Justice - Justiz - Giustizia

Chère lectrice, cher lecteur,

La présente édition de la Revue des juges traite, dans deux essais, de questions introduites à l’initiative des professeurs Andreas Lienhard et Daniel Kettiger, et au travers du projet de recherche soutenu par le Fonds national suisse intitulé « Fondements d’un bon management de la justice en Suisse » (www.justizforschung.ch).

Ainsi, dans le cadre de sa thèse sur laquelle se fonde son article, en prenant l’exemple du tribunal de district de Zurich (Bezirksgerichts Zürich), Angela Eicher se demande quelle influence les attentes internes et externes, couplées à certaines logiques, peuvent avoir sur la gestion et l’organisation d’un tribunal. Elle examine également les pratiques appliquées pour gérer ces attentes. La présence de multiples attentes et de ces logiques associées représentent un nouveau défi pour les tribunaux suisses et leurs employé-e-s. Comment les tribunaux font-ils pour les traiter ? Cette question est particulièrement sensible, car les attentes externes influent souvent sur la légitimité d’un tribunal, ainsi lorsque l’on cherche des ressources nécessaires pertinentes qui ne peuvent simplement pas être transmises à temps ou alors seulement à une date différée.

Peter Bieri fait remarquer que les exigences de performance ont augmenté ces dernières années pour les juges. Cette situation a coïncidé avec une professionnalisation de la justice et une demande plus forte d’obtenir des informations sur les activités des juges et des magistrats-e-s. Dans ce contexte, sa thèse intitulée « Traitement des données sur les juges » se veut une contribution basée sur des données et informations qui peuvent être liées au travail juges. L’on peut penser, par exemple, à des indicateurs particuliers (charge financière, durée de la procédure, fréquence des procédures en appel ou cohérence du jugement). Le traitement des données concernant les juges sera mis en relation, au cours de ce travail de recherche, avec différents domaines de la justice qui seront thématisés.

Tanja Petrik-Haltiner, greffière au Tribunal administratif fédéral, traite dans son essai intitulé « l’assurance qualité dans la jurisprudence » d’une question connexe, soit la bonne gestion de la justice. Les procédures judiciaires et les décisions peuvent être caractéristiques de la qualité du système judiciaire et des mesures prises pour garantir sa sécurité, selon les exigences liées à la personnalité des juges. La fonction judiciaire peut en particulier être évaluée de cette manière. En outre, si on la compare avec l’Europe, la Suisse n’offre pas une formation officielle pour la fonction judiciaire : il serait ainsi nécessaire de créer une base constitutionnelle permettant de systématiser un examen périodique du professionnalisme des juges sur une base précise, ce qui permettra d’assurer une jurisprudence de haute qualité et de renforcer l’indépendance judiciaire.

« La médiation n’est pas une démission du juge, mais une des missions du juge » (Charles Jarosson). C’est par cette citation piquante que Jean Mirimanoff termine son article intitulé « Le juge civil comme prescripteur de la médiation ». La médiation fonctionne mal dans le cadre du droit civil. Remédier à cette lacune est un véritable défi, en particulier pour la justice.

Martin Dumermuth et Sandra Eberle traitent des transmissions juridiques électroniques, désormais possibles avec toutes les instances judiciaires fédérales, mais qui sont encore peu utilisées aujourd’hui. Par une adaptation de la législation et des autorités, les professionnel-le-s représentant les parties et les avocat-e-s devraient être tenu-e-s d’utiliser les transmissions juridiques électroniques (E-Justice). Les auteurs présentent dans ce but un nouveau projet législatif.

Gerold Steinmann se penche sur la réélection des président-e-s des tribunaux de district de Soleure. Ceux/celles-ci sont privilégié-e-s par le fait que le premier tour de scrutin est limité aux candidat-e-s déjà titulaires, sans que de nouveaux/elles candidat-e-s ne soient admi-se-s. Ce n’est que si aucune majorité absolue n’est atteinte durant le premier tour que le scrutin est alors ouvert à de nouveaux/elles candidat-e-s potentiel-le-s. Ce modèle pourrait favoriser l’indépendance du pouvoir judiciaire. Par cette caractéristique du processus de réélection, le modèle soleurois prend, dans une certaine mesure, une position intermédiaire entre le système traditionnel qui comprend des périodes relativement courtes de fonctions et de réélection, et la réglementation en vigueur dans le canton de Fribourg qui prévoit des élections dans un temps indéterminé et la possibilité de licenciement.

Nous publions à nouveau dans la Revue des juges certains travaux finaux rédigés pour obtenir le CAS judiciaire 2015/2016. Thomas Frey donne ainsi un aperçu de son expérience professionnelle en tant que président d’une commission de conciliation et décrit une audience d’arbitrage comprenant des réunions. La légalité de ces réunions est cependant controversée.

Marcel Ogg déclare, lui, dans son mémoire final que, selon l’avis du Tribunal fédéral exprimé dans son ATF 134 I 16, il n’y aurait pas de droit constitutionnel à des juges bénéficiant d’une formation juridique. Cependant, l’indépendance de la justice exige des méthodes juridiques et de l’expertise. Pourtant, des juges fantômes, qui chuchoteraient à d’autres comment rendre une décision, n’assureraient pas l’indépendance du pouvoir judiciaire. A l’inverse, l’indépendance judiciaire peut être mesurée lors de la réélection des juges par l’examen de leurs méthodes et de leur expertise. La meilleure sélection possible est plus importante encore dans la première nomination ou le renouvellement d’un poste de juge. La figure centrale de l’indépendance judiciaire est le/la juge. Il/Elle est celui/celle qui garantit aux parties l’indépendance du pouvoir judiciaire et qui assure l’équité de la procédure. Il est donc essentiel d’affirmer que ne peut être juge que celui/celle qui est porteur/se de compétences professionnelles et sociales. L’indépendance judiciaire et l’expertise juridique sont deux éléments constitutifs indépendants du pouvoir judiciaire. Des juges compétent-e-s assurent l’indépendance de la justice. Corolairement, l’indépendance judiciaire permet une jurisprudence professionnellement compétente.

Le 1er janvier 2012, le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) a lancé son quatrième cycle d’évaluation. Celui-ci traite de la « prévention de la corruption parmi les parlementaires, les juges et les procureurs ». Thomas Stadelmann note, dans son rapport de synthèse, les principales conclusions de ce rapport d’évaluation, en portant un regard sur la justice.

Niccolò Raselli analyse le rapport du Conseil de l’Europe GRECO du 15 mars 2017 qui comprend le rapport d’évaluation sur la Suisse, adopté le 2 décembre 2016. Le rapport examine la prévention de la corruption parmi les parlementaires, dans les tribunaux et chez les procureur-e-s. L’article commente les remarques et recommandations concernant les tribunaux. Il est de notoriété publique que certain-e-s politicien-ne-s, ou même des factions d’un parti tout entier, ne craignent pas de mettre le Tribunal fédéral sous pression pour tenter de le rendre conforme à leurs préoccupations. Ils/Elles menacent et utilisent comme moyen le système électoral actuel qui a des échéances relativement courtes et offre la possibilité d’une non-réélection. Des sanctions telles qu’un mauvais scrutin lors d’une réélection et des menaces spécifiques de non-réélection sont avérées (notamment dans des cas comme les décisions de naturalisation, les arrêts concernant les crucifix ou les décisions concernant la discrimination raciale). De telles menaces illustrent bien le problème du système de réélection. Dès lors, la réélection presque invariable des juges peut faire naître une suspicion de leur indépendance de fait. L’alternative au système électoral actuel qui oblige à des réélections périodiques est plutôt une élection unique, combinée avec une limite d’âge variable, comme l’âge de la retraite (système choisi dans le canton de Fribourg).

Dans les colonnes de l’ASM, Nora Lichti Aschwanden parle de la nouvelle loi sur les pensions alimentaires pour enfants, en vigueur depuis le 1er janvier 2017, qui a eu des répercussions importantes en amont et a généré beaucoup de ressentiment et d’incertitude de la part des justiciables et des praticien-ne-s.

Dans la rubrique « News abroad », Hans-Jakob Mosimann se fait l’écho d’un arrêt du tribunal allemand du service des juges (Dienstgerichtshof für Richter) de la Cour supérieure régionale de Coblence qui a examiné une plainte concernant l’évaluation officielle d’un juge. En Allemagne, et à la différence de la Suisse, les juges sont en effet formellement évalué-e-s par leurs supérieur-e-s. Michael Gressmann écrit également un texte intitulé « L’humain de verre » et consacré à la 22e Journée des juges et procureur-e-s allemand-e-s qui s’est tenue à Weimar.

« Juria » se réfère à la Commission d’éthique de l’Association suisse des magistrats de l’ordre judiciaire qui a produit ses premières prises de position sur les activités professionnelles et para-professionnelles des juges et des magistrat-e-s.

Pour compléter ces contributions, nous vous offrons la 40e mise à jour de la bibliographie sur le droit des juges et la sélection, par le Venice Commission Observatory, de certains rapports concernant la justice, produits par les médias internationaux sur la jurisprudence mondiale des cours constitutionnelles.

Nous vous souhaitons une agréable lecture.

L’équipe de rédaction : Stephan Gass, Hans-Jakob Mosimann, Thomas Stadelmann, Andreas Lienhard, Sonia Giamboni, Pierre Zappelli

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