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Histoire institutionnelle de la Justice militaire suisse

Des origines confédérales au développement de l’armée (DEVA)

  • Auteur-e-s: Damiano Canapa / Matthieu Silacci
  • Catégories d'articles: Contributions
  • Domaines juridiques: Droit pénal militaire et procédure pénale militaire
  • Proposition de citation: Damiano Canapa / Matthieu Silacci, Histoire institutionnelle de la Justice militaire suisse, in : Jusletter 13 mai 2019
Cette contribution retrace l’évolution du cadre institutionnel de la Justice militaire suisse. Partant, sont successivement analysées les origines confédérales de ce qui allait plus tard devenir la Justice militaire et la formalisation progressive de cette institution dans le courant des XIXème et XXème siècle, jusqu’à l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2018, de l’Ordonnance concernant la justice militaire du 22 novembre 2017.

Table des matières

  • I. Introduction
  • II. Genèse
  • III. L’organisation judiciaire de 1838
  • IV. L’organisation judiciaire de 1851
  • V. L’organisation judiciaire de 1889
  • VI. L’organisation judiciaire de 1979
  • VII. L’organisation judiciaire de 2018
  • VIII. Conclusion

I.

Introduction1 ^

[1]

L’origine de la Justice militaire suisse est antérieure à la naissance de la Suisse moderne en 1848. Le Code pénal militaire (CPM) destiné aux troupes fédérales du 20 septembre 1837, entré en vigueur le 1er août 1838,2 est en effet perçu comme l’acte fondateur de cette institution.

[2]

Cette contribution retrace l’évolution du cadre institutionnel de la Justice militaire suisse. Elle remonte aux origines confédérales de la répression des infractions commises par des militaires des troupes cantonales avant de s’intéresser à l’institutionnalisation progressive de la Justice militaire suisse dans le courant des XIXème et XXème siècles. Finalement, l’organisation judiciaire de 2018, issue de la réforme DEVA,3 est décrite. En conclusion, la capacité que la Justice militaire suisse a eue de se remettre en question au fil des ans est soulignée.

II.

Genèse ^

[3]

Historiquement, l’évolution de la justice de la troupe, ancêtre de l’actuelle Justice militaire, se fit à deux niveaux. D’une part, s’agissant des troupes militaires servant la Confédération, les alliances confédérales successives comportaient un volet consacré à la répression des infractions commises par les membres de la troupe. D’autre part, l’administration de la justice pour les troupes du mercenariat reposait sur des alliances (nommées capitulations militaires) entre les seigneurs étrangers et les cantons.

[4]

La première référence à l’existence d’une justice spécialisée pour les troupes militaires servant la Confédération remonte au Convenant de Sempach du 10 juillet 1393.4 Ce texte prévoyait, d’une part, des règles appliquées par les officiers qui visaient à assurer la discipline de la troupe et, d’autre part, des règles rudimentaires de procédure pour la poursuite des infractions pénales. Ces poursuites étaient alors soumises au principe de l’origine – le Heimatprinzip : selon ce principe, dérivé du Pacte fédéral, qui proscrivait les jugements des citoyens confédérés par des juges étrangers,5 les autorités pénales du canton d’origine du militaire étaient compétentes pour la répression des crimes et appliquaient leur droit matériel. Le jugement devait ensuite être reconnu par chacun des alliés.6 Le Heimatprinzip n’était cependant pas absolu : les Kriegsgemeinden – des conseils de guerre populaires7 – disposaient de la compétence de jugement de certaines affaires sur les membres des troupes en campagne.8 Par ailleurs, l’instruction des enquêtes était assurée par les officiers de la troupe.9

[5]

Le Heimatprinzip fut généralisé par le Défensional de Baden du 18 mars 1668 qui prévit, en outre, une autonomisation du droit pénal militaire : des tribunaux composés d’officiers disposant d’un pouvoir de juger délégué par les cantons furent institués. Les cantons conservaient cependant la compétence de juger les crimes les plus graves (Malefizsachen – les crimes de sang) s’ils n’avaient pas délégué cette compétence.10

[6]

L’application du Heimatprinzip avait pour corollaire qu’une inégalité de traitement pouvait subvenir entre auteurs originaires de différents cantons : des réglementations divergentes pouvaient s’appliquer à des faits qui pouvaient être identiques. Par ailleurs, la durée de la procédure pénale pouvait se trouver allongée du fait que les prévenus devaient être renvoyés dans leurs cantons d’origine pour y être jugés.

[7]

Le Heimatprinzip s’appliqua aux troupes confédérales jusqu’à la période de la République helvétique : en 1799, la Loi du 27 juillet 1799 sur la procédure pénale militaire fut promulguée, modifiée par la Loi du 24 novembre 1800 sur les tribunaux militaires auprès des troupes de la République helvétique.11 Cette seconde loi mit en place un système dans lequel la compétence des autorités pénales dépendait du bataillon du prévenu et constitua le premier code de procédure pénale militaire à destination de l’ensemble des troupes confédérales. Afin de concrétiser cette modification de compétence, chaque bataillon se vit doté de trois autorités judiciaires. La première instance comptait deux autorités : le conseil de discipline (« Kriegszuchtrath ») jugeait les infractions d’une gravité moindre et le conseil de guerre (« Kriegsrath ») était compétent en matière d’infractions d’une gravité plus importante. Les recours étaient examinés par une instance unique : le conseil de révision (« Revisionsrath »).12

[8]

Après la Restauration, la Diète fédérale adopta, le 22 août 1817, une Loi sur le droit pénal militaire et la procédure qui entra en vigueur en 1818, après que tous les cantons l’eurent ratifiée. Pour cette raison, il est généralement fait référence à la « Loi de 1818 ». Cette loi prévoyait trois catégories d’infractions, jugées par trois autorités distinctes : tandis que la répression des fautes de discipline était de la compétence des officiers, les délits (fautes graves) étaient jugés par des Tribunaux de brigade, composés de neuf juges (sept officiers et deux sous-officiers), et les crimes par un Tribunal militaire supérieur, dont la composition évolua au fil du temps. Le Tribunal militaire supérieur était également compétent en cas de procédure dirigée contre un membre de l’État-major de l’armée confédérale. Des Tribunaux de guerre extraordinaires pouvaient par ailleurs être constitués pour juger les infractions commises par des corps détachés. L’instruction était quant à elle séparée en deux parties. L’instruction générale était confiée à deux officiers de la troupe, assistés d’un greffier, qui remettaient leurs conclusions au commandant de compagnie. Si ce dernier décidait de renvoyer l’affaire devant un tribunal, le président désignait un auditeur qui était chargé, en premier lieu, de l’instruction spéciale puis, dans un second temps, de représenter l’accusation devant le tribunal. Un auditeur d’état-major assistait le général-commandant de l’armée pour toutes les affaires en relation avec la justice et dirigeait l’administration de la justice pénale militaire.13

[9]

Comme indiqué précédemment, en parallèle à l’organisation de la justice prévue pour les troupes militaires servant la Confédération, se développa l’administration de la justice pour les troupes du mercenariat : les soldats membres de régiments servant des souverains étrangers étaient soumis à leurs propres juges en vertu des capitulations militaires.14 Il était en effet difficile de renvoyer un accusé dans son canton d’origine pour y faire appliquer le droit de son pays.15 Différents codes furent utilisés dans ce cadre, dont le Schweizerisches Kriegsrecht qui parut à Francfort s/M en 1704 et qui fut complété, en 1736 et 1754, par des traductions française et allemande de la Constitutio Criminalis Carolina, le code criminel de l’empereur Charles-Quint.16 Les régiments de mercenaires suisses, dans la mesure où ils privilégiaient la justice par les pairs et refusaient d’être soumis à la réglementation pénale du souverain qui les engageait, furent ainsi à la base des tribunaux militaires modernes.17

Figure 1 Heimatprinzip et organisation judiciaire de la Loi du 24 novembre 1800 sur les tribunaux militaires auprès des troupes de la République helvétique

III.

L’organisation judiciaire de 1838 ^

[10]

Au moment de la Régénération, à l’initiative du Canton de Genève, les idées progressistes amenèrent la Diète fédérale à adopter, le 20 septembre 1837, le Code pénal militaire destiné aux troupes fédérales qui entra en vigueur le 1er septembre 1838 (ci-après : CP1837).18 Il comprenait des dispositions matérielles, d’organisation judiciaire et de procédure pénale, et constitua une réponse aux besoins accrus de garanties en matière de poursuite pénale. Ces garanties, inexistantes jusqu’alors et qui se retrouvent dans le droit actuel, concernaient notamment la séparation des pouvoirs, le droit à un défenseur durant l’enquête, le droit à un jugement public, la publicité des audiences de jugement et l’affectation de juristes dans les tribunaux militaires chargés de juger les militaires des troupes fédérales.19 A ce titre, ce code était empreint d’une modernité indéniable et marqua un tournant important dans la manière dont la justice pénale était rendue.20

[11]

En matière d’organisation judiciaire, le CP1837 instaura l’État-major judiciaire – le Justizstab, ancêtre de l’Office de l’Auditeur en chef – qui constitua le premier corps d’officiers de justice militaire. L’État-major judiciaire était alors rattaché à l’État-major de l’armée et dirigé par un colonel occupant une nouvelle fonction : celle d’auditeur en chef. L’auditeur en chef, successeur de l’auditeur d’État-major de la loi de 1818, était nommé par la Diète et faisait office d’aide du commandant en chef s’agissant de l’administration de la justice (art. 240 CP1837).21 L’État-major judiciaire était en outre composé de juges du fond – deux grands-juges portant les grades de colonel et de lieutenant-colonel et trois juges de cassation (deux colonels et un lieutenant-colonel) – et de six auditeurs chargés de l’instruction ou de l’accusation publique (deux auditeurs au moins portaient le grade de major, les autres celui de capitaine).22 Tous les membres de l’État-major judiciaire étaient au bénéfice d’une formation juridique et d’une expérience pratique.23 La présence simultanée, au sein de l’État-major judiciaire, de personnes chargées du jugement et d’autres en charge de l’instruction ou de l’accusation publique posait toutefois un grave problème du point de vue de l’indépendance de la Justice militaire.24

[12]

Le CP1837 remplaça les différentes autorités de jugement de la loi de 1817 par des Tribunaux de guerre ordinaires, par des Tribunaux de guerre extraordinaires – tous deux d’un nombre variable (généralement un par brigade) – par un Tribunal de cassation ordinaire et par un Tribunal de cassation extraordinaire. Ces différents tribunaux étaient compétents pour le traitement de toutes les infractions de nature pénale, les officiers de la troupe ne conservant qu’une compétence disciplinaire sur leurs subordonnés.25 Ils étaient en général constitués lorsque des troupes fédérales se trouvaient en service et uniquement pour la durée de ce dernier. Après le licenciement des troupes, ils étaient dissous.26

[13]

Les Tribunaux de guerre ordinaires étaient composés de neuf membres – un grand-juge, sept officiers et un sous-officier – et complétés d’un auditeur assurant l’accusation publique, d’un greffier et d’ordonnances (art. 206, 210 CP1837). La nomination des membres des différents tribunaux se faisait, sauf exception, par le commandant en chef ; à défaut, elle était la tâche du Tribunal de guerre compétent (art. 211, 212 CP1837). Les grands-juges et les accusateurs publics étaient, dans tous les cas, proposés par l’auditeur en chef (art. 212 CP1837).27

[14]

Les Tribunaux de guerre extraordinaires étaient compétents si l’auteur était membre d’une troupe détachée, en particulier dans les cas où le rattachement à la troupe présentait une certaine difficulté de correspondance ou si l’accusé était le commandant en chef. Dans le premier cas, le commandant de la troupe à laquelle appartenait l’accusé désignait la composition du tribunal (art. 223 CP1837). Dans le second cas, le Vorort fédéral désignait un grand-juge et huit juges, dont quatre civils (art. 231 CP1837).28

[15]

Finalement, le Tribunal de cassation ordinaire et le Tribunal de cassation extraordinaire, ancêtres de l’actuel Tribunal militaire de cassation, étaient tous deux nommés par le Vorort fédéral (art. 218 CP1837) et se composaient de cinq membres : trois juges et deux suppléants étaient désignés parmi les présidents et vice-présidents des tribunaux cantonaux civils de dernière instance tandis que les autres membres étaient incorporés à l’État-major judiciaire. Le Tribunal de cassation ordinaire était compétent pour juger les pourvois en cassation formés pendant le service, alors que le Tribunal de cassation extraordinaire avait la compétence de juger les recours du commandant en chef contre les jugements du Tribunal de guerre extraordinaire (art. 236 CP1837).29

IV.

L’organisation judiciaire de 1851 ^

[16]

Après l’adoption de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 12 septembre 1848, le CP1837 fut remplacé par la Loi fédérale du 27 août 1851 sur la justice pénale pour les troupes fédérales. Cette dernière reprit la systématique du CP1837.30

[17]

Les tribunaux de guerre ordinaires furent généralisés à toutes les brigades et leur composition fut légèrement modifiée. Ils étaient présidés par un grand-juge qui portait le grade de major ou un grade supérieur et composé, de plus, par deux officiers et par deux suppléants. Le grand-juge était nommé par le commandant supérieur, sur proposition de l’auditeur en chef, tandis que les autres juges étaient désignés par le commandant de leur brigade.31 Un jury de huit personnes – douze si la peine de mort était susceptible d’être prononcée – fut introduit dans le but d’accélérer le traitement des affaires.32 Ce jury, qui était chargé de juger les faits tandis que la cour jugait le droit, était composé d’officiers, de sous-officiers et de soldats, ce qui constitua la première implication d’hommes de ce grade dans la Justice militaire33. Un auditeur, dont le rôle évolua, puisqu’il ne remplit plus que la fonction d’accusateur public, et un greffier complétaient la composition de chaque tribunal.34 Privé de l’instruction, confiée aux commandants de troupes, l’auditeur conserva toutefois le droit d’assister aux opérations de l’enquête et de présenter des réquisitions.35 Il pouvait, de plus, requérir la mise en accusation du prévenu auprès du grand-juge ou un non-lieu auprès de l’auditeur en chef.36

[18]

La compétence des Tribunaux militaires extraordinaires fut étendue aux affaires contre le chef de l’armée, contre le chef de l’État-major général, contre les commandants de corps, commandants de division et commandants de brigade.37

[19]

La composition des tribunaux de cassation évolua également : les juges civils disparurent et ces tribunaux furent nouvellement composés de cinq officiers (dont trois devaient être incorporés à l’État-major judiciaire) et de trois suppléants, tous nommés par le Conseil fédéral.38

[20]

Enfin, la compétence des tribunaux civils, hors service, fut maintenue. En revanche, les cantons perdirent leurs compétences en matière de justice pénale militaire spécialisée : si les tribunaux de guerre cantonaux demeuraient, ils devaient dorénavant appliquer le droit pénal militaire matériel et procédural fédéral.39

Figure 2 Organisation judiciaire du Code pénal militaire destiné aux troupes fédérales du 20 septembre 1837 et de la Loi sur la justice pénale pour les troupes fédérales du 27 août 1851

V.

L’organisation judiciaire de 1889 ^

[21]

Suite à la création de l’armée fédérale en 1874, qui abolit la Justice militaire cantonale,40 le Code pénal militaire de 1851 fut entièrement révisé par la Loi fédérale du 28 juin 1889 sur lorganisation judiciaire et la procédure pénale pour larmée fédérale (ci-après : OJPPM1889).41 Cette loi, qui resta en vigueur nonante ans, retira aux tribunaux civils leur compétence de juger les militaires en dehors du service. La justice militaire devint ainsi uniquement l’affaire des « officiers de justice militaire » (art. 9 s. OJPPM1889), élus par le Conseil fédéral, qui comprenaient l’auditeur en chef et son suppléant, le président du tribunal de cassation, les grands-juges, les auditeurs – chargés de la représentation de l’accusation, les juges d’instruction – nouvelle fonction chargée de l’instruction pénale au détriment des commandants de troupe (art 14 al. 1 OJPPM1889) – et les greffiers (art. 10 OJPPM1889).42 L’État-major judiciaire, comme institution de la Justice militaire, disparut.

[22]

Sur le plan institutionnel, la loi de 1889 créa huit Tribunaux militaires de division de première instance, soit un tribunal par division (art. 11 al. 1 OJPPM1889). Ce nombre fut réduit à six en 1911 avant d’être porté à neuf en 1938.43 Chaque tribunal était composé d’un grand-juge, fonctionnant comme président, de quatre juges – deux officiers et deux sous-officiers –, d’un auditeur et d’un greffier (art. 13 OJPPM1889) ; si un officier était renvoyé devant un tribunal, ce dernier était alors uniquement composé d’officiers. Le jury, qui avait été introduit par la Loi fédérale du 27 août 1851 sur la justice pénale pour les troupes fédérales, fut considéré comme désuet et abandonné. Il convient de souligner que, dès 1911, le président ne sera plus secondé que de six juges (trois officiers et trois sous-officiers ou soldats) et que la composition du tribunal demeurera identique quel que soit le grade de l’accusé.44 1911 est également l’année où, pour la première fois, des soldats intègreront la composition d’un tribunal militaire (pour rappel, ils avaient précédemment appartenu au jury des Tribunaux de guerre ordinaire sous le régime de la Loi fédérale du 27 août 1851 sur la justice pénale pour les troupes fédérales). La loi de 1889 modifia également la compétence des tribunaux : alors que, depuis 1837, elle était déterminée par l’appartenance à une subdivision de l’armée, elle fut dorénavant déterminée par le lieu de commission de l’infraction (art. 12 al. 2 OJPPM1889). Le critère de rattachement sera cependant à nouveau modifié en 1937 au profit de la compétence en fonction de l’incorporation du prévenu, déjà en vigueur entre 1837 et 1889.45

[23]

La loi de 1889 créa également les Tribunaux supplémentaires, qui allaient devenir les Tribunaux territoriaux en 1938 (art. 11 al. 1 OJPPM1889).46 Ces tribunaux, qui étaient composés de manière identique que les Tribunaux de division (art. 13 OJPPM1889), devenaient effectifs en période de guerre et avaient alors notamment pour fonction de juger les internés militaires, les civils soumis au code pénal militaire et les internés civils et réfugiés qui étaient à la charge de l’armée ;47 cela fut le cas durant le service actif de la IIème guerre mondiale et s’accompagna d’une mise à mal des garanties de procédure de la défense.48

[24]

Un Tribunal disciplinaire fut également créé, qui visait à juger les officiers se rendant coupable d’inconduite ou d’actes incompatibles avec la dignité de leur grade, durant le service ou en dehors de celui-ci. Il était composé du chef du Département fédéral de la défense et de quatre chefs d’armes. Ce tribunal, sorte de « Tribunal d’honneur », fut supprimé en 1907.49

[25]

S’agissant de l’instance de recours, un Tribunal militaire de cassation unique remplaça les Tribunaux de cassation ordinaire et extraordinaire de la loi de 1837 (art. 17 OJPPM1889). Il était composé d’un président portant au moins le grade de colonel, de quatre juges portant un grade d’officier et de deux suppléants (art. 17 al. 1, 18 al. 2 OJPPM1889). Ce tribunal jugeait les recours en cassation contre les jugements des Tribunaux de division et des Tribunaux territoriaux (art. 19 OJPPM1889).50 Tous les membres de ce Tribunal devaient présenter une culture juridique (art. 18 al. 2 OJPPM1889).51

[26]

Un Tribunal militaire extraordinaire était compétent en instance unique ratione personae pour les affaires à l’encontre du commandant en chef de l’armée, de son chef d’état-major, des commandants de corps et divisionnaires et de leurs chefs d’état-major, des autres commandants d’unités d’armée et des chefs d’armes (art. 22 al. 1 OJPPM1889). Il était composé de trois colonels incorporés à la justice militaire, de quatre colonels commandants de corps d’armée ou colonels divisionnaires, et de quatre suppléants (deux colonels incorporés dans la justice militaire et deux commandants d’unités). L’auditeur en chef et un greffier y étaient également rattachés (art. 20 OJPPM1889).

[27]

Quant à l’auditeur en chef (art. 25 ss. OJPPM1889), il fut chargé de la direction et de la surveillance de la marche de la Justice militaire, sous le contrôle du Département militaire fédéral (art. 25 al. 1 OJPPM1889). Il était, de plus, le chef immédiat des auditeurs et des juges d’instruction (art. 25 al 2 OJPPM1889) et officiait comme accusateur public au sein du Tribunal militaire extraordinaire (art. 20, 27 al. 1 OJPPM1889).52

[28]

La double identité de l’auditeur en chef, comme directeur et surveillant de la marche de la Justice militaire, d’une part, et comme membre du Tribunal militaire extraordinaire en qualité d’accusateur public, d’autre part, n’était pas sans poser de problème du point de vue de l’indépendance. Néanmoins, comme l’indique Godel, « [l]a loi laissait penser à tort que l’AC était autorisé à intervenir auprès de ses subordonnés (juges d’instruction, auditeurs, juges, officiers de justice) et ainsi d’influencer les procédures. Toutefois, la réalité était tout autre puisque selon la loi, il n’était autorité qu’à transmettre des directives à caractère général »53.

[29]

La période qui suivit fut marquée par de nombreuses attaques contre la Justice militaire, avec notamment une initiative populaire demandant sa suppression qui fut rejetée en 1921.54 Dans ce contexte, le Code pénal militaire du 23 juin 192755 fut adopté sans qu’aucune modification fondamentale n’intervint sur le plan institutionnel. Il est toutefois intéressant de noter que le Conseil fédéral, en 1950, obtint la compétence de fixer le nombre de tribunaux militaires et de régler leurs compétences ; de la sorte, chaque modification dans l’organisation des troupes n’entraîna plus systématiquement une modification de l’organisation des tribunaux militaires.56 Par ailleurs, en 1976, l’indépendance des Tribunaux de division fut renforcée puisqu’ils devinrent troupes d’armée, alors qu’ils avaient jusqu’alors été rattachés aux États-majors de leurs divisions respectives.57

Figure 3 Organisation judiciaire de la Loi fédérale sur lOrganisation judiciaire et procédure pénale du 28 juin 1889

VI.

L’organisation judiciaire de 1979 ^

[30]

Il fallut attendre 1979, année où furent adoptées la Procédure pénale militaire du 23 mars 1979 (ci-après : PPM1979) et l’Ordonnance concernant la justice pénale militaire du 24 octobre 1979 (ci-après : OJPM1979), pour assister à une révision substantielle du cadre institutionnel de la Justice militaire. La réputation de l’institution ne s’était pas encore remise de l’extension des compétences des tribunaux militaires à la population civile durant la seconde guerre mondiale, s’agissant notamment des affaires en relation avec la sécurité de l’État, extension de compétences qui avait servi de prétexte pour affaiblir les droits de la défense.58 Dans la continuation de la réforme de 1976 qui avait détaché les tribunaux de l’État-major de leurs divisions, la réforme de 1979 poursuivit le but d’assurer l’indépendance et l’impartialité de l’institution sur le long terme.59 Dans ce sens, les tribunaux territoriaux et les tribunaux militaires extraordinaires furent supprimés.60

[31]

Suite à la réforme, les Tribunaux militaires de division, qui s’appelleront Tribunaux militaires dès 2003, furent les seuls à connaître les affaires relevant de la juridiction militaire. Ces tribunaux, au nombre de huit, étaient répartis entre les trois régions linguistiques : trois tribunaux francophones, quatre germanophones et un italophone (art. 13, Annexe 1 OJPM1979), avec une compétence entre tribunaux d’une même langue qui dépendait de la formation à laquelle appartenait le militaire (for de l’incorporation, art. 26 PPM1979, art. 14, Annexe 1 OJPM1979).

[32]

Par ailleurs, trois Tribunaux militaires dappel (TMA/MAG), un par région linguistique, furent créés (art. 9 ss PPM1979, art. 18 OJPM1979). Ils étaient dotés d’un pouvoir de cognition en fait et en droit (art. 172 ss PPM1979). L’instauration d’un appel précédant un éventuel recours auprès du tribunal militaire de cassation rallongea les procédures, mais améliora la qualité et l’équité des jugements.61

[33]

Les Tribunaux militaires et leurs sections et les Tribunaux militaires d’appel et leurs sections étaient composés d’un président (et non plus un « grand-juge ») du grade de colonel ou de lieutenant-colonel, de quatre juges – deux officiers et deux sous-officiers ou soldats (art. 8 al. 1, 2, 12 al.1, 2 PPM1979) – et d’un greffier (art. 8 al. 1, 12 al. 1 PPM1979). Le président, les juges et les juges suppléants étaient nommés par le Conseil fédéral pour une durée de quatre ans (art. 7 al. 1, 11 al. 1 PPM1979).

[34]

Le Tribunal militaire de cassation (TMC) fut maintenu (art. 13 ss PPM1979) et avait pour mission d’assurer l’uniformité des décisions rendues par les Tribunaux de division et par les Tribunaux d’appel. Il était composé d’un président du grade de colonel, de quatre juges – deux officiers et deux sous-officiers ou militaires de la troupe (art. 15 al. 1, 2 PPM1979) – et d’un greffier (art. 15 al. 1 PPM1979). Pour la première fois, des militaires n’ayant pas de grade d’officier, à savoir des sous-officiers, appointés et soldats, y furent admis comme juges (art. 15 al. 2 PPM1979). Le président, les juges et les juges suppléants étaient élus par l’Assemblée fédérale pour une période de quatre ans (art. 14 al. 1 PPM1979) et prêtaient serment ou faisaient la promesse solennelle devant le Tribunal militaire de cassation (art. 15a PPM1979).

[35]

Les juges de la troupe des trois instances n’étaient pas incorporés à la justice militaire, mais conservaient leur statut militaire (art. 7 al. 3, 11 al. 3, 14 al. 3 PPM1979).62

[36]

L’auditeur en chef, nommé pour quatre ans par le Conseil fédéral (art. 17 al. 1 PPM1979) et qui portait, depuis 1967, le grade de brigadier (art. 17 PPM1979),63 se chargeait de l’administration de la justice militaire (art. 16 al. 1 PPM1979) à travers la direction de l’Office de l’auditeur en chef. Il vit ses compétences restreintes et déterminées précisément dans la loi dans le but d’améliorer l’indépendance de la Justice militaire. Alors qu’il avait, jusqu’alors, fait office de supérieur des auditeurs et des juges d’instruction, ses compétences furent limitées à la seule surveillance de ces derniers.64 Il demeura néanmoins autorisé à leur fournir des conseils de nature générale (art. 16 al. 2 PPM1979, 20 al OJPM1979).

[37]

Seul réel bémol s’agissant de l’indépendance de la Justice militaire, les auditeurs, chargés de l’accusation publique, et les juges d’instruction, chargés de l’enquête, étaient attribués formellement aux différents tribunaux par l’auditeur en chef et se trouvaient donc dans un rapport hiérarchique par rapport au président de leur tribunal (art. 4 al. 2 PPM1979). Les auditeurs, s’ils n’apparaissaient plus dans la composition au sens étroit, étaient d’ailleurs également mentionnés dans l’article énumérant la composition des tribunaux de division (art. 8), comme personnes soutenant l’accusation (art. 8 al. 3 PPM1979).

[38]

Finalement, dans le même esprit de réforme en profondeur, le corps de la justice militaire s’ouvrit aux militaires n’ayant pas accompli d’école d’officier. Admis initialement uniquement à la fonction de greffier, leur nombre augmentera en parallèle avec l’extension des fonctions qu’ils furent autorisés à exercer. Longtemps porteurs du grade d’officier spécialiste (art. 2 al. 2 OJPM1979), ces militaires portent, depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2018, de l’Ordonnance concernant la justice militaire du 22 novembre 2017 (ci-après : OJM)65, les grades ordinaires d’officiers (art. 9, 26, Annexe 3 OJM).

 

Figure 4 Organisation judiciaire de lOrdonnance concernant la justice pénale militaire du 24 octobre 1979

VII.

L’organisation judiciaire de 2018 ^

[39]

La dernière modification institutionnelle de la Justice militaire entra en vigueur le 1er janvier 2018. Cette modification, qui se traduisit par l’entrée en vigueur de l’OJM et par une révision de la PPM1979,66 poursuit la volonté d’ancrage régional des institutions de l’armée et la volonté d’assurer l’indépendance de la justice militaire.

[40]

L’OJM répartit les autorités pénales militaires en trois régions : la Région 1, pour les francophones, la Région 2, pour les germanophones et la Région 3, pour les italophones (art. 17 OJM). Dans cette logique, le for est uniquement déterminé par la langue du prévenu, toute référence à son incorporation ayant disparu (art. 26 al. 1 PPM). La langue parlée par le justiciable devient ainsi le critère central de compétence judiciaire et ne constitue plus un motif exceptionnel de for spécial.

[41]

Chaque région compte un Tribunal militaire et un Tribunal militaire dappel (art. 19 al. 1 OJM). Selon les termes de l’art. 19 al. 1 let. a-c OJM, le Tribunal militaire 1 est doté de trois sections, le Tribunal militaire 2, de quatre sections et le Tribunal militaire 3 d’une section. Le nombre total de huit sections correspond donc au nombre de tribunaux militaires qui existaient jusqu’alors. Cependant, en pratique et contrairement à ce que prévoyait le projet d’organisation judiciaire, le Tribunal militaire 1 et le Tribunal militaire 2 siègent en divers lieux de leur région linguistique respective comme une seule chambre pénale : les présidents de tribunaux et les affaires à traiter ne sont pas attribués à l’une ou l’autre section régionale en fonction de critères territoriaux.67 Les tribunaux militaires d’appel sont quant à eux dotés chacun d’une section (art. 20 al. 1 OJM). Le Tribunal militaire de cassation, dernière instance, demeure compétent pour les trois régions linguistiques et continue d’assurer l’unité de la jurisprudence (art. 21 OJM).

[42]

La composition des différents tribunaux militaires n’a pas été affectée par la réforme. Les Tribunaux militaires et les Tribunaux militaires d’appel sont toujours composés d’un président du grade de colonel ou de lieutenant-colonel, de quatre juges – deux officiers et deux sous-officiers ou militaires de la troupe (art. 8 al. 2, 12 al. 2 PPM ) – et d’un greffier (art. 8 al. 1, 12 al. 1 PPM). Le président, les juges et les juges suppléants sont nommés par le Conseil fédéral pour quatre ans (art. 7 al. 1, 11 al. 1 PPM). Quant au Tribunal militaire de cassation, il demeure composé d’un président du grade de colonel, de quatre juges – deux officiers et deux sous-officiers ou militaires de la troupe (art. 15 al. 2 PPM) – et d’un greffier (art. 15 al. 1 PPM). Le président, les juges et les juges suppléants sont élus par l’Assemblée fédérale pour une période de quatre ans (art. 14 al. 1 PPM ) et prêtent serment ou font la promesse solennelle devant le Tribunal militaire de cassation (art. 15a PPM).

[43]

Il convient de souligner que les juges de la troupe des trois instances ne sont toujours pas incorporés à la justice militaire, mais qu’ils conservent leur statut militaire (art. 7 al. 3, 11 al. 3, 14 al. 3 PPM).

[44]

S’agissant des autorités de poursuite pénale, les juges d’instruction, chargés de l’instruction (art. 4a PPM), et les auditeurs, chargés de l’accusation (art. 4b PPM), sont organisés par région dans des pools indépendants des tribunaux militaires (art. 17 OJM), selon des règles fixées par le Conseil fédéral qui est compétent s’agissant de la définition de l’organisation judiciaire (art. 4c PPM). Ils sont ainsi parfaitement indépendants des différents tribunaux, alors qu’ils y étaient auparavant rattachés sur le plan formel.68 Chaque région est dirigée par un chef (chef des juges d’instruction, art. 17 al. 4 OJM ; chef des auditeurs, art. 17 al. 3 OJM) portant le grade de colonel, assisté d’un suppléant du grade de colonel ou de lieutenant-colonel (Annexe 3 ch. 4, 5 OJM). Par ailleurs, des auditeurs et juges d’instruction extraordinaires peuvent être désignés par l’auditeur en chef en vue d’intervenir dans des cas particuliers, tels que les enquêtes sur les accidents d’aviation (art. 18 al. 1 OJM),69 et des juges d’instruction extraordinaires peuvent être désignés pour l’audition de victimes d’infraction contre l’intégrité sexuelle selon l’art. 84d, let. a, PPM (art. 18 al. 2 OJM).

[45]

Les compétences de l’auditeur en chef (art. 16 PPM), qui demeure à la tête de l’Office de l’Auditeur en chef, sont réglées spécialement à l’art. 4 OJM et visent à favoriser l’indépendance de la justice militaire. Bien qu’il conserve la compétence de surveiller les auditeurs et les juges d’instruction (art. 16 al. 2 PPM), l’auditeur en chef ne peut plus que leur donner des conseils de nature technique. Les conseils de nature plus générale, acceptés jusqu’alors, sont proscrits (art. 4 al. 9 OJM). En vertu de l’art. 4 al. 8 OJM, il a également la charge de la surveillance du bon déroulement des procédures pénales sur le plan organisationnel. Il exerce, à cette fin, le pouvoir disciplinaire sur les membres de la justice militaire (art. 8 PPM). Finalement, l’auditeur en chef dispose de la compétence de trancher définitivement les conflits de compétences entre les autorités pénales militaires (art. 32 PPM).

 

Figure 5 Organisation judiciaire sous lOrdonnance concernant la justice militaire du 22 novembre 2017

VIII.

Conclusion ^

[46]

L’histoire des institutions de la Justice militaire illustre l’évolution d’une institution qui ne cessa de garder une commune mesure avec la réalité des époques qu’elle traversa, même si l’évolution prit parfois passablement de temps.

[47]

À l’époque confédérale, l’administration de la justice relevait essentiellement des cantons, conformément au Heimatprinzip. Par la suite, l’unification progressive du droit pénal militaire et l’instauration de tribunaux militaires fédéraux favorisèrent l’égalité de traitement entre inculpés, augmentèrent les garanties de procédure et accélérèrent ces dernières. La dernière révision centralisa les institutions de la Justice militaire en mettant l’accent sur les régions linguistiques du territoire afin de parfaire l’acceptabilité de ses décisions.

[48]

S’agissant de l’indépendance, 180 ans permirent de passer d’un système où juges et auditeurs cohabitaient au sein de l’État-major judiciaire et où l’État-major judiciaire était rattaché à l’État-major de l’armée à une Justice militaire dont les autorités d’instruction, d’accusation et de jugement sont indépendantes les unes des autres.

[49]

C’est ainsi dans un esprit de cohérence, qui tint compte des droits fondamentaux des accusés, que la Justice militaire suisse se développa.70 Il est souhaitable qu’il en aille de même à l’avenir.

Légende des figures

AeC – Auditeur en chef

Cour disc – Cour disciplinaire

D – Tribunal italophone

EM judiciaire – État-major judiciaire

F – Tribunal francophone

I – Tribunal italophone

JI – Juge d’instruction

JM – Justice militaire

MAG – Militärappelationsgericht

MG - Militärgericht

OJ – Organisation judiciaire

Sct – Section/sections

T cass – Tribunal de cassation

T cass ord – Tribunal de cassation ordinaire

T cass extraord – Tribunal de cassation extraordinaire

T de guerre extraord – Tribunal de guerre extraordinaire

T de guerre ord – Tribunal de guerre ordinaire

T div – Tribunal de division

T mil extraord – Tribunal militaire extraordinaire

TM – Tribunal militaire/Tribunale militare

TMA – Tribunal militaire d’appel/ Tribunale militare dappello

T terr – Tribunal territoria

 

 


Damiano Canapa, LL.M. (Bruges), LL.M. (Yale), Professeur associé à l’Université de Lausanne, auditeur auprès de la Région d’auditeurs 1.

Matthieu Silacci, BLaw, étudiant MLaw à l’Université de Lausanne, comptable de troupe auprès de la compagnie 3, ER San 42-1/19.

  1. 1 Cet article est dérivé d’une conférence donnée par le premier auteur dans le cadre du colloque « 180 ans de Justice militaire suisse » s’étant tenue à Zurich le 11 septembre 2018. Les auteurs remercient sincèrement le Maj Thierry Godel, Dr en droit, lecteur au Département de droit pénal de l’Université de Fribourg et ancien chef suppléant du service juridique de l’Office de l’Auditeur en chef pour sa relecture attentive.
  2. 2 Thierry Godel, La procédure pénale militaire en Suisse, Bâle 2018, p. 106.
  3. 3 DDPS, Développement de l’armée (https://www.vtg.admin.ch/fr/actualite/themes/deva.html, tous les sites internet ont été consultés pour la dernière fois le 1er avril 2019).
  4. 4 Bernard Stettler, « Der Sempacher Brief von 1393 – ein verkanntes Dokument aus der älteren Schweizergeschichte », Revue Suisse d'histoire (1985), pp. 1 – 20 (http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F9804.php).
  5. 5 Godel (nbp. 2), p. 99.
  6. 6 Stefan G. Schmid, Historische Einleitung, in : Wehrenberg Stefan/Martin Jean Daniel/Flachsmann Stefan/Bertschi Martin/Schmid Stefan G., Kommentar zum Militärstrafprozess/Commentaire de la Procédure pénale militaire, Zurich 2008, N 1. L’article 3 du Convenant de Sempach dispose: « [à] supposer qu’un soldat s’enfuie ou transgresse l’un des articles de cette charte, en particulier s’il commet quelque méfait dans une maison ou n’importe quoi qui lui attire l’accusation, vraie ou fausse, d’avoir fait ce que condamne cette charte, et au cas où, sur le témoignage de deux hommes honorables et intègres, il serait reconnu coupable par ceux dont il relève et qui ont à le juger, sa personne et ses biens sont à la disposition de ceux-ci et de nul autre d’entre nous. Et ceux-ci doivent le punir immédiatement en vertu des serments prêtés par leurs Villes ou leurs Pays, selon la faute qu’ils auront reconnue et constatée et de façon que cela serve à chacun d’exemple des actes dont on doit se garder. Et les autres doivent se contenter, sans aucune récrimination, du châtiment pratiqué à l’égard des siens par chaque Ville et chaque Pays », cité par David Lasserre, Alliances confédérales : 1291 – 1815, Erlenbach-Zurich 1941, pp. 51 – 53.
  7. 7 Godel (nbp. 2), p. 77.
  8. 8 Raphaël Barras, La justice militaire suisse : Aperçu historique, in : La justice militaire suisse : Plaquette à l’occasion du 150e anniversaire, Opfikon 1989, p. 9.
  9. 9 Edouard Krafft, Justice militaire, Lausanne 1918, p. 38.
  10. 10 Barras (nbp. 8), p. 10.
  11. 11 Krafft (nbp. 9), p. 41.
  12. 12 Partie A de la Loi du 24 novembre 1800. Le général-commandant disposait, de plus, d’une compétence législative exceptionnelle dont il faisait usage lorsque le comportement répréhensible en cause n’était pas prévu dans la loi pénale militaire ; il fixait alors la peine selon son appréciation, cf. Félicien Monnier, Juge et soldat, Essai sur les fondements de la justice militaire suisse, Pully 2016, p. 56.
  13. 13 Schmid (nbp. 6), N 19 ; Barras (nbp. 8), p. 12 s. ; Krafft (nbp. 9), p. 42.
  14. 14 Barras (nbp. 8), p.10.
  15. 15 Pierre Bydzovsky/Philippe Angelozzi/Fabien Rutz, « La justice militaire Suisse », Revue militaire Suisse (1/2013), p. 39.
  16. 16 Barras (nbp. 8), p.10.
  17. 17 La loi de 1818 était d’ailleurs basée sur le Code pénal militaire pour les Régiments Suisses au service de Sa Majesté très chrétienne, dit « Code Gady », qui avait été rédigé par le Maréchal de camp Nicolas de Gady à l’usage des régiments de mercenaires suisses. Sur l’administration de la justice pour les troupes du mercenariat, voir généralement Krafft (nbp. 9), pp. 44 ss.
  18. 18 Schmid (nbp. 6), N 20. Sur le processus législatif ayant mené à l’adoption de ce code, cf. Werner Lüthi, Regenerationsbewegung und eidgenössische Strafrechtspflege, RPS 1932, pp. 61 ss.
  19. 19 Bruno Steiner, Die eidgenössische Militärjustiz unter General Dufour im Sonderbundskrieg 1847/48, Thèse, Zurich 1983, pp. 12 s., 15 ss. Les troupes cantonales demeuraient soumises aux règles pénales et de procédure de leurs cantons respectifs.
  20. 20 Bydzovsky/Angelozzi/Rutz (nbp. 15), p. 39.
  21. 21 Le commandant en chef, commandant des troupes fédérales, avait la haute surveillance sur l’administration de la justice, sans possibilité d’exercer une influence sur la procédure ou sur le jugement, cf. Barras (nbp. 8), p. 17.
  22. 22 Le nombre de membres de l’État-major judiciaire fut porté à 19 en 1845 et à 48 en 1848, cf. Barras (nbp. 8), p. 16.
  23. 23 Barras (nbp. 8), p. 16.
  24. 24 Godel (nbp. 2), p. 116.
  25. 25 Monnier (nbp. 12), pp. 61 – 62.
  26. 26 Franz Riklin, « Die Entwicklung des Rechtsmittelsystems im Militärstrafverfahren der Schweiz in den letzten 150 Jahren », in : La justice militaire suisse : Plaquette à l’occasion du 150e anniversaire, Opfikon 1989, p. 28. Les militaires qui n’avaient pas pu être jugés durant leur service étaient donc traduits devant les tribunaux militaires cantonaux, cf. Barras (nbp. 8), p. 15.
  27. 27 Barras (nbp. 8), pp. 15 s.
  28. 28 Barras (nbp. 8), p. 16.
  29. 29 Barras (nbp. 8), p. 16.
  30. 30 Krafft (nbp. 9), p. 47 ; sur le contexte ayant mené à l’adoption de cette loi, cf. Schmid (nbp. 6), N 25 s.
  31. 31 Krafft (nbp. 9), pp. 48 s.
  32. 32 Barras (nbp. 8), p.19.
  33. 33 Schmid (nbp. 6), N 27.
  34. 34 Barras (nbp. 8), p. 19.
  35. 35 Barras (nbp. 8), p. 20.
  36. 36 Bydzovsky (nbp. 15), p. 40.
  37. 37 Krafft (nbp. 9), p. 49.
  38. 38 Riklin (nbp. 26), p. 28.
  39. 39 Karl Studer, Die Militärstrafgerichtsbarkeit im Bundesstaat, Aarau 1980, pp. 27 ss.
  40. 40 Schmid (nbp. 6), N 30 ; cf. également Loi fédérale sur l’organisation militaire du 13 novembre 1874.
  41. 41 Loi fédérale sur l’organisation judiciaire et la procédure pénale pour l’armée fédérale (RS 3 451).
  42. 42 Schmid (nbp. 6), N 32.
  43. 43 Cf. Arrêté du Conseil fédéral du 4 février 1938 concernant la compétence des tribunaux de division et des tribunaux territoriaux, RO 54 62 ; à ce propos, cf. Schmid (nbp. 6), N 32 s.
  44. 44 Art. 3 du Loi fédérale modifiant l’organisation judiciaire et procédure pénale pour l’armée fédérale du 23 décembre 1911, FF 1911 V 342.
  45. 45 Barras (nbp. 8) p. 21.
  46. 46 Godel (nbp. 2), pp. 133 s.
  47. 47 Barras (nbp. 8), p. 21.
  48. 48 Bydzovsky/Angelozzi/Rutz (nbp. 15), p. 40.
  49. 49 Barras (nbp. 8), p. 20 ; Schmid (nbp. 6), N 32.
  50. 50 L’OJPPM1889 ne prévoyait donc qu’une seule instance de recours (cassation) contre les jugements des tribunaux de division, cf. Krafft (nbp. 9), p. 61.
  51. 51 Monnier (nbp. 12), p. 68.
  52. 52 Schmid (nbp. 6), N 32.
  53. 53 Godel (nbp. 2), p. 162.
  54. 54 Rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 14 mars 1921 concernant le résultat de la votation populaire du 30 janvier 1921 sur la demande d'initiative visant l'introduction d'un article 58bis dans la constitution fédérale (suppression de la justice militaire), FF 1921 I 431.
  55. 55 Code pénal militaire du 13 juin 1927 (RS 321.0 ; CPM).
  56. 56 Schmid (nbp. 6), N 40.
  57. 57 Barras (nbp. 8), p. 22.
  58. 58 Voi supra IV. L’organisation judiciaire de 1889.
  59. 59 L’art. 1 PPM prévoit d’ailleurs toujours que « [l]’indépendance de la justice militaire est garantie ».
  60. 60 Ces derniers n’avaient d’ailleurs jamais siégé, cf. Barras (nbp. 8), p. 22.
  61. 61 Godel (nbp. 2), p. 161.
  62. 62 Par ailleurs, l’incorporation dans la justice militaire s’ouvrit aux militaires dénués de culture juridique pour des tâches n’en exigeant pas (art. 2 al. 2 PPM1979).
  63. 63 Schmid (nbp. 6), N 41.
  64. 64 Godel (nbp. 2), p. 162.
  65. 65 Ordonnance concernant la justice militaire du 22 novembre 2017 (RS 516.41 ; OJM).
  66. 66 Il est fait référence, dans la suite de ce texte, à la « PPM » pour évoquer la PPM1979 dans son état au 1er janvier 2019.
  67. 67 Godel (nbp. 2), p. 201.
  68. 68 Signe de cette indépendance, les art. 4 al. 2 et 8 al. 3 PPM1979 furent abrogés.
  69. 69 A titre d’exemple, la Justice militaire des forces aériennes (JM FA) est composée d’un Chef JM FA du grade de colonel et d’un Chef suppléant JM FA du grade de lieutenant-colonel (Annexe 3 ch. 6 OJM).
  70. 70 A noter que l’indépendance des tribunaux militaires fut jugée conforme à la Convention européenne des droits de l’homme par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt CourEDH du 22 février 1984, Sutter c. Suisse, para. 29 ss, confirmé par la suite par la Décision de la Commission européenne des droits de l'homme du 1er décembre 1986, Kuenzi c. Suisse, GAAC 51.78, c. 1 ; à ce sujet, voir généralement Geissbühler Grégoire, « L’armée suisse face à la CourEDH », in : Boillet Véronique/Maiani Francesco/Poltier Etienne/Rietiker Daniel/Wilson Barbara, L’influence du droit de l’Union européenne et de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit suisse, Zurich 2016.