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L'e-Justice européenne : passé, présent et futur

  • Author: Fernando Paulino Pereira
  • Category: Articles
  • Region: Belgium
  • Field of law: E-Justice
  • Citation: Fernando Paulino Pereira, L'e-Justice européenne : passé, présent et futur, in: Jusletter IT 19 November 2015
L’e-Justice européenne a été mise en place après une conférence qui s’est tenue en Autriche, à Vienne, en 2006. Le premier plan d’action, adopté en 2008, a défini le premier cadre de travail pour la période de 2009 à 2013. Pendant cette période, des travaux importants ont été effectués au niveau européen et national. En particulier, le portail de l’e-Justice européenne a été ouvert le 10 juillet 2010 et l’Union a adopté plusieurs mesures pour mettre en marche le projet de l’e-Justice européenne. Au niveau des États membres, un nombre important de projets ont été mis en place. La nouvelle stratégie pour l’e-Justice européenne 2014–2018 définit des principes, des objectifs et des moyens qui devraient permettre un développement progressif et harmonieux vers la réalisation d’une vraie e-Justice européenne, avec la volonté commune des Etats membres et des institutions européennes.

Table des matières

  • 1. Introduction
  • 2. Le Plan d’action 2009–2013
  • 2.1. Fonctions de l’e-Justice européenne
  • 2.1.1. Accès à l’information
  • 2.1.2. Procédures judiciaires et extrajudiciaires
  • 2.1.3. Communications entre autorités nationales
  • 2.2. Interopérabilité
  • 2.3. Structures de travail
  • 2.4. Bilan
  • 3. La strategie en matiere de l’e-Justice europeenne 2014–2018
  • 3.1. Principes
  • 3.2. Objectifs
  • 3.3. Moyens
  • 4. Le futur

1.

Introduction ^

[1]
L’e-Justice européenne a été créée au début des années 2000. L’Autriche, par le biais du Dr. Martin Schneider, a organisé pour la première fois en 2006 une conférence internationale qui s’intitulait « e-Justice and e-Law: new IT solutions for Courts, Administration of Justice and legal information systemes ». De par son projet, cette conférence fut un évènement particulièrement important qui a permis de faire comprendre que l’électronique avait pénétré le monde sacré de la justice. Cette conférence a été organisée au moment où l’Union européenne venait juste d’adopter un instrument qui visait à établir une injonction de payer européenne. Pourquoi ne pas donner la possibilité à cet instrument d’être plus efficace et de multiplier ses effets en utilisant des moyens électroniques? L’instrument prévoyait d’ailleurs la possibilité de recourir à des moyens électroniques à un moment où l’on était loin de pouvoir imaginer que l’e-Justice européenne deviendrait une réalité.
[2]
Cette conférence a rassemblé environ 400 personnes. Une telle participation témoignait de la volonté commune des autorités nationales et des praticiens de la justice d’aller de l’avant dans ce domaine. On comprenait que l’on vivait dans un nouveau monde, celui de l’« eworld ».
[3]
Suite à cette conférence, qui a été un succès à plusieurs égards, des démarches ont été entreprises afin de lancer les travaux en matière de e-Justice au niveau de l’Union européenne. Cette initiative a été lancée avec le soutien important de l’Autriche, par l’intermédiaire du Dr. Schneider, ainsi que de l’Allemagne, par le biais du Dr. Wilfried Bernhardt. Nous étions alors à la veille de la présidence allemande.
[4]
À l’époque, il existait un groupe de travail au sein des instances du Conseil dénommé « groupe Informatique juridique » du Conseil. À la suite de la conférence de Vienne et des démarches entreprises par les uns et les autres auprès du président du groupe, celuici a pris l’initiative de soumettre un rapport à l’intention du Coreper II (ambassadeurs des États membres auprès de l’Union européenne) afin de lancer les travaux en vue de la réflexion sur l’opportunité de créer une e-Justice européenne. Cette initiative a suscité des remous. Créer un e-Justice européenne? Mais quelle idée dans un domaine inviolable comme celui de la justice.
[5]
Le président a été contraint de revenir vers le groupe de travail pour obtenir l’accord unanime des États membres afin d’entériner la décision de soumettre au Coreper la question de la nécessité d’entamer des travaux dans ce domaine. L’accord étant intervenu, sans aucune difficulté au niveau du groupe de travail, le Coreper a décidé de lancer les travaux en matière de e-Justice. À cet effet, il a créé une nouvelle formation du groupe « informatique juridique » du Conseil, dont le but était effectivement d’entreprendre des travaux en matière de e-Justice.
[6]
Ce fut une époque surprenante. Toutes les délégations, sans exception, ont soutenu cette idée de mettre en place une e-Justice européenne. Toutefois, ce ne fut qu’en décembre 2008, à la suite d’un travail laborieux pendant le semestre de la présidence française, que le groupe à décidé de soumettre un projet de plan d’action relatif à l’e-Justice européenne. Il est intéressant de relever que ce plan d’action définissait les contours logiques de ce qui allait devenir l’e-Justice européenne. Les ministres de la justice des États membres de l’Union européenne de l’époque ont pris la décision d’aller de l’avant avec ce plan d’action, sans que cela suscite des réticences.

2.

Le Plan d’action 2009–2013 ^

[7]
Le plan d’action 2009–2013 a été adopté en décembre 2008. Ce plan d’action a défini la stratégie au niveau de l’Union européenne qui avait, bien entendu, des conséquences au niveau national, à un moment ou rien ou très peu avait été fait au niveau national sauf dans certains États membres, comme par exemple en Autriche.
[8]
Ce plan d’action couvrait un large champ d’action dans la mesure où son objectif était de couvrir les domaines du droit civil et commercial, du droit pénal et du droit administratif.

2.1.

Fonctions de l’e-Justice européenne ^

[9]
Trois fonctions étaient prévues par ce plan d’action.

2.1.1.

Accès à l’information ^

[10]
La première fonction était l’accès aux informations relevant du domaine de la justice. Le but était de mettre à la disposition des praticiens du droit et des citoyens des informations concernant la législation et la jurisprudence, y compris celles des États membres. L’intention n’était pas d’empiéter sur le portail de la législation européenne (eur-Lex) mais plutôt de mettre ces informations à la disposition des personnes consultant le portail de l’e-Justice européenne et d’enrichir celui-ci avec des mesures qui ne relevaient pas d’eur-Lex. L’idée a toujours été d’éviter les doublons.
[11]
C’est dans ce cadre qu’il a été décidé de créer un portail européen en matière d’eJustice. Au début, la question s’est posée de savoir si ce portail devrait être hébergé par la Commission ou s’il fallait adopter une autre solution, comme par exemple le travail commun de certains États membres. En effet, certains États membres, et en premier lieu l’Autriche, avaient mis en place un projet pilote visant a créer un portail européen en matière d’e-Justice.
[12]
Les débats ont été très animés sur ce point. En fin de compte, il a été décidé que le portail serait hébergé au sein de la Commission et l’orientation qui lui serait donnée serait définie en pleine coopération avec les États membres dans le cadre du groupe e-Justice.
[13]
Ce portail a finalement été ouvert le 16 juillet 2010 à Bruxelles, au Palais d’Egmont. Cela a marqué un moment particulièrement important de la mise en place de l’eJustice européenne, car c’était la première pierre de l’édifice de l’e-Justice européenne. Pour la première fois, l’e-Justice n’était plus un rêve, une simple possibilité, un projet politique, mais une réalité. Le portail a été ouvert par la le Ministre de la Belgique, exerçant alors la présidence du Conseil de l’Union européenne et par la vice-présidente de la Commission européenne, Vivianne Reding. Diana Wallis, vice-Présidente du Parlement européen de l’époque, ainsi que les ministres de tous les États membres de l’Union européenne ont participé à cet évènement.

2.1.2.

Procédures judiciaires et extrajudiciaires ^

[14]
La deuxième fonction de l’e-Justice européenne était de procéder à la dématérialisation de la justice. En d’autres termes, de permettre d’engager une action en justice en utilisant des moyens électroniques. Quel rêve à l’époque! Beaucoup n’y croyaient pas. Comment serait-il possible qu’un avocat résidant en Allemagne engage une procédure judiciaire en Italie en utilisant des moyens électroniques?
[15]
Le plan d’action allait même plus loin parce qu’il prévoyait pour la première fois la possibilité de procéder à une « e-médiation », c’est-à-dire, de procéder à une médiation en utilisant des moyens électroniques. En effet, on était encore loin de l’idée de créer un règlement relatif aux modes alternatifs de règlement des litiges en ligne, ce qui est actuellement une réalité.
[16]
Bien entendu, pour que l’e-Justice européenne soit mise en place, il fallait que sa mise en œuvre soit effectuée dans le respect du cadre juridique existant dans les États membres ou au niveau européen ou établi par des actes internationaux auxquels les États membres concernés étaient parties contractantes.
[17]
Les travaux dans ce domaine ont démarré avec enthousiasme de la part de plusieurs États membres. En particulier, la visioconférence est devenue un des aspects les plus intéressants pour les États membres. C’est dans ce contexte que, par l’entremise de la Finlande et de la république Tchèque, le groupe e-Justice a réussi à élaborer une liste des points de contact dans les États membres en matière de visioconférence, qu’un manuel pratique a été rédigé et adopté et que les conditions ont été créées pour réaliser des visioconférences avec la participation d’interprètes en ligne, parfois situés dans un autre État membre. Il a en effet été impressionnant de constater qu’en aussi si peu de temps une visioconférence pouvait être organisée entre la République tchèque et l’Autriche avec la participation d’un interprète se trouvant en Allemagne.
[18]
La visioconférence s’est révélée un instrument très efficace de concrétisation de l’e-Justice européenne. La distance entre les juridictions des États membres exigeait des moyens différents permettant de procéder à l’audition d’un témoin ou d’un accusé dans des délais plus courts et à un coût plus réduit. En outre, cette situation a eu un impact encore plus important au niveau national, principalement dans les pays dotés d’un territoire étendu. Il convient de relever que la visioconférence doit toujours être effectuée dans les respects des règles de droit et, en particulier, de celles de la Convention européenne des droits de l’homme ou de la Charte des droits fondamentaux, le cas échéant.

2.1.3.

Communications entre autorités nationales ^

[19]
L’e-Justice a pour troisième fonction de faciliter les communications entre autorités compétentes. En effet, la simplification et l’accélération des communications entre les autorités compétentes revêtent une importance toute particulière dans le cadre de l’e-Justice. Les réseaux judiciaires constituaient et constituent un élément essentiel dans ce contexte. C’est pourquoi il a été décidé d’intégrer le site web du réseau judiciaire civil ainsi que l’Atlas judiciaire dans le portail de l’e-Justice. En outre, il a été possible d’établir une coopération avec le réseau judiciaire en matière pénale.

2.2.

Interopérabilité ^

[20]
Le plan d’action indiquait qu’il était nécessaire de créer un système technique décentralisé et, ce, pour plusieurs raisons dont deux en particulier. En premier lieu, il convenait de reprendre les systèmes existants ou en préparation au niveau national; en second lieu, des raisons liées à la protection des données justifiait cette création. On considérait qu’une centralisation excessive des données risquerait de mettre en péril les données à caractère personnel dans le cadre de l’exercice de la justice.
[21]
C’est dans ce contexte qu’il a été nécessaire de prévoir des mesures techniques compensatoires pour que les systèmes puissent être interopérables. En d’autres termes, il a fallu prévoir un code de conduite technique commun afin que les autoroutes de la communication entre les États membres dans le domaine de de la justice puissent fonctionner. Il a donc été nécessaire d’établir des mécanismes de e-authentification, de signature électronique et de sécurisation opérationnels entre les États membres.
[22]
C’est ainsi qu’un ensemble d’États membres a créé un projet qui est devenu par la suite e-Codex. Ce groupe d’États membres a coopéré étroitement avec les praticiens de la justice. Les représentants des avocats, des notaires et, dans une phase ultérieure, des huissiers de justice, ont pleinement coopéré dans ce domaine.
[23]
En effet, les professions libérales se sont énergiquement lancées dans les travaux en matière de e-justice, non seulement dans le cadre des relations interprofessionnelles, comme c’est le cas de « Pénal-net » pour les avocats, mais aussi dans le cadre des communications entre les professionnels et les autorités nationales.
[24]
Cet exercice constitue sans aucun doute la base de travaux qui à terme devront se traduire par un large degré d’harmonisation, en premier lieu, entre les États membres de l’Union européenne. À l’avenir, tous les moyens techniques de communication devraient être standardisés, ce qui permettra de renforcer la possibilité de communication entre les différents acteurs de la justice dans les États membres.

2.3.

Structures de travail ^

[25]
Le plan d’action a établi une première structure de travail pour mener à bien les travaux de mise en œuvre de l’e-Justice au niveau européen. Plusieurs possibilités avaient été imaginées: premièrement, une telle opération pourrait être réalisée par plusieurs États membres en pleine concertation avec les autres États membres; deuxièmement, cette fonction pourrait être exercée par la Commission, et troisièmement, une agence européenne pourrait être créée pour mettre en œuvre l’e-Justice européenne.
[26]
Les trois possibilités présentaient des avantages et des inconvénients. La Commission était fermement opposée à la première solution, à savoir une action de certains États membres; la troisième solution s’est révélée, à ce stade-là, longue et complexe à mettre en place et elle ne pouvait être envisagée qu’à moyen terme, le cas échéant, en fonction de l’état d’avancement des travaux.
[27]
C’est alors que le Conseil s’est penché sur la nécessité de prévoir une solution institutionnelle équilibrée, qui tienne en compte des intérêts de toutes les parties. Ainsi, il a été convenu que les différents services de l’e-Justice européenne devrait, dans une perspective de mise en œuvre technique, relever de la Commission. Ceci étant, la prise de décision quant à la structure et au fonctionnement du système de l’e-Justice européenne, devrait incomber aux États membres, dans le cadre du groupe e-Justice au niveau du Conseil.
[28]
En pratique, cette logique a dans l’ensemble donné de bons résultats en ce qui concerne le portail e-Justice qui, selon les États membres, fonctionne d’une façon globalement satisfaisante.

2.4.

Bilan ^

[29]
Quelles conclusions peut-on tirer en 2013, à la suite de ce premier plan d’action? Sans vouloir entrer dans les détails, on peut relever certains aspects.
[30]
Tout d’abord, l’e-Justice est devenu une réalité au niveau européen et, par la-même, dans la grande majorité des États membres.
[31]
Le portail e-Justice a été ouvert. Dans plusieurs États membres, où la justice était auparavant exercée par des moyens traditionnels, elle s’est modifiée et parfois radicalement modernisée. Dans de nombreux États membres, il est possible de soumettre des demandes auprès des tribunaux en utilisant des moyens électroniques, de procéder à la signification ou la notification des actes judiciaires ou extrajudiciaires en recourant à de tels moyens et d’obtenir des moyens de preuve en utilisant, par exemple, la visioconférence.
[32]
En outre, une volonté de coopération s’est fait jour et elle s’est révélée constructive. Dans ce cadre, il convient de mettre l’accent sur tous les travaux de e-Codex, mais aussi, et il est important de souligner cet aspect, des praticiens de la Justice.
[33]
Ceci étant, cette première phase n’a pas encore permis d’atteindre le cœur de l’e-Justice, à savoir la mise en œuvre de vraies fonctionnalités entre les États membres. Certes, il est déjà possible de procéder à des demandes en ligne d’injonctions de payer européennes, suite aux travaux de e-Codex. Néanmoins, cet exercice reste encore très limité. Il faudra qu’une volonté ferme se dessine pour faire avancer les travaux dans ce domaine.

3.

La strategie en matiere de l’e-Justice europeenne 2014–2018 ^

[34]
La stratégie de l’e-Justice européenne pour la période 2014–2018 prévoit desprincipes, des objectifs et des moyens pour atteindre l’objectif final consistant à réussir un système d’e-Justice au niveau européen.

3.1.

Principes ^

[35]
En ce qui concerne les principes, la stratégie propose des solutions qui s’inscrivent dans la logique du plan d’action précédent. En d’autres termes, la participation à l’e-Justice est laissée à la discrétion de chaque État membre, sauf dans le cas où un instrument législatif européen a été adopté. Citons, à titre d’exemple, l’interconnexion des registres nationaux d’insolvabilité; la proposition de règlement modifiant le règlement relatif aux procédures d’insolvabilité fait obligation à chaque État membre de créer un registre d’insolvabilité.
[36]
Un autre principe fondamental dans le domaine de la justice en ligne est celui de la décentralisation. En effet, il conviendrait d’éviter de créer un système centralisé, ce qui risquerait d’engendrer des problèmes à plusieurs égards. Un certain degré de centralisation est toutefois requis au niveau de l’UE , par exemple aux fins de la mise en œuvre pratique et de la maintenance du portail de l’eJustice et de ses solutions techniques intégrées. Une centralisation peut aussi être nécessaire dans d’autres cas précis.
[37]
Enfin, il faut tenir compte de la dimension européenne de l’e-Justice. Il convient de ne pas perdre de vue que les projets à mettre sur pied doivent tenir compte des intérêts du plus grand nombre des États membres.

3.2.

Objectifs ^

[38]
Les objectifs essentiels de l’e-Justice demeurent inchangés: l’accès aux informations relevant du domaine de la justice, les actions et procédures extrajudiciaires et la communication entre les autorités.
[39]

Cela étant, il convient d’indiquer que la stratégie 2014–2018 devrait avoir des conséquences plus ambitieuses en ce qui concerne les actions en justice. En effet, d’ici à 2018, les États membres devraient pouvoir être encouragés à développer des moyens additionnels pour permettre le déroulement effectif d’actions en justice dans des situations transfrontalières. Par exemple, les États membres devraient pouvoir mettre en place des procédures électroniques pour la saisine des tribunaux, pour la signification et la notification des actes judiciaires et extrajudiciaires ou pour l’obtention de preuves dans un autre État membre.

[40]
D’autres résultats pourraient être atteints tels que la possibilité de mettre en place l’interconnexion de certains registres ayant un impact dans le domaine de la justice ou la nécessité de prendre en considération l’e-Justice dans le cadre de la législation européenne.
[41]
Concernant ce dernier aspect, il convient de souligner qu’il importe que les technologies modernes de l’information et de la communication soient utilisées de manière cohérente dans la mise en œuvre de la nouvelle législation de l’UE dans le domaine de la justice. Il est souhaitable d’intégrer le concept de l’e-justice en ligne dans les futurs instruments législatifs adoptés dans ce domaine. À cet effet, les futurs instruments législatifs devraient être examinés avant leur adoption afin de s’assurer qu’ils prennent en compte l’utilisation éventuelle de systèmes de justice en ligne. Si nécessaire, la législation déjà en vigueur devrait également être adaptée pour permettre une mise en œuvre optimale dans le cadre de l’e-Justice européenne.
[42]
En matière d’e-Justice, l’Union européenne a, dans une très large mesure, accompli un travail de pionnier au niveau mondial. Il conviendrait, autant que possible, de mettre en place une coopération avec certains États tiers afin de les encourager à adopter des solutions techniques et autres, comparables à celles qui sont ou seront utilisées au sein de l’Union européenne. En effet, l’objectif est de créer un environnement interopérable qui pourrait permettre une coopération plus large avec ces pays tiers.

3.3.

Moyens ^

[43]
Comme indiqué précédemment, le concept de système européen de justice en ligne s’appuie dans une très large mesure sur la mise en place d’un système décentralisé au niveau européen, reliant entre eux les différents systèmes nationaux indépendants qui existent dans les États membres.
[44]
La plus grande compatibilité possible entre les différentes mesures techniques et organisationnelles retenues pour les applications des systèmes judiciaires doit être assurée tout en garantissant une souplesse maximale. Il est cependant nécessaire de trouver des solutions concernant les formats et les protocoles de communication normalisés en tenant compte des normes européennes ou internationales existantes ou futures en la matière, permettant un échange d’informations interopérable, efficace, sûr et rapide.
[45]
Le portail de l’e-Justice devrait proposer un certain nombre d’outils conviviaux. Étant donné que vingt-quatre langues sont utilisées dans les institutions européennes et qu’il est essentiel d’offrir aux citoyens européens un accès aisé au système européen de justice en ligne, il faut envisager de mettre en place des solutions efficaces en matière de traduction.
[46]
Il faudra poursuivre le développement et promouvoir l’utilisation judicieuse d’un système de traduction automatique du contenu du portail de l’e-Justice. La Commission devrait donc poursuivre ses travaux dans ce domaine afin de parvenir à un fonctionnement optimal de toutes les combinaisons linguistiques dans le cadre du projet de traduction automatique de la Commission européenne.
[47]
Cela étant, il sera indispensable que la traduction automatique utilisée dans le cadre du portail de la justice en ligne prévoie l’ajout aux pages produites par l’outil de traduction automatique d’une clause de non-responsabilité précisant le statut, la nature et la fiabilité de la traduction.
[48]
Par ailleurs, il conviendrait de prévoir la fourniture de services centraux de recherche pour l’ELI and l’ECLI sur le portail de l’e-Justice afin de permettre un accès facile, fiable et convivial à l’ensemble de la législation et de la jurisprudence de l’UE. Les États membres devraient, dans la mesure du possible, inclure ces identifiants dans leur législation et leur jurisprudence et faire procéder au travail technique nécessaire pour que ces données soient disponibles sur le portail de l’e-Justice.
[49]
En outre, les travaux visant à améliorer le contenu et le fonctionnement de la base de données judiciaire dans le domaine du droit civil et commercial devraient se poursuivre, en vue d’établir une interconnexion avec les bases de données nationales et de créer une fonctionnalité qui permettra de déterminer la juridiction compétente. Il conviendra également de prêter attention au fait que le réseau judiciaire européen en matière pénale met en place une base de données judiciaire dans le domaine du droit pénal.
[50]
La préparation de formulaires types multilingues dynamiques s’avère très importante. L’objectif est de simplifier et de faciliter leur transmission par voie électronique, notamment dans le cas de procédures judiciaires. C’est pourquoi il serait utile d’adopter des règles pour l’utilisation de ces formulaires dynamiques afin de fournir un modèle pour tous les formulaires types électroniques susceptibles d’être utilisés dans le cadre de la justice en ligne.
[51]
Le travail sur des glossaires juridiques tels que Legivoc est d’une importance capitale. La finalité est, entre autres aspects, de garantir une traduction fidèle, dans toutes les langues officielles de l’Union européenne, des concepts juridiques utilisés dans les États membres, en prenant en compte les questions de sémantique. L’objectif est d’intégrer à l’avenir ces glossaires au portail de l’e-Justice.
[52]
Il y a lieu également de poursuivre les efforts visant à rendre les données juridiques nationales et européennes interopérables du point de vue sémantique aux fins de la législation en ligne (e-Law) et de l’e-Justice européenne. Dans ce sens, il sera nécessaire d’essayer de créer un réseau sémantique juridique au niveau européen.

4.

Le futur ^

[53]

Certes, cette stratégie 2014–2018 de plan d’action va dessiner les nouvelles actions au niveau européen dans le domaine de l’e-Justice européenne et il aura inévitablement des incidences sur le plan interne dans les États membres. Mais prend-il en compte tous les besoins essentiels en matière d’e-Justice?

[54]
Il y a deux aspects, considérés par certains comme indispensables, dont il faudra à leur avis discuter et sur lesquels une position devra être arrêtée au niveau européen.
[55]
Le premier est la question de savoir si l’Union européenne devrait disposer d’un instrument juridique qui définit le cadre juridique, notamment en ce qui concerne les droits et obligations que chacun doit prévoir lors des communications établies dans le domaine de l’e-Justice européenne. Par exemple, si une notification à l’étranger dans une affaire de concurrence est envoyée incorrectement au destinataire, ce qui peut avoir des conséquences financières importantes, la question est de savoir qui doit être clairement responsable dans ce domaine. Certes, des instruments européens ou adoptés au niveau national prévoient déjà des solutions en la matière. Mais ne serait-il pas plus approprié qu’un instrument juridique clarifie les droits et obligations des uns et des autres? D’autres précisions semblent également nécessaires pour certains.
[56]
Le deuxième est la question de la gouvernance d’un vrai système d’e-Justice européenne. Actuellement, la commission héberge et met en place le portail de l’e-Justice européenne, en suivant les orientations du groupe e-Justice. La Commission, il convient de le dire, s’exécute avec professionnalisme et donne satisfaction à beaucoup d’États membres. La question que certains se posent toutefois est de savoir qui devrait être responsable de la gestion du circuit des communications entre les États membres, le jour où il sera effectivement possible d’engager une procédure judiciaire en utilisant des procédures électroniques. La gouvernance du système devrait-elle être confiée à la Commission ou à une agence européenne?
[57]
En préparant cet article, je tiens à exprimer la gratitude au docteur Martin Schneider pour sa contribution et ses idées pour la création et la mise en place de l’e-Justice européenne.

 

Fernando Paulino Pereira, Generalsekretariat des Rates der Europäischen Union, fernando.paulinopereira@consilium.europa.eu.