Chère lectrice, cher lecteur,
L’édition 2015/2 de notre Revue «Justice - Justiz - Giustizia» comporte principalement des questions relatives à l’indépendance des juges, thème central et inépuisable de nos préoccupations.
On suggère de commencer la lecture par la contribution de Daniela Wuthrich. Pour son travail de Master de la Faculté de droit de l’Université de Berne intitulé : « Bedeutung der Parteizugehörigkeit bei den Bundesrichterwahlen », l’auteure a choisi d’analyser le rôle que jouent dans notre pays les partis politiques dans l’élection des juges fédéraux.
Dans sa contribution très complète, elle décrit le processus aboutissant à l’élection ; elle se penche aussi sur la persistance des liens qui unissent le juge au parti qui l’a soutenu, lien concrétisé en particulier par la redevance, parfois très élevée, que ce juge verse à son parti. Après une comparaison avec le système en vigueur dans quelques cantons, ainsi qu’à l’étranger, elle aborde la question des remèdes que tente d’apporter notre ordre juridique à cette influence du politique dans l’élection des juges, si difficilement compatible avec les principes fondamentaux d’indépendance et d’impartialité qui régissent le pouvoir judiciaire.
Dans son exposé intitulé : « Probleme der Aufsicht des Bundesgerichtes über die unteren eidgenössischen Gerichte (sog. Intraorgankontrolle) », présenté en janvier 2015 à l’Académie suisse de la magistrature, Niccolò Raselli, qui fut juge au Tribunal fédéral jusqu’en 2012, se penche sur la question du pouvoir de contrôle qu’exercent, en partie conjointement, le Parlement fédéral et le Tribunal fédéral sur les autorités judiciaires fédérales. L’auteur met en relief la distinction entre le contrôle de la fonction juridictionnelle, contrôle qui ne peut s’opérer que par la mise en œuvre des voies de droit, et celui de l’activité administrative des juges et tribunaux.
Cette distinction est parfois délicate, ainsi que le montre Niccolò Raselli, par exemple lorsque l’examen d’un dysfonctionnement est en relation avec la violation de principes fondamentaux en procédure.
C’est aussi une question, plus originale, touchant également à l’indépendance des magistrats, que présentait Niccolò Raselli aux étudiants de l’Académie suisse de la magistrature.
Sous le titre: « Kaltstellung durch Kollegen als faktische Abberufung » et s’inspirant de 5 exemples récents largement médiatisés Il examine les effets de la mise à l’écart par ses pairs d’un magistrat, judiciaire ou politique, en le privant concrètement d’exercer ses fonctions. L’auteur constate l’absence de base légale satisfaisante pour de telles mesures. De plus, si, à l’expiration du mandat, l’autorité de nomination ne réélit pas ces magistrats, elle les prive ainsi d’une décision conforme à l’article 30 Cst.
A ce propos, on lira aussi la reprise d’un article de presse relatant la proposition toute récente du Conseil des Etats qui plaide pour le versement d’une indemnité de départ d’un an au maximum pour un magistrat qui, sans sa faute, n’est pas réélu. Sans constituer une réponse au constat précité de Niccolò Raselli, la proposition parlementaire précitée répare quelque peu l’injustice qu’il dénonce.
Dans un autre registre, on vous invite à lire l’étude très complète de Jan Zähnder, greffier de la IIème cour de droit public du Tribunal fédéral, sur les cas dans lesquels des frais de justice peuvent être mis à la charge non pas de la partie qui succombe, comme le veut la règle, mais de son mandataire.
Enfin, au chapitre de la responsabilité personnelle des juges du fait de leur activité juridictionnelle, thème développé dans notre édition 2014/4, on relève cette nouvelle peu rassurante : un requérant d’asile Sri-Lankais renvoyé dans son pays et qui dit y avoir subi emprisonnement et torture a récemment déposé plainte pénale notamment pour contrainte et lésions corporelles graves contre le juge du TFA qui a pris la décision de refus de l’asile et de renvoi, ainsi que contre son greffier. Affaire à suivre !
Les contributions de «Justice - Justiz - Giustizia» figurent désormais également en texte intégral dans l’App Weblaw et sont consultables en ligne par les abonnés. Vous pouvez télécharger l’application à l’aide des systèmes d’exploitation Android (via Google play) et Apple (via App Store), à chaque fois en version pour tablettes ou en version pour smartphones.
Nous vous souhaitons une lecture stimulante.
L’équipe de rédaction : Emanuela Epiney-Colombo, Stephan Gass, Regina Kiener, Hans-Jakob Mosimann, Thomas Stadelmann, Pierre Zappelli.