Jusletter 23 novembre 2015 p. 11 s. et 14 [cet auteur exclut expressément le recours à l'art. 26 par. 3 let. b MC OCDE dans ce contexte] ; cf. aussi Francesco NaefL'échange de renseignements fiscaux en cas de données volées à l'aune du droit international, in : Archives 85, p. 266 ss, où l'auteur rejette, même s'il le fait de manière prudente, l'interprétation soutenue dans l'arrêt attaqué). Il semble que seul un auteur affirme que la Suisse est fondée à refuser d'accorder l'assistance en se prévalant de la disposition conventionnelle correspondant à l'art. 26 par. 3 let. b MC OCDE (François Roger Micheli, Assistance administrative internationale en matière fiscale et données volées, in The IFA's Wealth Gram, n° 20, septembre 2013, p. 4). Cette position isolée et non motivée n'emporte pas la conviction au regard des éléments qui précèdent.
6.3.6. Il en découle que l'art. 28 par. 3 let. b CDI CH-FR ne permet pas de refuser d'entrer en matière sur une demande d'assistance administrative en raison de la manière dont l'Etat requérant s'est procuré les données qui ont abouti à la formulation de la demande. Seul est déterminant pour l'application de cette disposition le fait que les renseignements demandés puissent en eux-mêmes être obtenus dans le respect des dispositions du droit interne des Etats contractants. Ce résultat ne lèse pas le contribuable visé par une demande d'assistance administrative. Il lui est en effet possible, le cas échéant, de faire valoir devant les autorités judiciaires de l'Etat requérant que le contrôle fiscal diligenté contre lui serait illégal (cf., dans le même esprit, l'ATF 142 II 218 consid. 3.7 p. 230, où le Tribunal fédéral a relevé qu'il incombait au contribuable qui contestait avoir sa résidence fiscale dans l'Etat requérant de faire valoir ses moyens devant les instances de cet Etat ; cf. également Ana Paula Dourado, Exchange of information and Validity of Global Standards in Tax Law : Abstractionism and Expressionism or Where the Truth Lies, in RSCAS 2013/1 p. 17, pour qui la question de l'utilisation de moyens de preuve obtenus illicitement relève du droit interne de l'Etat requérant).
6.4.–7.2 […]
8.
[…]
8.3. La référence à la bonne foi figurant à l'art. 7 let. c LAAF renvoie au principe de droit international public figurant dans la Convention de Vienne (cf. Message concernant l'adoption d'une loi sur l'assistance administrative fiscale du 6 juillet 2011, in FF 2011 5771, 5786). Il est admis que le principe de la bonne foi s'applique, en tant que principe d'interprétation et d'exécution des traités, dans le domaine de l'échange de renseignements des conventions de double imposition (cf. ATF 142 II 161 consid. 2.1.3 p. 167 ; cf. aussi Oberson, in op. cit., IFF Forum für Steuerrecht 2012 p. 17 ; Charlotte Schoder, StAhiG. Praxiskommentar zum Bundesgesetz über die internationale Amtshilfe in Steuersachen, n° 80 ad art. 7 StAhiG ; Diana Oswald, Verfahrensrechtliche Aspekte der internationalen Amtshilfe in Steuersachen, p. 184). Dans la mesure où il renvoie à ce principe, l'art. 7 let. c LAAF n'a donc pas de portée propre.
8.4. L'art. 7 let. c LAAF contient en outre l'expression « notamment lorsqu'elle se fonde sur des renseignements obtenus de manière punissable au regard du droit suisse ». Le point de savoir si et dans quelle mesure ce passage constitue une concrétisation admissible du principe de la bonne foi reconnu en droit international public ou au contraire une limitation unilatérale inadmissible des engagements internationaux de la Suisse en matière d'assistance administrative est une question qui souffre de rester ouverte en l'espèce. En effet, comme démontré ci-après (consid. 8.5 et 8.6), le champ d'application de ce passage, tel qu'il découle de l'interprétation, permet d'exclure, contrairement à ce qui est soutenu dans l'arrêt attaqué, que la demande d'assistance litigieuse repose sur des renseignements obtenus par des actes punissables au regard du droit suisse au sens de l'art. 7 let. c in fine LAAF.
8.5. Conformément à la jurisprudence constante, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme. Il ne s'écarte sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 142 II 80 consid. 4.1 p. 91 ; 140 II 289 consid. 3.2 p. 291 s. ; 139 II 49 consid. 5.3.1 p. 54).
8.5.1. L'interprétation littérale de l'art. 7 let. c in fine LAAF ne permet pas de circonscrire clairement ce qu'il faut comprendre par l'expression « actes punissables au regard du droit suisse » (« nach schweizerischem Recht strafbare Handlungen » / « mediante reati secondo il diritto svizzero »). En effet, ce passage peut être lu comme signifiant que les actes doivent être effectivement punissables en Suisse (point de vue de l'Administration fédérale), mais peut aussi être compris comme incluant également des actes qui seraient punissables en Suisse s'ils relevaient de la compétence des autorités de poursuite pénale suisses (point de vue du Tribunal administratif fédéral).
8.5.2. Sous l'angle historique, le Message concernant l'adoption de la LAAF du 6 juillet 2011 (FF 2011 5771, 5786) ne contient pas d'élément de nature à définir le champ d'application de l'expression « actes punissables au regard du droit suisse », qui figurait tel quel dans le projet de loi. En revanche, il ressort des débats parlementaires que ce qu'a voulu le législateur de la LAAF, c'est empêcher que des actes punissables en Suisse ne donnent lieu à des demandes d'assistance administrative. Il n'a en effet jamais été question de conférer au droit pénal suisse une portée extra-territoriale, mais bien de refuser d'accorder l'assistance administrative reposant sur des données volées dans notre pays (cf. par exemple le Conseiller national Müller : « Die Schweiz hat ihre Verhandlungspartner darauf hingewiesen, dass sie bei Ersuchen, die auf Daten beruhen, die unter Verletzung schweizerischen Rechts beschafft wurden, keine Amtshilfe gewähren wird » [BO CN 2012 81] ; le même : « Auf Ersuchen ist nicht einzutreten, wenn es der Grundsatz von Treu und Glauben verlangt : Dahinter verbirgt sich die Forderung, dass man aufgrund von gestohlenen Daten gestellte Amtshilfeersuchen nicht beantworten will ; dies, weil es da ja zuerst zu einer strafbaren Handlung in der Schweiz kam, die man nicht durch die Gewährung von Amtshilfe belohnen will » [BO CN 2012 81] ; cf. également le Conseiller national de Buman, qui évoque les affaires récentes de données bancaires « volées » en Suisse : « la Suisse n'entre pas en matière sur une demande qui repose sur des renseignements obtenus par des moyens punissables au regard du droit suisse, par exemple des données acquises par des moyens illégaux. On a tous en mémoire les vols des données bancaires ».
8.5.3. Sous l'angle téléologique, il faut rappeler qu'avant l'art. 7 let. c LAAF, l'ancien art. 5 al. 2 let. c aOACDI (Ordonnance du 1er septembre 2010 relative à l’assistance administrative d’après les conventions contre les doubles impositions [RO 2010 4017]) prévoyait déjà qu'une demande d'assistance administrative fondée sur des renseignements obtenus ou transmis par des actes punissables selon le droit suisse devait être rejetée. Dans son rapport explicatif de l'OACDI du 4 août 2010, le Département fédéral des finances avait justifié l'adoption de cette disposition notamment par le fait que si la Suisse accordait l'assistance administrative lorsqu'un Etat étranger rémunérait le vol de données, elle « inciterait indirectement à commettre d'autres infractions contrevenant à son ordre juridique » (Rapport explicatif p. 9). A cette époque, la Suisse entendait se protéger contre des « atteintes à sa législation » (cf. Rapport explicatif p. 9), à la suite des affaires de données volées en Suisse en 2008, par G. d'une part (cf. sur ce point l'arrêt SK.2014.46 du 27 novembre 2015 du Tribunal pénal fédéral, qui a condamné l'intéressé pour ces actes), et par un employé de la banque I. d'autre part (sur cette affaire, cf. ATF 141 IV 155). Il s'agissait donc de rejeter des demandes d'assistance fondées sur des renseignements obtenus par des actes effectivement punissables en Suisse. Quand bien même l'art. 7 let. c in fine LAAF n'a pas repris la formulation exacte de l'art. 5 al. 2 let. c aOACDI, il n'y a pas de raison de considérer que le législateur a voulu changer de perspective sur ce point.
8.5.4. Sous l'angle systématique et téléologique, l'interprétation soutenue dans l'arrêt attaqué conduirait l'Administration fédérale à devoir procéder au contrôle préalable de la conformité avec le droit pénal suisse de l'ensemble des moyens déployés par l'Etat requérant pour déposer sa demande d'assistance administrative, ce qui reviendrait à conférer à l'Administration fédérale des compétences en matière pénale dont le juge pénal suisse lui-même ne dispose pas lorsqu'il n'existe pas d'acte susceptible de poursuites en Suisse. Conférer une telle incombance, qui plus est en matière pénale, à l'Administration fédérale serait contraire à l'essence même de l'assistance administrative en matière fiscale, fondée sur la coopération et la confiance mutuelle entre les Etats parties à une convention, et contraire aux engagements de la Suisse de reprendre le standard OCDE (cf. sur ce point ATF 142 II 161 consid. 4.3 p. 174 s.). Enfin, l'interprétation des juges précédents aboutirait à une application extra-territoriale des normes pénales suisses, ce qui ne serait pas compatible avec le régime de l'assistance administrative. Un tel résultat ne peut avoir été voulu par la législateur.
8.5.5. Quant à la doctrine, elle s'est peu penchée sur le point de savoir si les actes visés à l'art. 7 let. c in fine LAAF doivent être effectivement punissables en Suisse, peut-être parce qu'il paraît clair pour les auteurs que tel doit être le cas (cf. par exemple Opel, Neuausrichtung, p. 442 : « Stützt ein Staat sein Amtshilfeersuchen auf Daten, die im anderen Vertragsstaat illegal beschafft worden sind » ; cf. aussi Schoder, op. cit., n° 80 ad art. 7 StAhiG, qui relève que l'art. 7 let. c LAAF vise la protection contre des atteintes à l'ordre juridique et à la souveraineté suisses). Il semble que seuls Holenstein (in op. cit., n° 302 ad art. 26 OECD MA) et Naef (Francesco Naef, Lo scambio di informazioni fiscali in caso di dati rubati, in Novità fiscali 2016/6 p. 19 ; le même, op. cit., in : Archives 85, p. 262) soutiennent qu'une demande d'assistance fondée sur des données dites volées à l'étranger est irrecevable. Ces auteurs n'étayent toutefois pas leur position, qui n'apparaît pas convaincante, en particulier au regard de l'application extra-territoriale du droit suisse qu'elle implique.
8.5.6. Il en découle que l'expression « actes punissables au regard du droit suisse » figurant à l'art. 7 let. c LAAF renvoie à des actes qui sont effectivement punissables en Suisse. Cela suppose, d'une part, que les conditions objectives de la norme pénale suisse prétendument violée soient remplies et, d'autre part, que ces actes entrent soit dans le champ de compétence territoriale de la Suisse (art. 3 al. 1 et 8 al. 1 CP), soit dans les différentes formes de compétences extra-territoriales prévues aux art. 4 à 7 CP.
8.6. [En lespèce : la demande d'assistance administrative du 23 décembre 2013 ne repose pas sur des renseignements obtenus par des actes punissables au regard du droit suisse]
8.7. [présomption de bonne foi de la France ; le renversement de la présomption de bonne foi d'un Etat doit reposer sur des éléments établis et concrets ; en l'espèce aucun motif remmetant en question la véracité des indications de la France]
[contestations de l'intimé]