2.1 Selon l’art. 28 par. 1 1
ère phrase CDI CH-F (Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscale en vigueur depuis le 26 juillet 1967 [
RS 0.672.934.91]), les autorités compétentes des Etats contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou pour l’administration ou l’application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des Etats contractants, de leurs subdivisions politiques ou de leurs collectivités locales dans la mesure où l’imposition qu’elle prévoit n’est pas contraire à la Convention.
L’art. 28 par. 3 CDI CH-F prévoit que les dispositions du par. 1
« ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un Etat contractant l’obligation :
a) (...)
b) de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de l’autre Etat contractant ;
c) (...) »
Selon le Commentaire officiel du MC OCDE [
Modèle OCDE convention fiscale concernant le revenu et la fortune], sont considérés comme renseignements pouvant être obtenus selon le droit et la pratique internes ceux dont disposent les autorités fiscales ou que celles-ci peuvent obtenir par application de la procédure normale d’établissement de l’impôt (Commentaire OCDE, version au 17 juillet 2012, n° 16 ad art. 26 MC OCDE). L’idée qui sous-tend cette réserve en faveur du droit interne en la matière est que l’on ne saurait exiger de l’Etat requis qu’il soit tenu de transmettre des informations qu’il ne pourrait pas obtenir en vertu de sa législation ou de sa pratique internes (
Xavier Oberson, in Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le revenu et la fortune, Commentaire, 2014, n° 115 ad art. 26 MC OCDE).
3.1 […] Il convient d’ajouter que le point de savoir si une société doit être qualifiée de personne concernée ou de simple détenteur d’informations constitue bien une question de droit et non pas, comme le soutient la Société dans sa réponse au recours, un élément qui relève de l’établissement des faits.
3.2 En l’espèce, il ressort de l’arrêt attaqué que B. est, selon les indications fournies par l’Etat requérant, l’unique actionnaire de la Société, qu’il a fondée et à qui il a cédé la propriété de marques. La Société, dominée par B., représente donc, contrairement à ce qu’elle soutient, indubitablement une « personne concernée » par la demande d’assistance qui vise ce contribuable. Elle est partant tenue, en vertu de la CDI CH-F et sous réserve de l’art. 28 par. 3 de ladite Convention, de transmettre tous les renseignements requis qui sont en sa possession, dans la mesure où ils remplissent le critère de pertinence vraisemblable. A cet égard, le caractère vraisemblablement pertinent de l’ensemble des renseignements qui lui ont été demandés, y compris ceux qui ont trait à ses activités, au nombre de ses employés et à ses locaux, est rempli, comme l’ont reconnu les juges précédents, car ils sont propres à déterminer si la Société dispose ou non d’une existence réelle ([…]).
Reste donc à déterminer si la transmission de ces informations est compatible avec la réserve du droit interne prévue à l’art. 28 par. 3 CDI CH-F, ce qu’a refusé d’admettre le Tribunal administratif fédéral en application de l’art. 127
LIFD et ce que conteste la recourante, qui se prévaut de l’art. 126 LIFD.
[L’art. 28 par. 3 CDI CH-F renvoie à la LIFD.]
La LIFD opère une distinction entre, d’une part, le devoir de collaboration du contribuable (cf. art. 123 à 126 LIFD) et, d’autre part, les obligations de collaboration qui incombent à certains tiers (art. 127 LIFD : « attestations de tiers » ; art. 128 LIFD : « renseignements de tiers » ; art. 129 LIFD : « informations de tiers »).
5.3. Il découle de ce qui précède que pour savoir quelle est l’étendue du devoir de collaboration d’un contribuable lorsqu’est en jeu l’imposition d’un autre contribuable, il faut déterminer si les renseignements demandés sont susceptibles ou non d’affecter sa propre taxation. Dans l’affirmative, c’est l’art. 126 LIFD qui s’applique ; dans la négative, le devoir de collaboration est régi par les art. 127 à 129 LIFD.
5.4. En l’espèce, selon les constatations des juges précédents, les autorités fiscales françaises soupçonnent B., contribuable et résident français, de n’avoir constitué la Société que pour des raisons fiscales (à savoir transférer des revenus de redevances en Suisse, de sorte qu’ils échappent à la souveraineté fiscale française), la Société n’ayant pas d’existence réelle ([…]). Le Tribunal administratif fédéral a relevé que la France souhaitait obtenir les renseignements demandés pour vérifier la réalité de la structure mise en place et, le cas échéant, en faire abstraction si celle-ci devait s’avérer artificielle. Comme exposé ci-dessus, il en a déduit, à juste titre, que les renseignements demandés remplissaient l’exigence de pertinence vraisemblable, la Société apparaissant comme une personne concernée par la demande. En revanche, c’est à tort que les juges précédents ont conclu que, sous l’angle du droit interne suisse, l’obligation de collaboration de la Société était régie par les art. 127 à 129 LIFD. Au contraire, sous l’angle du droit interne suisse, les renseignements demandés à la Société, qui concernent son activité, le nombre de ses employés et ses locaux, constituent des indices propres à déterminer si sa création procède ou non de la mise en place d’une structure artificielle, dénuée de substance et constituée à des seules fins fiscales, soit d’un cas de Durchgriff. Or, comme rappelé ci-dessus, si cette construction devait être retenue, la propre taxation de la Société en serait également affectée, en tant que les revenus qui lui ont été attribués artificiellement le seraient désormais directement à son actionnaire. En vertu du droit interne, celle-ci serait donc tenue de communiquer ces informations en vertu de l’art. 126 LIFD.