Chère lectrice, cher lecteur,
Dans le domaine du droit pénal, l’expertise psychiatrique fait souvent fantasmer. Dans certains milieux, on est persuadé que la psychiatrie serait à même de prédire la dangerosité et donc le crime ; dans d’autres, on se plaint du fait que les juges auraient perdu leur pouvoir de sanctionner au profit des psychiatres ; dans d’autres cercles encore, les psychiatres sont considérés comme des incapables, voire des charlatans. La présente édition spéciale de Jusletter s’écarte évidemment de ces idées reçues et donne la parole à des spécialistes du domaine dans le but de nous permettre d’aller au-delà des préjugés et d’en savoir un peu plus sur cette science.
Le lecteur y trouvera d’abord des contributions d’ordre général, avant de se voir confronté à la problématique de l’interaction entre le droit et la psychiatrie, puis de s’introduire concrètement dans un processus d’expertise.
C’est ainsi que Gérard Niveau donne un aperçu général des situations dans lesquelles une expertise psychiatrique est nécessaire en droit pénal (soit principalement l’art. 20 CP concernant la détermination du degré de responsabilité d’un individu et l’art. 56 al. 3 CP concernant le prononcé de mesures institutionnelles), met l’accent sur la différence entre une relation thérapeutique et une situation d’expertise, et indique combien la terminologie juridique et la terminologie scientifique diffèrent. Suit une contribution de Thomas Knecht développant la notion d’inaptitude au traitement nécessaire au prononcé d’un internement, puis un article de Elmar Habermeyer et Josef Sachs, dont l’objectif est de mettre les préjugés du public à l’épreuve de la réalité scientifique en matière d’expertise psychiatrique. Finalement, Julian Mausbach porte un regard critique sur l’expertise psychiatrique forcée et donc sur les normes en matière d’expertise contenues dans le Code de procédure pénale (CPP).
Viennent ensuite plusieurs contributions sur les relations entre le droit et la psychiatrie. Benjamin F. Brägger et Marc Graf échangent d’abord un regard croisé, entre un juriste et un psychiatre, sur la délégation de responsabilité du droit à la psychiatrie dans le domaine du prononcé et de l’exécution des sanctions. Patrick Michod indique ensuite quels sont les moyens d’intervention d’un avocat face au mandat d’expertise et à l’expertise elle-même. Gloria Capt et Xavier Company s’arrêtent finalement sur l’expertise de crédibilité en rappelant avec insistance qu’il faut clairement distinguer la crédibilité d’un témoin (telle qu'elle ressort d’une expertise de crédibilité) de la véracité de ses allégations (dont la détermination appartient au seul magistrat et non à l’expert).
Pour terminer cette édition spéciale, Philippe Delacrausaz et Valérie Moulin nous font entrer dans les méandres d’un processus d’évaluation de la dangerosité, tel qu’il est pratiqué au Centre d’expertises psychiatriques de l’Institut de psychiatrie légale du CHUV à Lausanne.
Nous espérons ainsi vivement que les lectrices et les lecteurs de cette édition spéciale y trouveront un intérêt et surtout des réponses à certaines questions que ne manquent pas de poser les expertises psychiatriques dans le monde pénal d’aujourd’hui.
Prof. Dr. André Kuhn | Prof. Dr. Andreas Eicker | Dr. Grace Schild Trappe |
Rédacteur Jusletter Droit pénal | Rédacteur Jusletter Procédure pénale | Rédactrice Jusletter Droit pénal |