Arrêt du Tribunal fédéral 2C_101/2022 du 2 novembre 2022

Convention de double imposition (CDI) Suisse – Etats-Unis

  • Trattato da: Rafi Feller
  • Categoria di articoli: Sentenza di principio
  • Campo del diritto: Assistenza amministrativa internazionale
  • Citazione: Rafi Feller, Arrêt du Tribunal fédéral 2C_101/2022 du 2 novembre 2022, ASA Online: Sentenza di principio
Arrêt du Tribunal fédéral 2C_101/2022 du 2 novembre 2022 dans la cause opposant A._______ et B._______ contre l’Administration fédérale des contributions. Application de l’art. 20 al. 3 LAAF (objet).
Recours contre l’arrêt du Tribunal administratif fédéral A-900/2020 et A-920/2020.

Contenu

  • 1. Regeste
  • 2. Faits (résumé)
  • 3. Extrait des considérants

1.

Regeste ^

Selon l’art. 20 al. 3, deuxième phrase LAAF, lorsque les renseignements obtenus sont destinés à être transmis à des autorités pénales, l’AFC les donne en accord avec l’Office fédéral de la justice. Cette disposition et de manière plus générale la LAAF ont été adoptées pour correspondre au standard du modèle de l’art. 26 MC OCDE. L’art. 20 al. 3 LAAF a été édicté pour régler la procédure lorsque l’Etat requérant entend utiliser les renseignements qu’il reçoit à d’autres fins que (pénales) fiscales en accord avec l’Office fédéral de la justice (consid. 8.1–8.3).

L’art. 26 aCDI CH-US n’est pas calqué sur l’art. 26 MC OCDE. Il permet d’emblée la transmission des renseignements à une autorité de poursuite pénale. L’art. 26 aCDI CH-US ne prévoit d’ailleurs aucun accord préalable pour la transmission à une autorité pénale concernée par la poursuite d’une infraction constitutive de fraude ou délit semblable. Il s’ensuit que l’art. 20 al. 3 LAAF ne s’applique pas aux procédures d’assistance administrative qui sont fondées sur l’art. 26 aCDI CH-US (consid 8.4 et 8.5).

Gemäss Art. 20 Abs. 3 zweiter Satz StAhiG, sollen die erhaltenen Informationen an Strafbehörden weitergeleitet werden, so erteilt die ESTV die Zustimmung im Einvernehmen mit dem Bundesamt für Justiz. Diese Bestimmung und im Allgemeinen das StAhiG wurden erlassen um dem Standard des Modells von Art. 26 OECD-MA zu entsprechen. Art. 20 Abs. 3 StAhiG wurde erlassen um das Verfahren zu regeln, wenn der ersuchende Staat die erhaltenen Informationen in Absprache mit dem Bundesamt für Justiz zu anderen als (steuer-)strafrechtlichen Zwecken verwenden will (E. 8.1–8.3).

Art. 26 aDBA CH-US entspricht nicht Art. 26 OECD-MA. Er erlaubt von vornherein die Weiterleitung der Informationen an eine Strafverfolgungsbehörde. Art. 26 aDBA CH-US sieht im Übrigen keine vorherige Zustimmung vor, wenn die Informationen an eine Strafverfolgungsbehörde weitergeleitet werden, die mit der Verfolgung von Betrugsdelikten oder ähnlichen Straftaten befasst ist. Daraus folgt, dass Art. 20 Abs. 3 StAhiG nicht auf Amtshilfeverfahren anwendbar ist, die sich auf Art. 26 aDBA CH-US stützen (E. 8.4 und 8.5).

2.

Faits (résumé) ^

A.

A.a. Le 2 juillet 2019, le Service américain d’échange d’informations en matière fiscale (Department of the Treasury, Internal Revenue Service; ci-après: l’IRS ou l’autorité requérante) a adressé une demande d’assistance administrative à l’Administration fédérale des contributions (ci-après: l’Administration fédérale). Elle indiquait être en train de procéder à l’examen d’un compte bancaire ouvert auprès de la banque C.AG (ci-après: la Banque, laquelle bénéficiait du statut d’intermédiaire qualifié; art. 105 al. 2 LTF). Ce compte, ouvert au nom d’une société de domicile étrangère, avait investi dans des titres américains. Le formulaire A lié à ce compte indiquait un bénéficiaire économique américain, mais le formulaire W-8BEN (Declaration of Non-US Status) contredisait les indications figurant sur ce formulaire. Le dossier bancaire lié à ce compte ne contenait par ailleurs pas de formulaire W-9 et la Banque n’avait pas non plus transmis de formulaire 1099 à l’IRS aux fins d’annoncer les revenus imposables. L’autorité requérante énumérait par ailleurs plusieurs ordres qui avaient été passés sur ce compte par des bénéficiaires économiques, qui avaient la nationalité américaine. L’autorité requérante soupçonnait que ce compte ait été utilisé dans un montage fiscal constitutif de fraude ou de délit semblable et sollicitait partant l’assistance administrative de la Suisse pour obtenir des renseignements sur ce compte pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2017.

A.b. – A.c. (…)

B.

Par décision finale du 14 janvier 2020, l’Administration fédérale a partiellement accordé l’assistance administrative à l’autorité requérante (…)

Contre cette décision, A. et B. ont formé chacun un recours auprès du Tribunal administratif fédéral (…)

Le Tribunal administratif fédéral a statué par arrêt du 12 janvier 2022. Après avoir joint les causes, il a jugé que les conditions de l’assistance administrative étaient remplies et confirmé la décision finale du 14 janvier 2020, (…) et a aussi ordonné de préciser que les informations transmises ne pourraient être utilisées qu’à l’encontre de A. et de B. dans le cadre d’une procédure conformément à l’art. 26 CDI CH-US.

C.

Contre l’arrêt du 12 janvier 2022 du Tribunal administratif fédéral, A. et B. forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Sous suite de frais et dépens, ils concluent, principalement, à son annulation et à sa réforme, en ce sens que la demande d’assistance est refusée; subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause au Tribunal administratif fédéral pour qu’il réforme son arrêt en refusant l’assistance administrative à l’autorité requérante.

D.

(…)

3.

Extrait des considérants ^

1.

(...)

1.1. Contre les décisions en matière d’assistance administrative internationale en matière fiscale, le recours en matière de droit public n’est recevable que lorsqu’une question juridique de principe se pose ou lorsqu’il s’agit pour d’autres motifs d’un cas particulièrement important au sens de l’art. 84 al. 2 LTF (cf. art. 83 let. h et 84a LTF). (…)

1.2. Les recourants soutiennent notamment que la présente cause soulève une question juridique de principe liée à l’application de l’art. 20 al. 3 de la loi fédérale du 28 septembre 2012 sur l’assistance administrative internationale en matière fiscale (LAAF; RS 651.1). Il s’agit de déterminer si, conformément à cette disposition, l’Administration fédérale n’aurait pas dû obtenir l’accord de l’Office fédéral de la justice avant d’accorder l’assistance administrative aux Etats-Unis, dès lors que les renseignements seront transmis au Département américain de la justice (ci-après: DoJ; cf. extrait de la demande reproduit supra sous let. A.a). Le point de savoir si l’art. 20 al. 3 LAAF est susceptible de s’appliquer dans le cadre d’une procédure d’assistance administrative reposant, comme en l’espèce, sur l’art. 26 de la Convention du 2 octobre 1996 entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d’Amérique en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu, dans sa teneur originelle (ci-après: aCDI CH-US; RO 1999 1460; cf. infra consid. 4.1), n’a jamais été examiné par le Tribunal fédéral. Dans la mesure où, dans l’affirmative, l’art. 20 al. 3 LAAF serait susceptible d’avoir un impact sur le déroulement de la procédure en Suisse, cette question mérite un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral. Le recours remplit donc la condition de recevabilité de l’art. 84a LTF.

1.3. (…)

2.

Lorsqu’il entre en matière en raison de l’existence d’une question juridique de principe, le Tribunal fédéral examine l’affaire en application des art. 95 ss et 105 ss LTF dans leur ensemble, sans se limiter aux seules questions justifiant l’entrée en matière selon l’art. 84a LTF (cf. ATF 141 II 14 consid. 1.2.2.4 et les références).

3.

(…)

4.

Il convient d’abord de déterminer le droit applicable à la présente cause.

4.1. Les demandes d’assistance administrative américaines déposées comme en l’espèce avant le 20 septembre 2019 sont régies par l’art. 26 aCDI CH-US, par le chiffre 10 du Protocole à l’aCDI CH-US et par le ch. 8 du Protocole d’Accord à l’aCDI CH-US (publiés sous RO 1999 1460, 1482 et 1489; …).

4.2. En droit interne, la procédure d’exécution des demandes d’assistance administratives américaines qui sont fondées sur l’aCDI CH-US et qui sont déposées à partir du 1er février 2013, date d’entrée en vigueur de la LAAF, est régie par cette loi fédérale, et non par les art. 20c à 20l de l’ordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention de double imposition américano-suisse du 2 octobre 1996. (…) Ses dispositions ne peuvent donc pas aller à l’encontre de la convention sur laquelle repose la demande d’assistance administrative à l’origine de la procédure (…).

5.

En l’espèce, le Tribunal administratif fédéral a estimé que les conditions de l’art. 26 aCDI CH-US étaient remplies et que l’assistance requise devait partant être accordée aux Etats-Unis. Il ressortait de la demande du 2 juillet 2019 que l’IRS soupçonnait l’existence d’un montage fiscal constitutif de fraude et délit semblable en lien avec le compte identifié sous n° 59 au sein de la Banque, et les infractions concernées étaient couvertes par le champ d’application de la notion de fraude fiscale exprimée au chiffre 10 ad art. 26 du Protocole à l’aCDI CH-US. Par ailleurs, comme l’art. 26 par. 1 aCDI CH-US autorisait l’utilisation des renseignements transmis aux fins de la poursuite d’infractions fiscales, les renseignements pouvaient être communiqués au DoJ sans autorisation préalable des autorités suisses, le DoJ étant une autorité concernée au sens de l’art. 26 par. 1 aCDI CH-US. L’autorisation préalable de l’Office fédéral de la justice qui figurait à l’art. 20 al. 3 LAAF n’était au demeurant pas une condition de validité de la décision de l’Administration fédérale.

6.

(…)

7.

Les recourants font valoir que le Tribunal administratif fédéral a violé l’art. 26 par. 1 aCDI CH-US à double titre.

7.1. Ils soutiennent d’abord que, contrairement à ce qu’ont retenu les juges précédents, l’art. 26 par. 1 aCDI CH-US ne permet pas d’utiliser les renseignements à des fins de poursuite d’infractions pénales fiscales. Si le Tribunal fédéral devait néanmoins confirmer l’arrêt attaqué sur ce point, ils font valoir que cette disposition n’autorise pas l’utilisation des renseignements reçus pour entamer la poursuite d’infractions pénales de droit commun. Les juges précédents auraient partant violé l’art. 26 aCDI CH-US en confirmant l’octroi de l’assistance administrative, dès lors que l’infraction de « conspiracy to defraud the United States » mentionnée dans la demande serait précisément une infraction de droit pénal commun, car elle ne figure pas dans le Titre du Code des Etats-Unis dédié aux infractions fiscales.

7.1.1. L’art. 26 aCDI CH-US a la teneur suivante:

Les autorités compétentes des Etats contractants échangent les renseignements (que les législations fiscales des deux Etats contractants permettent d’obtenir) nécessaires pour appliquer les dispositions de la présente Convention, ou pour prévenir les fraudes et délits semblables portant sur un impôt visé par la présente Convention. Dans les cas de fraude fiscale, (a) l’échange de renseignements n’est pas limité par l’article 1 (Personnes visées) et (b) s’il est expressément demandé par l’autorité compétente d’un Etat contractant, l’autorité compétente de l’autre Etat contractant fournira les renseignements conformément au présent article sous forme de copie authentique des données ou documents originaux non modifiés. Tout renseignement reçu par un Etat contractant doit être tenu secret, de la même manière que les renseignements obtenus en application de la législation fiscale de cet Etat, et n’est communiqué qu’aux personnes ou autorités (y compris les tribunaux et organes administratifs) concernées par l’établissement ou le recouvrement des impôts visés par la Convention, par l’administration et la mise en exécution de ces impôts, ou par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts. Ces personnes ou autorités n’utilisent ces renseignements qu’à ces fins. Il ne pourra pas être échangé de renseignements qui dévoileraient un secret commercial, d’affaires, industriel ou professionnel ou un procédé commercial.

Il ressort de la première phrase de l’art. 26 par. 1 aCDI CH-US que l’échange de renseignements peut avoir pour but l’application des dispositions de la présente Convention ou la prévention des fraudes et délits semblables portant sur un impôt visé par la présente Convention. Dans ce dernier cas, la jurisprudence retient qu’une demande d’assistance administrative est fondée en cas de soupçon suffisant de commission de telles infractions (ATF 144 II 29 consid. 4.1; 139 II 404 consid. 9.5; 451 consid. 2.2.1). La notion de fraude fiscale de l’art. 26 par. 1 aCDI CH-US est définie au ch. 10 du Protocole à l’aCDI CH-US comme suit:

Il est entendu que l’expression « fraude fiscale » désigne une attitude frauduleuse qui a pour effet, ou qui vise, une soustraction illégale et importante d’un montant d’impôt dû à un Etat contractant.

Une attitude frauduleuse est réalisée lorsqu’un contribuable utilise ou a l’intention d’utiliser dans le dessein de tromper les autorités fiscales des titres faux ou falsifiés (p. ex. une double comptabilité, de fausses factures, un bilan ou un compte de pertes et profits au contenu incorrect, des commandes fictives ou en règle générale d’autres moyens de preuves falsifiés) ou une construction mensongère. Il est entendu que cette énumération est exemplaire et non exhaustive. L’expression « fraude fiscale » peut également comprendre des agissements qui, au moment de la présentation de la demande, représentent des comportements délictueux à l’égard desquels l’Etat contractant requis peut obtenir des renseignements conformément à sa législation et à sa pratique administrative.

Selon la jurisprudence, une attitude frauduleuse au sens du ch. 10 du Protocole à l’aCDI CH-US peut déjà être retenue lorsqu’un contribuable fait usage, dans le dessein de tromper les autorités fiscales, de manoeuvres qui sont de nature à diminuer illégalement ses impôts. Une tromperie astucieuse ne peut cependant être retenue qu’en cas de machination spéciale, de stratagème ou de construction mensongère (ATF 139 II 404 consid. 9.3 et les références; arrêt 2A.430/2005 du 12 avril 2005 consid. 4.1).

7.1.2. L’art. 26 aCDI CH-US ne détaille pas les infractions qui sont susceptibles de poursuites aux Etats-Unis en cas de soupçon de fraude fiscale. En effet, est seul déterminant le fait que l’on soit en présence d’une fraude fiscale (ou délit semblable) au sens défini sous le chiffre 10 du Protocole à l’aCDI CH-US. En d’autres termes, les renseignements transmis en application de l’art. 26 aCDI CH-US peuvent être utilisés pour réprimer la commission de toute infraction, pour autant que celle-ci réprime une fraude fiscale au sens du chiffre 10 du Protocole à l’aCDI CH-US, laquelle désigne une attitude frauduleuse qui a pour effet ou qui vise une soustraction illégale et importante d’un montant d’impôt dû à un Etat contractant (cf. supra consid. 7.1.1). L’Etat requérant est à cet égard présumé agir de bonne foi (sur les fondements de la présomption de bonne foi, cf. ATF 146 II 150 consid. 5.3.1 et 7.1 et les références). Conformément à la jurisprudence, la présomption de bonne foi n’empêche pas l’Etat requis de requérir des explications de l’Etat requérant en cas de doutes sérieux. La présomption de la bonne foi d’un Etat ne peut toutefois être renversée que sur la base de faits concrets et établis (ATF 146 II 150 consid. 7.1; 144 II 206 consid. 4.4; 143 II 202 consid. 8.7.4).

7.1.3. En l’espèce, il ressort des faits constatés par l’instance précédente qu’une société de domicile était titulaire d’un compte bancaire ouvert en Suisse au sein de la Banque. Certains des ayants droit économiques de ce compte, contribuables américains, avaient passé directement des ordres sur ce compte. Ce compte contenait par ailleurs des titres américains; or, aucun formulaire W-9 ni 1066, qui servent à déclarer l’impôt à la source américain, n’avait été transmis par la Banque, et le formulaire américain W-8BEN (destiné à déclarer le statut de l’ayant droit économique pour le prélèvement à la source) avait été établi au nom de la société, et non des ayants droit économiques. Le Tribunal fédéral a déjà été amené à qualifier une constellation de faits similaire à celle du cas d’espèce. Il en a conclu qu’elle permettait de fonder un soupçon suffisant de commission de fraude fiscale au sens de l’art. 26 aCDI CH-US, parce que la structure mise en place avait pour but de tromper l’IRS par une construction mensongère destinée à diminuer illégalement les impôts dus aux Etats-Unis (cf. ATF 139 II 404 consid. 9.6 à 9.10; sur le système d’intermédiaire qualifié mis en place aux Etats-Unis en 2001 et sa possible utilisation détournée aux fins d’éluder l’impôt à la source américain, cf. entre autres: Xavier Oberson, « Tax fraud or the like » selon l’art. 26 de la CDI de 1996 entre les Etats-Unis d’Amérique et la Suisse, in Archives 91, p. 110 s. et p. 114; Michael Nordin/Roland Wild, in Amtshilfe, 2020, § 5 DBA USA, n° 1). Les recourants ne le contestent du reste pas. S’agissant de l’utilisation des renseignements, l’IRS et le DoJ ont – quand bien même l’aCDI CH-US ne l’exige pas – dûment exposé dans quels buts les renseignements reçus seraient susceptibles d’être utilisés (cf. supra let. A). Sous l’angle de la bonne foi, aucun élément ne permet donc de renverser la présomption que cette utilisation sera conforme à l’art. 26 aCDI CH-US.

7.1.4. Les arguments des recourants ne sont pas propres à conduire à une autre conclusion. C’est d’abord en vain qu’ils reprochent aux autorités américaines d’envisager des poursuites dans des causes « civiles ou pénales », puisque le passage complet de la demande d’assistance – qu’ils s’abstiennent de citer – est « causes civiles ou pénales impliquant l’application de la loi fiscale » ( « in civil or criminal cases involving tax enforcement »; […]). C’est aussi en vain qu’ils relèvent que la poursuite de l’infraction de conspiracy to defraud the United States ( « conspiration visant à commettre une fraude aux dépens des Etats-Unis »), qui est mentionnée dans la demande parmi les infractions concernées, constituerait une utilisation non conforme des renseignements, en raison de la nature purement pénale de cette infraction. Ils se limitent en effet à souligner son prétendu caractère de droit pénal commun, sans expliquer, ni même alléguer, pourquoi cette infraction ne peut pas être liée à une attitude frauduleuse selon chiffre 10 du Protocole à l’aCDI CH-US, constitutive de fraude fiscale ou délit semblable au sens de l’art. 26 aCDI CH-US. On peut du reste relever sur ce point que, selon la définition de cette infraction qui figure dans la demande, il y a « conspiracy to defraud the United States » si deux personnes ou plus conspirent, afin de commettre un délit contre les Etats-Unis ou une fraude aux dépens des Etats-Unis ou de l’un de ses organismes, de quelque manière et dans quelque but que ce soit, et qu’une ou plusieurs de ces personnes accomplissent un acte pour réaliser l’objet de la conspiration ( « if two or more persons conspire either to commit any offense against the United States, or to defraud the United States, or any agency thereof in any manner or for any purpose, and one or more of such persons do any act to effect the object of the conspiracy »). Au vu de ce libellé, on ne peut pas exclure que cette infraction ait vocation à entrer en ligne de compte lorsque, comme en l’espèce, les autorités américaines soupçonnent des personnes d’avoir eu une attitude frauduleuse visant à tromper l’IRS. Au surplus, cette infraction est mentionnée dans le chapitre 23 du « Criminal Tax manual » édicté par le DoJ, qui expose qu’elle entre en ligne de compte lorsque l’IRS est visé par un comportement frauduleux (manuel consultable à l’adresse https://www.justice.gov/tax/foia-library/criminal-tax-manual-title-page-0, p. 2 et p. 22 s. du chapitre 23). Ce manuel est une simple directive du DoJ, mais il tend aussi à montrer que cette infraction participe au champ matériel de l’art. 26 aCDI CH-US et du chiffre 10 du Protocole à l’aCDI CH-US.

7.1.5. Au vu de ce qui précède, le premier grief de violation de l’art. 26 aCDI CH-US est rejeté.

7.2. Les recourants soutiennent ensuite que le Tribunal administratif fédéral a violé l’art. 26 aCDI CH-US en ne constatant pas que les renseignements ne peuvent pas être transmis au DoJ, parce que celle-ci est une autorité de poursuite pénale et qu’elle n’est pas mentionnée comme autorité concernée à l’art. 3 par. 1 let. f aCDI CH-US.

7.2.1. L’art. 3 par. 1 aCDI CH-US contient des définitions générales de notions figurant dans la Convention.

Selon l’art. 3 par. 1 let. f (ii) aCDI CH-US, la notion d’autorité compétente utilisée dans la Convention désigne aux Etats-Unis le Secrétaire du Trésor ou son représentant (soit l’IRS) et ne mentionne pas le DoJ. Les recourants ne peuvent toutefois rien en tirer. En effet, l’art. 26 par. 1 3e phrase aCDI CH-US, qui énumère les autorités qui peuvent recevoir les renseignements, fait référence aux autorités « concernées » et non pas à l’autorité « compétente ». Il n’y a donc pas lieu d’interpréter la notion d’autorités concernées de l’art. 26 aCDI CH-US à la lumière de l’art. 3 par. 1 let. f aCDI CH-US et de limiter celles-ci à la seule notion d’autorité « compétente ».

7.2.2. Le point de savoir quelles sont, aux Etats-Unis, les autorités concernées au sens de l’art. 26 par. 1 3e phrase aCDI CH-US relève du droit de procédure américain. Déterminer si le DoJ en fait partie n’est pas relevant pour l’application de l’art. 26 aCDI-CH-US, quand bien même il s’agirait d’une autorité de poursuite pénale.

Au surplus, il ressort du site internet officiel du DoJ que cette autorité comprend une « Tax Division », laquelle a notamment pour mission de superviser l’application du droit fiscal pénal fédéral et de diriger les enquêtes et/ou les poursuites dans certaines affaires fiscales pénales, en particulier en cas de violations impliquant une activité internationale, comme l’utilisation de trusts offshore ou de comptes bancaires étrangers pour éluder l’impôt ( « Oversee all federal criminal tax enforcement and direct the investigation and/or prosecution of selected criminal tax cases (...) not infrequently focusing on violations involving international activity, such as the use of offshore trusts and foreign bank accounts to evade taxes »; cf. l’extrait du deuxième paragraphe décrivant les activités de la Tax Division du DoJ, consultable sur le site du DoJ à l’adresse https://www.justice.gov/jmd/organization-mission-and-functions-manual-tax-division; art. 105 al. 2 LTF). Ce texte tend à démontrer que le DoJ est bien une autorité concernée au sens de l’art. 26 par. 1 aCDI CH-US.

7.2.3. Le second grief de violation de l’art. 26 aCDI CH-US est partant infondé et doit donc aussi être rejeté.

8.

Les recourants font finalement valoir une violation de l’art. 20 al. 3 LAAF. Selon eux, l’Administration fédérale aurait dû demander l’accord préalable de l’Office fédéral de la justice avant de transmettre les renseignements requis au DoJ, parce qu’il s’agit d’une autorité pénale.

8.1. Selon l’art. 20 al. 3 LAAF, lorsque la convention applicable prévoit que les renseignements obtenus dans le cadre de l’assistance administrative peuvent, pour autant que l’autorité compétente de l’Etat requis y consente, aussi être utilisés à des fins autres que fiscales ou transmis à un Etat tiers, l’AFC donne son consentement après examen. Lorsque les renseignements obtenus sont destinés à être transmis à des autorités pénales, l’AFC les donne en accord avec l’Office fédéral de la justice.

8.2. La LAAF étant une loi d’exécution, ses dispositions ont vocation à concrétiser les dispositions conventionnelles applicables dans le cas d’espèce. Ses dispositions ne peuvent en revanche pas aller à l’encontre de la convention sur laquelle repose la demande d’assistance administrative (supra consid. 4.2).

Il convient donc de déterminer la portée de l’art. 20 al. 3 LAAF, pour savoir si elle concrétise l’art. 26 aCDI CH-US.

8.3. A cet effet, il faut se rappeler que la LAAF a été adoptée après que le Conseil fédéral a annoncé, le 13 mars 2009, un changement de politique majeur en matière d’échange de renseignements, en déclarant vouloir désormais adapter les clauses d’échanges de renseignements en matière fiscale pour qu’elles correspondent au standard de l’art. 26 du Modèle de Convention OCDE concernant le revenu et la fortune (MC OCDE; Message du 6 juillet 2011 concernant l’adoption d’une loi sur l’assistance administrative fiscale, FF 2011 5772; cf. ATF 142 II 161 consid. 4.3). L’adoption du standard de l’art. 26 MC OCDE a impliqué que l’échange de renseignements serait, désormais, ouvert en cas de simple soupçon de soustraction fiscale, voire à des seules fins d’application du droit fiscal, sans soupçon de comportement contraire au droit pénal fiscal (par exemple, pour vérifier des prix de transfert, cf. ATF 143 II 185 consid. 3.3.3 et les références; arrêt 2C_481/2021 du 19 mai 2022 consid. 7.5 destiné à la publication).

L’art 26 par. 2 MC OCDE décrit notamment les personnes et les autorités de l’Etat requérant auxquelles les renseignements peuvent être communiqués, et dans quels buts ils peuvent être utilisés. Il en ressort que l’Etat requérant ne peut utiliser les renseignements reçus qu’aux fins prévues à l’art. 26 par. 1 MC OCDE, soit à des fins (pénales) fiscales. L’Etat requérant ne peut pas les utiliser dans d’autres buts, par exemple pour appliquer des dispositions de son droit pénal non fiscal, sauf si, conformément à la dernière phrase de l’art. 26 par. 2 MC OCDE ( « Nonobstant ce qui précède... »), la législation des deux Etats l’autorise et que l’autorité compétente de l’Etat qui fournit ces renseignements autorise cette utilisation (sur ces points cf. ATF 146 II 150 consid. 7.5; arrêts 2C_750/2020 du 25 mars 2021 consid. 8.2; 2C_542/2018 du 10 mars 2021 consid. 4.4; OCDE, Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune, éd. 2017, n° 12.3 ad art. 26 MC OCDE; Xavier Oberson, in Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le revenu et la fortune, Commentaire, 2014, n° 93 et n° 94 ad art. 26 MC OCDE; Andrea Opel, in Amtshilfe, 2020, p. 123 n° 206 et p. 124 n° 211).

L’art. 20 al. 3 LAAF a été édicté pour régler la procédure lorsque l’Etat requérant entend utiliser les renseignements qu’il reçoit à d’autres fins qu’à des fins (pénales) fiscales (Message précité, FF 2011, 5798; Charlotte Schoder, StAhiG, Praxiskommentar zum Bundesgesetz über die internationale Amtshilfe in Steuersachen, 2014, n° 281 et n° 282 ad art. 20 StAhiG). Le Message précise en particulier que, « si les renseignements obtenus doivent être transmis à des autorités pénales afin de poursuivre des délits non fiscaux, elle donne ce consentement en accord avec l’Office fédéral de la justice » (Message, FF 2011, 5798).

8.4. Comme on l’a vu (supra consid. 7.1.1), l’art. 26 aCDI CHUS ouvre l’assistance administrative en cas de soupçon suffisant de fraude ou délit semblable. L’art. 26 aCDI CH-US n’est ainsi pas calqué sur l’art. 26 MC OCDE et n’en a pas la même nature (cf. déjà ATF 139 II 404 consid. 7.2.2 p. 425). Par ailleurs, l’art. 26 aCDICH-US permet d’emblée la transmission des renseignements à une autorité de poursuite pénale, si celle-ci est concernée par la poursuite d’infractions liées à un comportement frauduleux constitutif de fraude fiscale ou délit semblable (supra consid. 7.2.1). L’art. 26 aCDI CH-US ne prévoit d’ailleurs logiquement aucun accord préalable des deux Etats en cas de transmission à une autorités pénale concernée par la poursuite d’une infraction constitutive de fraude ou délit semblable, pas plus du reste que les art. 20c ss de l’Ordonnance du Conseil fédéral du 15 juin 1998 concernant la convention de double imposition américano-suisse du 2 octobre 1996 (RS 672.933.61) (supra consid. 4.2). Il s’ensuit que l’art. 20 al. 3 LAAF ne s’applique pas aux procédures d’assistance administrative qui sont fondées sur l’art. 26 aCDI CH-US.

8.5. Dans ces circonstances, c’est en vain que les recourants reprochent au Tribunal administratif fédéral d’avoir violé l’art. 20 al. 3 LAAF. Le grief est partant rejeté.

9. – 10.

(…)