Arrêt du Tribunal fédéral 2C_201/2016 du 3 novembre 2017

Status updates

  • 24 aprile 2018
  • Trattato da: Susanne Raas
  • Categoria del articolo: Sentenza di principio
  • Campo del diritto: Assistenza amministrativa internazionale
  • Citazione: Susanne Raas, Arrêt du Tribunal fédéral 2C_201/2016 du 3 novembre 2017, ASA Online: Sentenza di principio
Arrêt du Tribunal fédéral 2C_201/2016 du 3 novembre 2017 en la cause Administration fédérale des contributions contre A. Question juridique de principe. Publication ATF prévue.

Contenu

  • 1. Regeste
  • 2. Extrait des considérants

1.

Regeste ^

En tant qu'autorité requise, l'Administration fédérale des contributions peut informer l'autorité requérante de l'état d'avancement de la procédure d'assistance administrative en matière internationale, en particulier si un recours contre la décision finale a été formé (status updates).
Quale autorità richiesta, l’Amministrazione federale delle contribuzioni può informare l’autorità richiedente circa lo stato di avanzamento della procedura di assistenza amministrativa in materia internazionale, in particolare se è stato presentato un ricorso contro la decisione finale (status updates).
Die Eidgenössische Steuerverwaltung darf als ersuchte Behörde der ersuchenden Behörde im Rahmen eines Verfahrens der internationalen Amtshilfe den Stand des Verfahrens mitteilen, insbesondere ob in einem Verfahren eine Beschwerde gegen die Schlussverfügung eingereicht wurde (Status Updates).

2.

Extrait des considérants ^

5.
5.1. S'agissant de l'interdiction de remettre des informations sur l'état de la procédure (status updates), la décision incidente attaquée repose en substance sur le raisonnement suivant : le Tribunal administratif fédéral a tout d'abord relevé que la transmission d'informations relatives à l'état des procédures d'assistance administrative aux autorités fiscales requérantes était apparemment une pratique habituelle de l'Administration fédérale [des contributions], qui établit des tableaux synoptiques à cet effet. Dans le tableau destiné aux autorités espagnoles daté du 30 novembre 2015, il était indiqué : « An appeal has been lodged. The further proceeding is in the hands of our federal courts » (« Un recours a été formé. La suite de la procédure est dans les mains des cours fédérales »). Selon les juges précédents, l'information du 30 novembre 2015 était prématurée, car l'autorité inférieure avait ainsi indirectement fait savoir aux autorités espagnoles qu'il existait potentiellement des informations à lui transmettre et que l'intéressée s'y opposait au moyen d'une procédure de recours. Ce faisant, l'Administration fédérale avait déjà répondu en partie à la question du fisc espagnol, avant même que la procédure d'assistance ne soit terminée. Un tel procédé n'était pas compatible avec l'effet suspensif assorti au recours (art. 19 al. 3 de la loi fédérale sur l'assistance administrative internationale en matière fiscale [LAAF ; RS 651.1]), qui exclut que l'Administration fédérale transmette des informations faisant l'objet de la procédure de recours avant que celle-ci ne soit terminée. En outre, il existait un risque que les personnes concernées soient soumises à des sanctions ou subissent des inconvénients dans leur pays d'origine pour avoir usé des voies de droit prévues par le droit suisse, ce que la Suisse devait chercher à empêcher. Même si les autorités requérantes pouvaient inférer du temps écoulé que la procédure faisait l'objet d'un recours, elles n'en avaient pas la preuve stricte sans communication officielle de l'Administration fédérale. Enfin, la décision entreprise retient que la communication de l'Administration fédérale ne reposait sur aucune base légale, rien n'étant prévu dans la Convention du 26 avril 1966 entre la Confédération suisse et l'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (RS 0.672.933.21 ; ci-après : CDI CH-ES), ni dans le Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l'OCDE (ci-après : MC OCDE), ni dans la LAAF et qu'au contraire, une telle indication semblait difficilement compatible avec les art. 8 al. 4, 15 et 20 al. 1 LAAF.
5.2–5.3 […]
6.
La première question qui doit être tranchée consiste à déterminer si le fait d'informer l'autorité requérante qu'un recours a été interjeté contre une décision finale de l'Administration fédérale revient à lui communiquer une information matérielle (point de vue de l'instance précédente et de l'intimée) ou si, comme le soutient la recourante, il ne s'agit là que d'une information procédurale. Selon la réponse apportée à cette question, le point de savoir si une telle communication est ou non admissible se posera en des termes différents.
6.1. Déterminer auprès de quelle autorité ou degré d'instance se trouve une cause est, fondamentalement et par nature, une information de nature procédurale.
Dans le contexte de l'assistance administrative internationale en matière fiscale, le fait que l'Administration fédérale informe l'autorité requérante qu'un recours a été déposé contre une décision qu'elle a rendue dans un cas d'espèce permet certes à cette dernière de comprendre que l'assistance administrative a été accordée par l'autorité administrative, mais que cette décision est contestée. Or, on ne voit pas pour quel motif la personne visée par la demande – ou une autre personne concernée par celle-ci – aurait sinon intérêt à recourir. En informant l'autorité requérante de l'existence d'un recours, l'Administration fédérale lui fait donc indirectement savoir qu'il existe potentiellement des informations transmissibles et que ceci a été constaté dans une décision qui est portée devant les instances judiciaires compétentes. Le raisonnement du Tribunal administratif fédéral ne porte sur ce point pas le flanc à la critique. Cette conséquence n'est toutefois qu'indirecte et n'est pas propre à changer la nature fondamentalement procédurale de l'indication ainsi fournie, pour les raisons suivantes.
Lorsqu'une demande d'assistance administrative vise à obtenir des renseignements vraisemblablement pertinents pour l'administration ou l'application de la législation interne de l'Etat requérant (cf., dans le contexte du cas d'espèce, l'art. 25bis par. 1 CDI CH-ES), ce sont ces renseignements qui constituent le cœur et la raison d'être de la demande d'assistance administrative et qui, en d'autres termes, sont les informations matérielles relevantes pour l'Etat requérant. En indiquant à l'autorité requérante qu'un recours a été formé contre sa décision, l'Administration fédérale ne lui fournit aucun des renseignements requis, en d'autres termes aucune information vraisemblablement pertinente pour la taxation des contribuables. La communication de l'existence d'un recours ne constitue donc pas une exécution partielle de l'assistance administrative. Le cas d'espèce permet de l'illustrer. Dans sa demande du 31 octobre 2014, l'autorité requérante a précisé qu'elle avait besoin des informations requises « in order to set the revenue obtained from these assets by their beneficial owners » (« en vue d'établir le revenu obtenu de ces éléments de fortune par leurs bénéficiaires » ; art. 105 al. 2 LTF). Or, la seule information de l'existence potentielle de renseignements transmissibles n'apporte strictement aucun élément de nature à permettre à l'Etat requérant d'établir le montant de ce revenu. Sous cet angle, il faut bien admettre qu'aucune information matérielle n'a été fournie à l'autorité requérante.
Par ailleurs, le ch. 6 de l'art. IV ad art. 25bis du Protocole à la CDI CH-ES prévoit que les autorités compétentes donneront les renseignements requis aussi rapidement que possible à l'autre Etat contractant. La Suisse s'est donc engagée à faire preuve de diligence dans le traitement des demandes d'assistance administrative. Dans ces circonstances, et comme l'admettent du reste également les juges précédents, le simple écoulement du temps permet à l'Etat requérant de conclure que l'affaire a donné lieu à recours devant les autorités judiciaires suisses. En l'occurrence, l'autorité requérante pouvait ainsi déjà se douter, au moment de recevoir le status update le 30 novembre 2015, que si elle n'avait obtenu aucune indication de la part de l'Administration fédérale à la suite de sa demande formée plus d'un an auparavant, c'est parce que la décision faisait l'objet d'un recours.
6.2. Il découle de ce qui précède qu'en informant l'autorité requérante de l'existence d'un recours, l'Administration fédérale lui a communiqué une information procédurale.
Ceci étant posé, il convient d'examiner la conformité au droit de l'arrêt attaqué.
7.
Le litige se limite au ch. 1 du dispositif de la décision attaquée, qui interdit pro futuro à l'Administration fédérale de transmettre des informations aux autorités espagnoles avant qu'il n'ait été statué sur la demande d'assistance par une décision entrée en force. […].
L'examen qui va suivre reviendra ainsi exclusivement à déterminer si, en tant qu'Etat requis, la Suisse est en droit de fournir à l'Etat requérant des informations de nature procédurale, à l'instar de la communication faite aux autorités espagnoles le 30 novembre 2015, alors qu'une demande d'assistance administrative est pendante (pratique des status updates).
8.
Les dispositions qui régissent l'assistance administrative sont par nature procédurale. Les conventions de double imposition posent des règles qui fixent les exigences matérielles de cette procédure, alors que le droit interne sert à en concrétiser l'exécution en Suisse (arrêt 2C_643/2016 [du 1er septembre 2017 = ATF 143 II 628] consid. 4.3 […] ; cf. aussi ATF 143 II 224 consid. 6.1 p. 228 ; 143 II 136 consid. 4.2 à 4.4 p. 144 ss). Il convient donc, dans un premier temps, d'examiner si la pratique des status updates trouve son fondement dans le droit international applicable, comme l'affirme la recourante, contrairement à la décision attaquée.
8.1. Selon l'art. 25bis par. 1 CDI CH-ES, les autorités compétentes des Etats contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la Convention ou pour l'administration ou l'application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des Etats contractants, de leurs subdivisions politiques ou de leurs collectivités locales dans la mesure où l'imposition qu'elle prévoit n'est pas contraire à la Convention. L'art. IV ch.  4 du Protocole à la Convention souligne qu'aucune obligation n'incombe à l'un des Etats contractants, sur la base de l'art. 25bis de la Convention, de procéder à un échange de renseignements spontané ou automatique. Le ch. 5 de l'art. IV du Protocole à la Convention prévoit que les règles de procédure administrative relative aux droits du contribuable prévues dans l'Etat contractant requis demeurent applicables avant que l'information ne soit transmise à l'Etat contractant requérant. Il est en outre entendu que cette disposition vise à garantir une procédure équitable au contribuable et non pas à éviter ou retarder sans motif le processus d'échange de renseignements. Enfin, selon le ch. 6 1e phrase de l'art. IV du Protocole à la Convention, les autorités compétentes donneront les renseignements requis aussi rapidement que possible à l'autre Etat contractant.
Il en découle que la CDI CH-ES pose des conditions à la remise des renseignements matériels, soit les informations qui font l'objet de la demande d'assistance, en exigeant notamment qu'ils soient vraisemblablement pertinents et en excluant l'échange spontané de renseignements, à savoir des renseignements pertinents mais qui n'ont pas été demandés (arrêt 2C_1087/2016 du 31 mars 2017 consid. 3.3). S'agissant des règles procédurales, l'art. 25bis CDI CH-ES, complété par son Protocole, renvoie de manière générale à la procédure administrative de l'Etat requis. Toutefois, la CDI insiste sur le fait que l'Etat requis ne doit pas mettre en place une procédure revenant à retarder sans motif l'échange de renseignements et qu'il a l'obligation de fournir les renseignements requis aussi vite que possible (cf. art. IV ch. 5 et 6 du Protocole à la Convention). Il convient donc de se demander si ces injonctions peuvent être prises en considération pour la résolution de la problématique ici traitée et en déterminer la portée en rapport avec la remise d'informations sur l'état de la procédure.
8.2. Répondre à cette question suppose préalablement d'interpréter la CDI CH-ES, étant rappelé que l'interprétation des conventions de double imposition s'effectue conformément aux règles de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (RS 0.111 ; ci-après : CV ; ATF 143 II 202 consid. 6.3.1 p. 207 s. ; 142 II 161 consid. 2.1.3 p. 167 ; 139 II 404 consid. 7.2.1 p. 422).
8.2.1. [Interprétation selon la CV]
8.2.2. Parmi les règles pertinentes de droit international applicables dans les relations entre les parties mentionnées à l'art. 31 ch. 3 let. c CV, le Tribunal fédéral retient que des textes internationaux qui n'ont qu'une valeur de « soft law », tels des recommandations ou des commentaires, constituent d'importants moyens auxiliaires d'interprétation, dans la mesure où ces textes internationaux reflètent les traditions juridiques communes aux Etats membres des organisations sous les auspices desquelles ils ont été élaborés, dont la Suisse se réclame et dont, partant, il y a lieu de tenir compte (ATF 123 I 112 consid. 4d/cc p. 121 ; 122 I 222 consid. 2a/aa p. 226 ; 118 Ia 64 consid. 2a ; au sujet de la Recommandation du Conseil de l'Europe sur les règles pénitentiaires européennes et son Commentaire : ATF 143 I 241 consid. 4.5 p. 240 s. ; 141 I 141 consid. 6.3.3 p. 146 ; 140 I 125 p. 132 s.). Il sera dès lors fait référence à de tels textes dans la mesure utile.
8.2.3. Dans le contexte, en développement constant, de l'échange de renseignements en matière fiscale, l'environnement juridique international qui se dégage des travaux tels que ceux de l'OCDE, auxquels la Suisse participe activement, est pris en compte lorsqu'il s'agit de déterminer la portée d'une CDI. Ainsi, l'interprétation des dispositions des CDI, qui sont conçues selon le modèle de Convention OCDE, se fait non seulement à la lumière de ce texte, mais aussi de son Commentaire (ATF 142 II 161 consid. 2.1 p. 164 s.), que la jurisprudence a récemment qualifié d'appoint important (ATF 143 II 136 consid. 5.2.3 p. 149). Le Commentaire est régulièrement adapté. Il permet ainsi, dans la mesure où il se rapporte à une disposition du Modèle de Convention OCDE qui trouve son équivalent dans la CDI applicable, d'en donner une interprétation évolutive qui correspond aux standards les plus récents reconnus par les Etats membres de cette organisation.
8.3. L'art. 25bis CDI CH-ES complété par le Protocole est calqué sur l'art. 26 du Modèle de Convention OCDE. Partant, le Commentaire OCDE de cette disposition peut servir à l'interprétation de cet article (s'agissant de la CDI CH-ES, cf. déjà ATF 102 Ib 264 consid. 3c p. 269).
En l'occurrence, le Commentaire MC OCDE insiste sur la nécessité, pour les Etats requis, de mettre en place une procédure rapide : il réserve ainsi la possibilité de fixer dans les traités des délais de réponse relatifs aux échanges de renseignements ; en l'absence d'un tel accord, il prévoit que les renseignements devront être communiqués le plus rapidement possible et, sauf lorsque le retard est dû à des obstacles d'ordre juridique, dans des délais allant de deux à six mois, selon que les autorités fiscales de l'Etat contractant requis sont ou non déjà en possession des renseignements demandés. Lorsque l'Etat contractant requis n'est pas en mesure de communiquer les renseignements demandés dans les délais en raison d'obstacles juridiques (par exemple, en raison d'un litige en cours entamé par le contribuable pour contester la validité de la demande), il n'est pas considéré comme n'ayant pas respecté les délais (cf. Commentaire MC OCDE, nos 10.4 et 10.5 ad art. 26 MC OCDE). En outre, si l'Etat requérant prévoit, comme la Suisse, une procédure de notification aux personnes qui ont fourni les renseignements et/ou au contribuable qui fait l'objet de l'enquête avant la communication des renseignements, l'Etat requérant doit informer par écrit l'autre Etat qu'il est tenu à cette obligation et des conséquences de celle-ci ; cette communication doit intervenir lors de la conclusion de la convention et à chaque modification des règles applicables (Commentaire MC OCDE, ch. 14.1 ad art. 26 MC OCDE).
8.4. On doit se demander si, sous l'angle de la bonne foi, les exigences figurant dans le Commentaire MC OCDE, telles la rapidité dans le traitement de la demande, la fixation de délais pour ce faire et l'obligation d'informer au préalable l'Etat requérant de l'existence d'une procédure de notification, n'ont pas pour corollaire que l'Etat requis, qui n'est pas en mesure de les respecter, en informe l'Etat requérant.
8.4.1. Les travaux du Forum Mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales (ci-après : le Forum Mondial) se prononcent explicitement sur cette question. Cette institution, créée par l'OCDE en 2001, veille à ce que les normes internationales en matière de transparence et d'échange d'informations à des fins fiscales soient respectées au niveau international et mises en œuvre de façon cohérente. Il s'agit du plus grand organisme existant en matière fiscale. Il compte actuellement 146 membres (dont tous les pays de l'OCDE et du G20), qui se sont tous engagés à respecter la norme internationale en matière de transparence et d'échange de renseignements (échange de renseignements sur demande). La Suisse en fait partie depuis 2009 (Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales, Documentations de base des 26 juillet 2016 p. 1 et 17 juillet 2017 p. 1, accessibles à l'adresse www.sif.admin.ch > Documentation > Communiqués de presse).
8.4.2. En 2002, le Forum Mondial a mis au point le MAER [Modèle d'accord de 2002 sur l'échange de renseignements établi par le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales]. Bien que ce texte vise surtout des Etats non membres de l'OCDE, principalement des paradis fiscaux, il a fortement influencé l'art. 26 MC OCDE et l'on retrouve, dans le Commentaire concernant l'art. 26 MC OCDE, des phrases entières provenant du Commentaire MAER (Xavier Oberson, in : Robert Danon/Daniel Gutmann/Xavier Oberson/Pasquale Pistone [eds.], Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le revenu et la fortune, Commentaire, 2014, n° 13 art. 26 MC OCDE).
8.4.3. Il convient de préciser que, pas plus que le MC OCDE et son commentaire officiel, le MAER et son commentaire ne constituent des règles de droit contraignantes pour la Suisse. Il n'en demeure pas moins que ces textes, dans la mesure où ils expriment la conception juridique commune aux Etats membres des organisations dont ils émanent (dont font partie la Suisse et l'Espagne), peuvent être utilisés pour interpréter les dispositions des CDI qui sont calquées sur des dispositions qui se retrouvent à la fois dans le MC OCDE et dans le MAER (cf. supra consid. 8.2.2). Il est ainsi admis que le Commentaire du MAER peut servir à interpréter le Commentaire MC OCDE dans la mesure où les deux modèles (MAER et MC OCDE) ont un contenu similaire (cf. Oberson, op. cit., n° 16 ad art. 26 MC OCDE). Par ricochet, ce commentaire peut donc servir à l'interprétation des dispositions des CDI qui correspondent au MC OCDE.
8.4.4. En l'occurrence, l'art. 5 ch. 6 du MAER prévoit, à l'instar du Commentaire MC OCDE, que l'autorité compétente de la partie requise transmet aussi rapidement que possible à la partie requérante les renseignements demandés [...]. Le MAER est toutefois plus précis, dans la mesure où il ajoute que, si l'autorité compétente de la partie requise n'a pas pu obtenir et fournir les renseignements dans les 90 jours à compter de la réception de la demande, y compris dans le cas où elle rencontre des obstacles pour fournir les renseignements ou refuse de fournir les renseignements, elle en informe immédiatement la partie requérante, en indiquant les raisons de l'incapacité dans laquelle elle se trouve de fournir les renseignements, la nature des obstacles rencontrés ou les motifs de son refus (art. 5 par. 6 let. b MAER). Ces précisions vont dans le sens des obligations de diligence prévues par l'art. 25bis CDI CH-ES et son Protocole. Elles peuvent, partant, être prises en considération dans l'interprétation de l'art. 25bis CDI CH-ES, en lien avec le Commentaire n° 10.4 ad art. 26 du MC OCDE, dans la mesure où elles en concrétisent la portée.
8.5. A cela s'ajoute que la fourniture des status updates est désormais conçue comme un standard internationalement reconnu. En effet, le Forum Mondial examine le respect concret des exigences en matière d'assistance administrative des pays membres, par un Groupe d'examen dont la Suisse fait du reste partie (examen par les pairs ; Peer Reviews ; Niccolò Figundio, Fase 2 del Peer Review process: il Global Forum promuove la Svizzera, in Novità fiscali, 12/2016, p. 27), afin d'évaluer les progrès accomplis en vue d'assurer un échange de renseignements effectifs et complets, en se fondant sur les exigences du MAER et de l'art. 26 MC OCDE (cf. Daniel Holenstein, in : Martin Zweifel/Michael Beusch/René Matteotti [eds.], Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht – Internationales Steuerrecht, 2015, n° 44 ss ad art. 26 OECD MA). La Suisse s'est engagée à respecter ces standards (cf. ATF 143 II 136 consid. 5.3.2 p. 149 s.). Le Forum Mondial a établi, en 2010, des « termes de référence » qui sont des critères utilisés en tant qu'éléments permettant l'évaluation du cadre juridique et administratif des Etats examinés. Il se trouve que le « terme de référence » C5 prévoit que : La juridiction doit fournir rapidement les renseignements demandés en vertu de son réseau de conventions. Le point C.5.1 précise quant à lui que : Les juridictions doivent être en mesure de répondre dans les 90 jours à compter de la réception de la demande en fournissant les renseignements requis ou en informant la juridiction requérante du statut de sa demande (cf. Forum Mondial, Lancement d'un processus d'examen par les pairs, Termes de référence, OCDE 2010, consultable sur le lien https://www.oecd.org/fr/ctp/44839470.pdf, p. 11 ; cf. aussi le Manuel pour les examens par les pairs 2016–2020 établi par le Forum Mondial, p. 29). La fourniture de status updates correspond ainsi à un standard reconnu sur le plan international que les Etats membres, dont la Suisse, se sont engagés à mettre en œuvre.
La Suisse a fait l'objet d'une évaluation et a obtenu, en juillet 2016, la note globale « conforme pour l'essentiel » (cf. SFI, Documentation de base 2016 précitée, p. 1 ; Figundio, op. cit., p. 27 ss). Le rapport d'évaluation de la Suisse (cf. OCDE, Forum Mondial : Rapport d'examen par les pairs. Phase 2 : Mise en œuvre pratique des normes, Suisse, 2016) confirme que le respect du critère 5.1 des termes de référence a été apprécié. Le rapport souligne à ce propos que si, au début de la période d'examen, la Suisse n'envoyait pas systématiquement la mise à jour de l'état d'avancement de la demande, elle avait mis en place un nouveau système depuis 2015, dans lequel l'état d'avancement actualisé était adressé à tous les pays partenaires toutes les six semaines (Rapport précité, p. 144 ss, en particulier p. 148 n. 449). Il a en outre été souligné que la Suisse avait amélioré sa collaboration avec ses pays partenaires en renforçant notamment la communication (Rapport précité, p. 150 n. 459 ; Figundio, op. cit., p. 30).
9.
En résumé, il découle de ce qui précède que la fourniture de status updates constitue une pratique qui participe de la correcte et diligente application des obligations conventionnelles qui lient les Etats qui, comme la Suisse, ont conclu des clauses d'échanges de renseignements calquées sur le MC OCDE. Dans le contexte de la CDI CH-ES, cette pratique résulte de l'application de l'art. 25bis de cette Convention et de son Protocole, interprétés à la lumière du principe de la bonne foi et en tenant compte du Commentaire de l'art. 26 MC OCDE (consid. 8.3), en lien avec le Commentaire du MAER (consid. 8.4). Cette approche correspond en outre aux standards internationaux reconnus qui ont servi de critères d'évaluation dans le cadre de la procédure d'examen par les pairs mise en œuvre par le Forum Mondial, à laquelle la Suisse a participé (consid. 8.5).
L'Administration fédérale n'a donc pas contrevenu au droit international en informant en l'espèce l'autorité requérante qu'un recours avait été formé et que la procédure était dans les mains des cours fédérales.
10.
Contrairement à ce que retient le Tribunal administratif fédéral, il n'apparaît au demeurant pas que la remise de status updates entre en conflit avec la LAAF ou d'autres principes de notre droit interne.
10.1. Au préalable, il convient de rappeler que la LAAF n'est là que pour concrétiser en droit interne la mise en application des règles sur l'échange de renseignements prévus dans les CDI. Il s'agit, en ce sens, d'une loi d'exécution (cf. art. 24 LAAF ; ATF 143 II 136 consid. 4.4. p. 145). Elle doit, partant, être interprétée à la lumière des dispositions de la CDI concernée et ne saurait en empêcher l'application.
10.2. Les informations visées sur le plan international par les « status updates » sont des informations de nature procédurale qui doivent être suffisamment précises pour permettre à l'Etat requérant de savoir pour quels motifs l'Etat requis n'est pas en mesure de statuer avec diligence sur la demande (cf. supra consid. 8.3–8.5). Les informations matérielles, qui correspondent au résultat de la procédure, ne sont en revanche pas visées. En l'occurrence, il a déjà été souligné que l'indication de l'Administration fédérale fournie le 30 novembre 2015 constitue une information procédurale et non matérielle (cf. supra consid. 6).
10.3. Partant, on ne voit pas qu'une telle information procédurale déroge à l'effet suspensif dont bénéficie le recours en matière d'assistance administrative (cf. art. 19 al. 3 LAAF), ni qu'elle soit incompatible avec l'art. 8 al. 4 LAAF qui exclut le droit pour l'autorité requérante de consulter le dossier ou d'assister aux actes de procédure exécutés en Suisse. En outre, aucun renseignement matériel n'étant transmis, la pratique des status updates ne va pas davantage à l'encontre de l'art. 20 al. 1 LAAF.
10.4. Par ailleurs, il n'apparaît pas que la remise de status updates soit propre à créer le risque, évoqué par le Tribunal administratif fédéral, que des pays cherchent à dissuader leurs résidents d'user des voies de droit prévues par le droit suisse (cf. en lien avec les Etats-Unis : arrêt 2C_54/2014 du 2 juin 2014 consid. 4, in ASA 83 [2014/2015], p. 169 ; StE 2014 A 31.4 Nr. 20). En effet, lorsque, comme en l'espèce, la demande d'assistance administrative concerne un contribuable nommément désigné, l'Etat requérant connaît déjà celui-ci et peut donc de toute façon faire pression pour qu'il renonce à recourir, indépendamment de la remise de status updates. En outre, comme on l'a vu (consid. 6.1), la procédure devant être menée avec diligence, le simple écoulement du temps suffirait à l'Etat requérant pour comprendre que la cause fait l'objet d'un recours. Enfin, comme non seulement le contribuable, mais aussi toutes les personnes concernées au sens de l'art. 48 PA peuvent recourir contre une décision finale de l'Administration fédérale accordant l'assistance administrative (cf. art. 19 al. 2 LAAF ; Aurélia Rappo/Aurélie Tille, Les conditions d'assistance administrative internationale en matière fiscale selon la LAAF, RDAF 2013 II 1, p. 8), l'information qu'une telle procédure a été diligentée ne signifie pas encore que c'est le contribuable qui en est à l'origine.
10.5. Finalement, l'argument de l'intimée selon lequel le status update transmis par l'Administration fédérale permettrait déjà aux autorités espagnoles de procéder à une taxation d'office ou d'initier une procédure pénale à son encontre n'emporte pas la conviction.
En effet, il ne faut pas perdre de vue qu'il existe déjà une procédure ouverte contre l'intimée et les membres de sa famille en Espagne. Quand bien même l'octroi de l'assistance administrative devrait aboutir à l'ouverture d'une autre procédure, l'intimée n'explique pas en quoi, et on ne le voit du reste pas, il serait vraisemblable que l'autorité espagnole l'ouvre sur la base de la seule remise de status updates, sans attendre le prononcé de la décision finale sur la demande d'assistance et, le cas échéant la réception des renseignements requis. A cela s'ajoute qu'il ressort de l'art. IV ch. 7 2e phrase du Protocole à la CDI CH-ES que la prescription ne court pas en Espagne concernant les procédures administratives fiscales, en cas d'appel contre une décision de l'Administration fédérale (cf. aussi art. IV ch. 6 du Protocole à la CDI CH-ES).
10.6. En conclusion, rien dans le droit suisse ne s'oppose à la transmission de status updates, correspondant à l'information remise le 30 novembre 2015 aux autorités espagnoles, par l'autorité recourante dans le cas d'espèce. On ne se trouve donc pas dans une situation où la législation suisse entrerait en conflit avec les engagements internationaux de la Suisse (cf. sur cette problématique : ATF 142 II 35 consid. 3.2 p. 38 s. ; 139 I 16 consid. 5.1 p. 28 s. ; en lien avec le droit fiscal, ATF 136 II 241 consid. 16 p. 255 ; Daniel de Vries Reilingh, Manuel de droit fiscal international, 2e éd. 2014, p. 48 ; René Matteotti/Nicole Elischa Krenger, Einleitung, in : Zweifel/Beusch/Matteotti, op. cit., , p. 88 ss).
11.
11.1. Il découle de ce qui précède que le recours doit être admis et que le ch. 1 de la décision incidente du Tribunal administratif fédéral du 15 février 2016, qui interdit à l'Administration fédérale de transmettre d'autres informations procédurales aux autorités espagnoles avant qu'il ait été statué sur la demande d'assistance par une décision entrée en force, sera annulé. La décision sera confirmée pour le surplus.
[…]